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13-11-2015

07:12

Eliminer la Pauvreté d’ici 2030 : L’objectif clé de l’Etat mauritanien

L'Authentique - La Mauritanie est un pays atypique dans le monde, n’appartenant ni totalement à l’Afrique de l’Ouest ni totalement à l’Afrique du Nord, avec une très grande étendue de terre peu peuplée, vivant d’une économie de rente, avec un climat désertique difficile et où deux groupes ethniques se sentent exclus du pouvoir.

La définition est de Philip English, Lead economist de la Banque Mondiale ou Country Manager qui couvre le Sénégal, le Cap-Vert, la Guinée Bissau, la Mauritanie et la Gambie. C’était son mot introductif lors d’une rencontre avec une partie de la société civile mauritanienne.

Face à l’ambition du gouvernement mauritanien d’éradiquer la pauvreté à l’horizon 2030, Philip English, Lead economist de la Banque Mondiale ou Country Manager semble optimiste, notant que la pauvreté a diminué depuis 1990, et plus particulièrement entre 2008 et 2014.

Mais le paradoxe, selon lui, c’est que cette baisse de la pauvreté est réelle dans le milieu rural alors que le milieu urbain se paupérise, notamment dans les grandes villes comme Nouakchott, Nouadhibou, Tiris-Zemmour, Trarza. Au niveau national, il note que la croissance paraît Pro Pauvre entre 2008 et 2014, avec l’augmentation de la consommation chez les pauvre et l’inverse chez les riches.

D’où la question centrale qui se pose : comment expliquer cette évolution de la pauvreté ? Une explication, serait qu’en milieu rural, le facteur solidarité joue un rôle d’’équilibre ainsi que l’apport permanent de la Diaspora, sans compter le succès enregistré dans la promotion de la production agricole irriguée, le progrès dans le secteur de l’élevage et l’augmentation du prix du bétail, le transfert d’argent de plus en plus facile des villes vers la campagne. L’impact du programme EMEL dans l’amélioration du bien-être en milieu rural a été considéré de très insignifiant sinon nul.

Dans les grandes villes, la migration vers Nouakchott et les grandes villes du Nord se serait faite au détriment de la capacité de ces centres urbains à créer des emplois pour les nouveaux venus.

Ainsi, la pauvreté non monétaire aurait considérablement baissé, de l’ordre de 50%, selon les résultats de la dernière Enquête sur les conditions de vie des ménages (EPCV).

Dans le domaine de l’éducation, les chiffres bruts dans le primaire cacheraient cependant une grande disparité par rapport au taux net de scolarisation.

Si le taux de scolarisation brut dans le primaire prend en considération l’ensemble des enfants présents dans le fondamental sans considération d’âge (avec des 14 et des 15 ans), l’analyse du taux de scolarisation des enfants qui devait normalement se trouver dans le primaire ferait ressortir un grand problème d’accès à l’éducation en Mauritanie, car ce taux serait inférieur à 40%, ce qui serait loin des chiffres avancés. Il existerait aussi de grandes difficultés encore pour l’accès à l’eau potable et à l’assainissement, tout comme la parité genre reste encore un objectif non réalisé.

En attesterait, ce chiffre de 0,644 affecté à la Mauritanie alors que la moyenne en Afrique Subsaharienne est de 0, 578. Ce serait aussi le cas dans l’accès des femmes au marché du travail dans la mesure où seules 26, 8% de Mauritaniennes ont accès à l’emploi.

La croissance économique serait robuste en Mauritanie depuis 2000, avec un taux annuel de 4,5%; elle est cependant très concentrée, tirée par l’export, les minéraux et la pêche ; elle est volatile, car elle a baissé à 3,1% en 2015 et pourrait remonter à 3,7% en 2016.

La gestion macroéconomique est qualifiée de prudente par la Banque Mondiale, avec une augmentation des recettes fiscales mais un surendettement trop élevé qui représenterait près de 80% du PIB.

Les industries extractives représentaient 24% du PIB en 2013, à la fin de la période euphorique 2010-2013 où le prix du fer avait atteint des sommets historiques, marqués notamment par l’expansion de la SNIM.

Une situation qui se serait beaucoup dégradée depuis la fin de la période de grâce. La pêche ne serait pas non plus en bon embonpoint avec une flotte nationale vieillissante et en déclin qui représente à peine 37% du total des navires opérant dans les eaux, avec une valeur ajoutée limitée, seulement 10% de la production étant débarquée.

L’agriculture et l’élevage restent les deux principaux employeurs en Mauritanie, l’élevage représentant à lui seul 70% du PIB. Mais ces deux piliers de l’économie nationale seraient négligés, avec seulement 0,5% du territoire cultivable et seulement 20% des zones irriguées exploitées.

Le climat des affaires en Mauritanie est jugé très faible, avec une absence de dynamisme entrepreneurial et une position de 176ème dans le dernier rapport de Doing Business. Par contre, le secteur des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) serait en pleine expansion avec la libéralisation en cours.

Le marché du travail serait en crise, avec seulement 39% de jeunes en âge de travail qui sont actifs, un taux qui a chuté à 35,6% en 2014. Le secteur informel serait le principal pourvoyeur d’emplois, 96%. Les salaires ont cependant beaucoup augmenté.

Dans le domaine de la Bonne Gouvernance, l’indice aurait chuté entre 2003 et 2013 se situant dans une moyenne beaucoup plus faible par rapport à l’Afrique Subsaharienne. En termes de protection sociale, seules 16% des subventions seraient affectées aux 40% des pauvres.

L’économie mauritanienne serait affaiblie par son manque de diversité, mines, fer, pêche, avec un risque environnemental lié aux changements climatiques et l’exclusion des pauvres.

A cela s’ajouteraient un taux d’employabilité très faible, de mauvais rendements dans le domaine de l’éducation, une faible participation des femmes qui représentent plus de la moitié de la population et un manque de cohésion sociale.

Cheikh Aïdara




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