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27-12-2015

22:00

Le cinéaste mauritanien Sidi Mohamed Cheiguer au Temps d'Algérie :«Nous essayons de faire du cinéma dans un pays où il n'y a pas de cinéma»

Le temps d'Algérie - Le jeune Mauritanien Sidi Mohamed Cheiguer était loin de se douter qu'en allant postuler pour un stage, il deviendrait l'assistant d'Abderrahmane Sissako sur le tournage du film Timbuktu, appelé aussi Chagrin des oiseaux.

Un film sélectionné aux oscars qui a raflé entre autres pas moins de sept césars en 2015. Sidi Mohamed Cheiguer a considéré que sa plus belle leçon de cinéma, il l'a apprise aux côtés de Sissako.

Une leçon toute en émotion et en bouleversements qui le pousse aujourd'hui à lutter pour que le cinéma et ses promoteurs trouvent la place qui leur revient de droit dans leur pays, la Mauritanie. Il sait que ce ne sera pas facile mais il sait aussi que grâce à l’expérience acquise aux côtés de Sissako une vie de cinéma peut s'offrir à lui.

A Constantine, en tous cas, il est heureux de l'avoir représenté fièrement et d'avoir participé au même titre que les meilleurs réalisateurs arabes reconnus dans le monde et dans le septième art. Pour rappel, Timbuktu retrace l'arrivée des islamistes dans la ville de Tombouctou.

Une arrivée frappée du sceau de la charia qu'ils infligent aux villageois. Tout devient interdit. De la musique au football en passant par la cigarette. La situation s'aggrave avec des mariages forcés, la persécution des femmes et les sentences des tribunaux qui s'improvisent au gré des états d'âme des terroristes.

Pourtant, le peuple aura tôt fait de réagir et se rebeller contre ces injustices et notamment la répression imposée au nom d'une conception détournée des véritables préceptes de l'islam.

Le Temps d'Algérie : C'est votre première visite en Algérie, à Constantine précisément, quel est votre sentiment ?

Sidi Mohamed Cheguer : Je suis très content d'être à Constantine. C'est une ville que je découvre d'autant plus que je découvre également les journées du film arabe primé. Cela me fait énormément plaisir de voir tout ce beau monde et surtout le meilleur des films arabes.

C'est très important parce que nous n'avons pas toujours l'occasion de les voir en même temps. Cela donne aussi une très grande dimension au cinéma arabe. Et je crois que les journées du film arabe primé auront un très grand avenir.

Vous avez été l'assistant d'Abderrahmane Sissako dans la réalisation de Timbuktu . Comment avez-vous vécu cette première expérience ?

C'était, en effet, une première expérience pour moi dans la mesure où il était question d'une très grosse production.

Qu'est-ce qui a changé pour vous depuis Timbuktu ?

Timbuktu a apporté beaucoup de choses dans ma vie. La première fois où j'ai été voir Abderrahmane, c'était en 2013. J'avais appris qu'il préparait un film. J'espérais qu'il me prendrait en tant que stagiaire ou au moins, qu’il me laisserait assister à la production.

Et quand nous avons discuté, il m'a proposé de devenir son assistant. Je ne m'y attendais pas, franchement. Pour moi, c'était le plus grand de mes rêves qui se réalisait. En réalité, cela a provoqué un changement dans ma vision du cinéma. C'était très important pour moi.

Concrètement, comment ce changement s'est traduit ?

Dès le premier jour du tournage, j'ai constaté ce changement et ce grâce à Abderrahmane Sissako qui me disait que c'est compliqué de faire du cinéma, mais c'est aussi très simple de faire du cinéma compliqué. C'est une leçon qui a beaucoup compté pour moi.

Comment est Sissako Abderrahmane ?

Très calme sur le plateau. Très calme, mais aussi très exigeant. Travailler à ses côtés a été une expérience très difficile mais également très importante pour moi et pour toute l'équipe. Je me rappelle que les premiers jours de la production, je lui disais que ça allait être un être bon stage pour moi et, lui, me disait que ça allait être un très bon stage pour lui aussi. Cela fait qu'on apprend tous les jours le cinéma lors d'un tournage.

Qu'est-ce qui vous a le plus marqué sur Timbuktu ? Un temps fort en particulier ?

Il y a eu en effet un temps très fort sur ce tournage. Je savais que le film allait prendre une dimension très importante sur le plan international et ce dès les premières séquences. Et ce qui m'a le plus marqué, c'est quand le réalisateur, lui-même était ému pendant le tournage.

Il y a eu deux scènes dans le film où le réalisateur était vraiment très ému. Pendant la séquence du châtiment infligé au couple et la lapidation de la fille enterrée. C'était une habitante du village où nous avions tourné. Après le tournage, elle a utilisé son salaire pour nous offrir des cadeaux.

C'était un moment très fort pour Abderrahmane mais aussi pour toute l'équipe. Il y a eu aussi le châtiment de la chanteuse, dans le film, elle chantait pendant qu'on la frappait. La aussi c'était un grand moment d'émotion.

Comment voyezvous votre avenir dansle cinéma ?

Très difficile. Je vais du principe qu'il est facile de faire du cinéma mais c'est tout aussi difficile d'en faire. Nous essayons de faire du cinéma dans un pays où il n'y a pas de cinéma. C'est paradoxal. Et c'est ici que réside notre combat au quotidien.

Entretien réalisé par Samira Hadj Amar



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