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01-02-2016

21:15

Dr Mariella Villasante : Chronique politique Mauritanie, Décembre 2015 (Suite et fin), Crise économique, pauvreté, tension sociale..

Adrar-Info - L’axe de la Culture

Comme on le notait dans l’introduction, l’axe de la culture s’est vue notablement amélioré par la nomination de la nouvelle ministre, Mme Hindou Mint Ainina, en janvier 2015 ; auparavant elle occupait le poste de ministre déléguée auprès du ministre des Affaires étrangères et de la coopération chargée des affaires maghrébines et africaines et des mauritaniens de l’étranger.

Sa longue expérience dans les affaires sociales, et sa culture personnelle enrichie par ses apports en langue arabe, en langue pulaar et en langue française, sont des atouts rarement observés dans ce ministère.

• Au mois de mai, se sont tenus les Journées de l’artisanat mauritanien au Musée national, sous le patronage du ministère de la Culture et de l’Union européenne, dont le Programme pour la société civile et la culture, dirigé par Patrick Ryckaert. Selon l’affiche de présentation[1] : « Cet évènement important, destiné à la population de Nouakchott, mettra en valeur les actions du Programme pour la promotion, la valorisation et la sauvegarde du patrimoine culturel et artisanat mauritanien, conformément à notre Convention de Financement.

Cela, notamment, par une exposition des produits artisanaux des jeunes artisans, que nous avons formés, présentés avec l’artisanat contemporain et les collections inédites du Musée National. »

Mamadou Hadya Kane, directeur du Musée national a exposé sur l’artisanat en tant que vecteur de développement, avec Mohamed Adnan ould Beyrouck, directeur de la culture et des arts au ministère de la Culture. On doit rappeler que Monsieur Hayda Kane travaille depuis des nombreuses années à la construction de l’unité culturelle mauritanienne, bien au-delà de la diversité qui la caractérise. En 2011, il déclarait à Babacar Baye Ndiaye[2] [Cridem] :

« “Quelques soient les différences qui appartiennent aux Noirs et aux Maures, il y’a une ressemblance. Au-delà de la diversité qu’il y a dans le patrimoine culturel mauritanien, il y’a une unité assez profonde“, a soutenu le directeur de l’Office National des Musées, Kane Hadya Mamadou. »

• Entre le 31 juillet et le 2 août, Hindou Mint Aïnina a visité le Festival de dattes de Tidjikja, et a visité des villes anciennes (Rachid, Ksar el-Barka), ainsi que d’autres lieux de mémoire du Tagant, dont le mausolée de Boubabakr ben Amar[3]. Le programme national de développement du patrimoine national devrait s’occuper de la réhabilitation de ces sites anciens.

• En juillet, s’est déroulé l’Exposition universelle de Milan, à laquelle a participé la Mauritanie.

« L’Exposition universelle de Milan 2015, en Italie, a abrité, le 21 juillet, le lancement des journées économiques de la Mauritanie, présidée par la Ministre de la Culture et de l’Artisanat Madame Hindou Mint Ainina et organisées par l’Autorité de la Zone Franche de Nouadhibou.

La cérémonie marquée par la participation d’une importante délégation gouvernementale, a été l’occasion pour la Ministre de la Culture de mettre en exergue la coopération entre la Mauritanie et l’Union Européenne à différents niveaux et remercier la Direction de l’Exposition de Milan pour son appui.

Elle a également indiqué que ces journées représentent une opportunité pour les deux parties et serviront à éclairer les acteurs du milieu économique sur les opportunités d’investissement en Mauritanie. L’objectif est de permettre aux opérateurs économiques italiens de découvrir les évolutions notables que la Mauritanie a connues à la suite des différentes réformes engagées par les pouvoirs publics ces dernières années. »
(RapidInfo).

• En octobre, la ministre a lancé la 10e édition du Festival du film de court métrage Nouakchshort film 2015, qui a compris une compétition nationale et internationale (Bahrain, Maroc, France, Soudan, Egypte) [Le Calame, NoorInfo[4]]. Mohamed Ould Idoumou, directeur du festival, a salué l’appui reçu du ministère de la culture pour cette édition.

• En novembre, Hindou mint Ainina a participé dans la 38e conférence générale de l’UNESCO qui s’est déroulée à Paris. Lors d’un entretien accordé à Saidou Diallo, de Kassatayya[5], elle a exprimé la priorité de la culture dans l’agenda du ministère qui, pour la première fois, possède un ministère à part entière.

Compte tenu des tensions actuelles au sein du ministère, il est intéressant de rapporter ici une synthèse écrite de cet entretien diffusé par youtube. Par ailleurs, c’est la première fois que la dimension culturelle mauritanienne est soulignée par un gouvernement.

— Le programme actuel du ministère de la Culture considère que la culture doit devenir le noyau de l’unité nationale. Le plan tient compte des aspects institutionnels et des activités ponctuelles, dont les festivals et autres événements. Elle a rappelé l’importance accordée au Programme national de revitalisation du patrimoine des valeurs, destiné à renforcer le système social et la nation mauritanienne dans toutes ses composantes culturelles. Pour mettre en valeur notre identité nationale et les identités différentes des Mauritaniens.

— Il s’agit des valeurs islamiques d’entraide sociale, d’honnêteté, de fidélité, de patience. Une campagne nationale est en cours, et elle comporte la réalisation de bulletins et des manuels destinés aux écoles et aux universités, l’organisation de conférences et séminaires dans le pays, des ateliers pour lutter contre la falsification de produits du patrimoine culturel.

On prépare également des concerts de musique et de groupes de poésie, ainsi comme des campagnes de solidarité sociale et l’octroi de prix par thèmes aux groupes actifs dans le champ culturel. Le programme devrait contribuer au renforcement de l’unité nationale et à la cohésion nationale [Le Calame du 17 décembre].

— Face aux critiques adressées au gouvernement sur les discriminations des Noirs du pays, elle a répondu que l’État a reconnu toutes les langues et a signé la convention de l’UNESCO sur la diversité culturelle. La Mauritanie, dit-elle, a adopté cette convention et reconnaît la richesse de toutes les communautés. Les Mauritaniens sont différents mais ils ont aussi un socle commun de culture qui permettra de retrouver l’équilibre social et politique.

— Sur le Festival des villes anciennes, le journaliste a rappelé les critiques sur l’improvisation de ces événements, et la ministre a déclaré que dans le passé il n’y avait pas de structures techniques pour ce type de manifestations. En revanche, à partir de sa gestion, le ministère va développer les axes techniques et investir non seulement dans le domaine de la culture, mais aussi dans le développement des villes anciennes (électricité, eau, entre autres), pour ne pas abandonner les populations locales.

— A la question concernant la séparation qu’on pourrait établir avec le volet « tourisme », la ministre a considéré que cela n’est pas nécessaire car le tourisme dans le pays n’est pas encore si développé qu’il pourrait l’être.

— Sur la participation de la Mauritanie à l’Exposition mondiale de Milan, la Mauritanie a montré son beau visage, des aspects très positifs, en montrant comment la population a domestiqué le désert et a affronté la désertification. Le pays a été ainsi mieux connu dans ce genre de scène internationale, visitée par près de 20 millions de personnes.

— Le patrimoine culturel en musique est très riche dans le pays, cependant, la tentative de créer un Conservatoire national de musique a rencontré des problèmes car certains musiciens ont refusé de l’intégrer.

Sur cette question épineuse, la ministre a déclaré que les problèmes sont moins forts de ce qu’on l’a dit, et qu’ils datent depuis 2012. Cette année, il y a eu des problèmes d’organisation, d’adhésion et de départ de certaines personnes pour des raisons différentes.

Donc certains ont contesté le processus d’élection des représentants et d’autres ont décidé de continuer. Elle a insisté sur le fait que les problèmes sont également issus des malentendus qui entourent la définition des musiciens-artistes. Dans le temps ils étaient identifiés comme des « griots », alors qu’actuellement n’importe quel Mauritanien peut développer la musique, même si on n’est pas enfant de « griot ». Cela participe aussi de l’éducation à l’égalité, comme l’éducation à la démocratie.

— Les anciens mauritaniens sont nostalgiques de l’Orchestre nationale, et nombreux aimeraient voir naître un Théâtre national. Or, la ministre a déclaré que ces axes sont importants mais qu’il faut encore créer des institutions nationales qui puissent former des jeunes aux arts musicaux et artistiques.

Les institutions nationales devront être issues d’une sélection des meilleurs élèves, en fonction de talents, et non pas être créées sur la base des parentèles « parce qu’on est fils d’Un tel ».

Les cultures urbaines, le rap, le hip-hop, deviennent aussi une dimension importante de la culture moderne, les groupes qui s’y adonnent seront aidés, même s’ils devront se produire dans des espaces différents de ceux consacrés aux musiques traditionnelles.

• Le Festival des villes anciennes devait avoir lieu à Ouadane, classée comme patrimoine mondial par l’UNESCO, avec Tichitt, Oualata et Chinguity. Cependant, l’événement a été rapporté à une date ultérieure en raison du décès accidentel d’un fils du président le 22 décembre.

• Le 12 janvier 2016, la ministre de la culture a éclairci plusieurs points polémiques de son ministère dans un programme de la télévision mauritanienne. Ely Salem Khayar (Adrar Info[6]) rapporte que l’entretien s’est déroulé en hassaniyya, plus précisement :

« [Mme Aïnina] a particulièrement insisté sur les missions d’administration, de conseil, de tutelle, de réalisations d’infrastructures et d’encadrement. Pour elle, les acteurs culturels doivent se constituer, prendre les initiatives, chercher les sponsors, bailleurs de fonds privés et organiser les manifestations.

Valoriser le patrimoine culturel dans tous ses aspects, formes et types est un travail d’ensemble qui nécessite acteurs, moyens financiers et public réceptif, a-t-elle répété plusieurs fois.

La ministre a, par ailleurs, répondu aux nombreuses critiques adressées par les acteurs, operateurs et concernés par les secteurs de la culture et de l’artisanat.

Elle a déploré les litiges et différends au sein de certaines associations, expliquant que ces dissensions sont l’œuvre des acteurs et membres eux-mêmes de ces groupements. Elle a indiqué que les associations sont autorisées par le ministère de l’intérieur et de la décentralisation et que la loi définit les modalités des élections et les procédures de règlement des litiges. (…)

La ministre a tenu à faire la part entre les aspects récréatifs et lucratifs au sein de l’espace culturel. Dans le premier cas, il s’a git d’un patrimoine légué par les us et pratiques du passé (tir à la cible et autres jeux traditionnels) ; familles et personnes-sources, mémoire de nos valeurs culturelles (forgerons, griots traditionnels) ou détentrices de manuscrits et bibliothèques etc. A ces catégories, le ministère apporte assistance et traitement particulier.

Dans le deuxième cas, il s’agit de professionnels en art qui pratiquent des activités à caractère commercial et lucratif desquelles ils tirent rendement et profits, leur permettant de s’autogérer (cinéastes, acteurs de théâtres, musiciens, plasticiens, écrivains-poetes). Le ministère projette de leur construire les infrastructures nécessaires et les appuyer s’ils en manifestent le désir. »


Quelques faits de culture

• En février, le film « Timbuktu » du cinéaste mauritanien Abderrahmane Sissako, originaire de la ville de Kiffa (Assaba), a remporté sept Césars français et une nomination aux Oscars. En mars, le film a été diffusé à Ouagadougou, lors du Fespaco, l’un des principaux festivals du cinéma africain. A cette occasion, Sissako a déclaré[7] :

« C’était une urgence pour moi de raconter le drame de notre pays, le drame surtout de la ville de Tombouctou, qui a été prise en otage par des jeunes avec des valeurs qui ne sont partagées ni dans le pays, ni dans la sous-région, ni dans l’islam tout simplement.

En quelque sorte, c’est aussi l’islam qui est pris en otage par ces gens. C’est la dignité humaine qui est défendue à travers les gens de Tombouctou. Faire un film sur la résistance pacifique, c’est important parce que ça met en valeur des gens qui se sont libérés.

Car la libération de Tombouctou, ce n’est pas que Serval (l’opération militaire française qui a libéré le nord Mali des djihadistes, ndlr). Elle a été aussi faite par celles et ceux qui, de façon parfois silencieuse, ont bravé la mort pour arriver à cette libération parce qu’ils y croyaient.

Ils y croyaient parce que Tombouctou est un creuset de valeurs humanistes qui ne peuvent être tuées par ces gens venus d’ailleurs. J’ai joué mon rôle, je ne suis ni courageux ni autre chose. Le réalisateur est devenu conseiller du président mauritanien, raison pour laquelle il a reçu des critiques vives, cependant il déclare :


« Pour moi, ce n’est pas une polémique. Ma légitimité en tant que personne, au-delà des fonctions que j’occupe, ne se justifie pas à travers des articles de presse. Mon peuple accepte ma fonction, mon pays l’accepte, c’est le plus important pour moi. Je l’assume et le fais. »

• 24 avril au 3 mai : Festival Sahel Jazz Music

Pour la première fois dans le pays, le jazz était à l’honneur en Mauritanie, mêlant toutes les influences traditionnelles et post modernes des communautés du pays, sans oublier les invités étrangers[8].

— Toujours dans le cadre de la rubrique « musique », le 18 janvier 2016, Mint Hembara, a publié un texte de critiques adressées à la ministre de la Culture dans le cadre des conflits que connaît l’Union des musiciens dont elle fait partie avec Ahmed Abba[9]. On remarquera que ce type de critiques ne rend pas service aux groupes d’artistes mauritaniens, et laisse paraître surtout les litiges anciens qui caractérisent les milieux artistiques.

Ce qui est difficile à accepter, en fin de comptes, c’est la modernisation des représentations d’artistes, qui ne peuvent plus être fondés sur les cercles clientèlaires, comme autrefois, mais plutôt sur une sélection liée aux mérites personnels et collectifs.

• Encore dans le cadre de la musique, le chanteur Hamada Ould Sidi, du groupe de hip-hop/rap Awlad Leblad a été arrêté peu après la diffusion de son clip « Gueyemme » [dégage], qui critique durement le président mauritanien[10].

Hamada a été accusé de viol et de détention de drogue, et mis en prison en janvier 2015[11]. Il a reçu le soutien de plusieurs organisations de défense des droits humains, dont Amnesty international, et l’AFCF[12]. D’autres rappeurs africains ont été inculpés pour leurs dénonciations des régimes en place (Tunis, Maroc, Sénégal, Burkina).

En septembre, Izak Ice, accompagné d’autres artistes ont diffusé un clip demandant la libération de Hamada[13]. Cependant, trois autres membres du groupe (Izak Ice, Sidi Mohamed et DJ Marabot) ont réussi à se produire dans le Festival Nomade de Montréal en février 2015[14]. Hamada s’est exilé au Sénégal après sa libération et vient de publier un nouveau clip intitulé « Vabraka » [Taqadoumy, Cridem du 13 janvier 2016[15]].

• Du 5 au 13 juin a eu lieu la 8e édition du Festival Assalamalekoum[16] à Nouakchott, avec la participation de l’Institut mauritanien de Musique, et le soutien du gouvernement qui « a mis en place une politique culturelle incitative pour que la culture puisse contribuer à la lutte contre la pauvreté et à l’amélioration des conditions de vie des populations, aux moyens d’activités culturelles créatrices d’emploi et de richesse ».

Le programme de l’IMM tient compte de la « Sauvegarde et la valorisation du patrimoine immatériel mauritanien (recherche, collecte, préservation et diffusion des expressions littéraires et artistiques, phonothèque et atelier de lutherie), l’Éducation artistique pour tous, et la Création d’une industrie culturelle. »
Les artistes invités venaient du Canada, des États-Unis, de Guinée-Bissau, du Sénégal, du Niger, de France, de Suisse, du Maroc et de Tunisie. Parmi les partenaires officiels se trouvaient l’Ile de France, l’ambassade de France, l’Institut français, l’Organisation internationale de la francophonie, TV5 Monde et RFI.

• La 3e édition du Festival cultures métisses, organisée par l’association Nouakchott Music-Action, crée en 2008, et sous les auspices de l’ambassade de France, s’est déroulé du 28 au 31 octobre 2015, célébrant comme d’habitude la mixité culturelle et sociale de la Mauritanie, avec des concerts, des ateliers, des conférences, des expositions. Parmi les invités figuraient des groupes du Mali, du Sénégal, du Maroc et de la France[17].

Conclusions

• La situation économique du pays est très inquiétante après la chute du prix du minerai de fer dans le monde ; le marasme ne peut qu’empirer si le pays ne se dote pas d’une industrie de transformation du fer dans le court terme.

Pour pallier le manque des liquidités, l’Arabie Saoudite a apporté une aide financière importante, en même temps qu’elle continuait ses projets d’investissements dans la région du fleuve Sénégal. Dans ce contexte, des milliers d’hectares de terres ont été expropriées sur la base légale du nouveau décret d’application de la Loi foncière de 1983, qui dispose la possibilité d’expropriation « pour cause d’utilité publique ».

Comme ailleurs dans le monde, ces expropriations qui « modernisent l’agriculture » suscitent l’indignation et l’opposition des paysans locaux qui sont en train de perdre l’accès à leurs terres. La situation est semblable sur la rive gauche du fleuve, au Sénégal, et au Mali.

• Le cadre politique reste morose en l’absence de dialogue entre les partis de l’opposition et le parti au pouvoir. La tendance à la marginalisation des dirigeants qui critiquent les politiques du gouvernement actuel s’est affirmée. Cela dit, la vie des nombreux partis mauritaniens reste influencée par les deux grands courants, pour ou contre le gouvernement, mis en place dès 1991. L’autoritarisme étatique reste donc de mise dans un contexte de façade démocratique.

• La situation des droits humains reste complexe en l’absence de changements dans le traitement du « dossier humanitaire », notamment la concrétisation d’un registre cartographique des fosses communes, depuis la création du pays, pourtant déjà accepté officiellement par le ministère des Affaires islamiques. Cette action publique devrait amorcer la demande de justice et de vérité des associations des victimes de la répression du régime dictatorial de Taya. Mais la volonté politique du président actuel fait défaut.

• Une nouvelle loi qui déclare l’esclavage « crime contre l’humanité » a été adoptée en août, et cette mesure juridique a été saluée par les organismes nationaux et internationaux. Cependant, on constate la continuité d’un double discours officiel, qui, parallèlement, nie l’existence des formes extrêmes de dépendance.

Certes, les lois ne peuvent pas changer des coutumes anciennes dans une société conservatrice comme la Mauritanie ; il faudra s’armer de patience pour avancer dans la reconnaissance des droits des citoyens censés être égaux devant la loi. Autrement dit, instaurer l’égalité républicaine qui est contraire aux bases hiérarchiques de toutes les communautés mauritaniennes.

Dans ce contexte, les dénonciations d’esclavage des associations mauritaniennes vont rappeler constamment aux gouvernements l’importance de l’application de la loi qui criminalise une pratique antique.

En outre, on constate avec consternation que l’Arabie Saoudite, qui donne de l’argent et des vivres en don à la Mauritanie, se rend aussi responsable de pratiques esclavagistes concernant des femmes qui partent travailler comme « domestiques » dans les riches maisons saoudiennes, et qui sont soumises aux travaux forcés et à l’esclavage sexuel.

• L’augmentation de l’ingérence de l’Arabie Saoudite dans les affaires politiques, économiques et religieuse est préoccupante. En effet, ce pays a multiplié ses actions dans tous les domaines, et sur le plan religieux on constate la forte présence du wahabbisme dans le pays.

Si jadis les prières se faisaient dans le cadre privé des maisons, et seulement le vendredi dans les mosquées, depuis une dizaine d’années on observe le nombre croissant de mosquées financées par les Saoudiens et la nouvelle habitude d’aller prier dans ces lieux. Le cadre confrérique se réduit toujours davantage, et ne bénéficie pas de la protection de l’État (comme au Maroc par exemple).

L’apparition des femmes portant le voile intégral se place aussi dans ce cadre là. Il en va de même des nouvelles pressions sociales sur la « bonne observance des règles islamiques » ; ainsi que l’émergence des imams avec peu ou pas de formation religieuse qui offrent leurs services dans les quartiers et dans les villages.

Dans ce contexte, une nouvelle tension est parue entre l’islam officiel et l’islam ordinaire, si l’on peut dire, elle concerne la décision de fermeture des écoles islamiques non autorisés par le ministère des Affaires islamiques, notamment à l’est mauritanien où elles sont légion. Pourtant, l’expansion du wahabbisme ne semble pas poser problème aux gouvernants, jusqu’à quand ?

• Les violences ordinaires se sont répandues un peu plus en 2015. Elles sont le résultat de l’urbanisation grandissante de villes, notamment Nouakchott, qui concentre 27% de la population totale, et 56% de la population urbaine [Recensement de 2013, résultats provisoires].

Mais elles sont aussi liées au désordre qui caractérise la gestion urbaine, avec une police quasi inexistante, et un système de contrôle sécuritaire particulièrement mauvais. Dans la même rubrique, on peut placer la situation chaotique du ramassage des ordures urbaines, la terrible situation de manque d’eau et d’électricité dans les villes, et l’abandon de l’intérieur du pays.

• Les améliorations les plus visibles de l’année se situent sur le plan culturel, comme on vient de le constater. Il est probable que cette voie représente une source de renouveau de l’attachement de tous les Mauritaniens à leurs cultures diverses, et à la culture nationale en voie de construction.

Le processus sera certainement long, mais il semble avoir commencé, ce qui est positif dans la conjoncture actuelle de crise économique et politique. L’essor de la jeunesse mauritanienne, qui aspire aux mêmes objectifs de bien être social que toutes les jeunesses du monde, inclut aussi leurs aspirations à la démocratie réelle, et à la possibilité de critiquer les mesures gouvernementales sans pour autant craindre la répression.

Le cas des emprisonnements du rappeur Hamada, du groupe Ewlad Leblad, de Biram Ould Abeid, de Brahim Rhamdane et de Djiby Sow, sont à cet égard édifiants. La critique et la contestation font partie de tous les systèmes étatiques qui veulent construire une véritable démocratie, le gouvernement mauritanien devrait en tenir compte s’il veut construire un État de droit et améliorer son image dans le pays et sur la scène internationale.

***

C’est avec une grande tristesse que je viens d’apprendre le départ de Mohamed Said ould Hamody, grand connaisseur de l’histoire de la Mauritanie, et personnalité engagée dans la défense des droits humains du pays.

Il n’était pas seulement un homme politique dont le rôle sur la scène diplomatique mauritanienne a été brillant, mais aussi un intellectuel curieux et ouvert, qui cultivait avec soin sa célèbre bibliothèque, et qui appréciait les discussions avec les chercheurs nationaux et étrangers. Je le connaissais depuis une dizaine d’années, et je peux témoigner de son intérêt constant pour faire mieux connaître les réalités sociales de son pays.

Mohamed Said m’a appris énormément de choses sur la société mauritanienne, dans sa grande complexité, et il s’est montré très généreux, non seulement en m’ouvrant les portes de son savoir et de sa bibliothèque, mais aussi en me communiquant une partie de son immense base de données photographiques.

Certaines de ces photos ont été publiées dans le livre que j’ai dirigé « Colonisations et héritages actuels au Sahara et au Sahel » (2007), dont les chapitres concernant la Mauritanie sont parus dans l’ouvrage « Le passé colonial et les héritages actuels en Mauritanie » (2014).

Lors de notre dernière rencontre, en avril-mai 2015, Mohamed Said m’a communiqué des détails importants de son histoire familiale, que nous évoquions toujours lors de mes séjours à Nouakchott, et nous devions préparer une publication au début 2016. Hélas, il est parti trop tôt pour le faire, mais j’espère pouvoir en proposer une version même inachevée, comme nous l’avions prévu. Je prévois également présenter une sélection de photos qu’il m’a communiquée en version digitale, et dans une exposition qui lui serait consacrée.

La vie de Mohamed Said a été riche et brillante, c’était un homme exemplaire pour sa famille, pour son pays, et pour tous ceux qui l’ont approché et qui ont pu bénéficier de ses connaissances, de son soutien et de sa joie de vivre. Il était sérieux et engagé, mais savait aussi être joyeux et allègre. Il manquera à tous ceux qui l’ont connu et apprécié, et à tous ceux qui prennent et qui prendront connaissance de l’œuvre qu’il laisse derrière lui.

Toutes mes condoléances à sa famille, et paix à son âme.

Rabat, le 10 septembre 2015

Adrar-Info : Hommage à Mohamed Said Ould Hamody Par Dr Mariella Villasante Cervello

Noor-Info : http://www.noorinfo.com/Hommage-a-Mohamed-Said-Ould-Hamody-Dr-Mariella-Villasante-Cervello_a16502.html

Mohamed Said ould Hamody chez lui, Nouakchott mai 2015 [©Vill

[1] Voir http://www.pescc.org/francais/menuhaute/actualite/article/le-pescc-et-le-ministere-de-la

[2] Voir http://rimartculture.over-blog.net/article-exposition-de-l-office-national-des-musees-sur-la-diversite-dans-l-unite-du-patrimoine-culturel-mauritanien-68435967.html

[3] Voir http://www.noorinfo.com/Tagant-La-ministre-de-la-Culture-sur-les-traces-des-villes-anciennes-et-autres-lieux-de-memoire_a16072.html

[4] Voir http://www.noorinfo.com/Nouakshort-film2015-est-lance_a16806.html

[5] Voir l’entretien ici : https://www.youtube.com/watch?v=uq0GQhQL0cE

[6] Voir http://adrar-info.net/?p=35700

[7] Slate Afrique, voir http://www.noorinfo.com/Abderrahmane-Sissako-le-realisateur-de-Timbuktu–assume-face-aux-critiques_a15260.html

[8] Ecouter et voir l’ouverture ici: https://www.youtube.com/watch?v=jWWpZAyxHgI Voir et écouter la fermeture: https://www.youtube.com/watch?v=Ea_1ozs9vGE

[9] Voir http://cridem.org/C_Info.php?article=679721

[10] Voir et écouter ici: https://www.youtube.com/watch?v=PUCcLllFSp8

[11] Voir http://www.cridem.org/imprimable.php?article=665924

[12] Voir http://www.afcf-rim.org/index.php?option=com_content&view=article&id=336:la-raddho-denonce-une-atteinte-a-la-liberte-dexpression-&catid=35:a-la-une&Itemid=50

[13] Voir et écouter: https://www.youtube.com/watch?v=ynHWy61KbXM

[14] Voir http://worldskipthebeat.tumblr.com/post/112536898725/february-2-2015-7-selections-from-kenyas

[15] Voir http://cridem.org/C_Info.php?article=679519

[16] Voir le programme ici : http://www.assalamalekoum.com/programme.pdf , voir aussi http://www.assalamalekoum.com

[17] Le Calame, voir http://adrar-info.net/?p=33616





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