Cridem

Lancer l'impression
01-02-2016

14:33

VIDÉO. Ewlade Leblade (« les fils du pays ») : Explication sur notre nouveau morceau « Vabraka »

Ewlade Leblade - Depuis le mois de janvier 2015, après le festival des villes anciennes qui s’est déroulé pour sa 5ème édition à Chinguitty, notre groupe de rap, EwladeLeblade « les enfants du pays », est en rupture total avec les représentants de l’Etat.

Cette rupture a eu lieu suite, à un désaccord entre nous et l’un des parents proche du Président et un de ses conseillers qui nous demandait de faire un morceau sur le Président sous forme de chantage.

Cela en allant contre notre éthique et bien sûr pouvant contraindre notre art et en contradiction avec nos idées, nous avons refusé catégoriquement de répondre à cette demande et nous nous sommes opposés à toute négociation allant dans se sens.

Suite à cela, nos faits et gestes furent surveillés ainsi que nos habitudes quotidiennes (écoute téléphonique, suivi et renseignement près de nos proches etc.). Ayant peur de se faire accuser d’Etat raciste, avec tous les problèmes déjà liés à l’esclavage, un consensus s’est fait pour qu’une histoire soit montée autour d’un de nos membres du groupe, qui est HAMADA.

Nous insistons sur l’importance de sa couleur car elle a un rôle dans son arrestation arbitraire. En effet, c’est par cette action que l’on comprend que l’Etat n’épargne personne ni noir ni blanc. Que celui qui ne marche pas dans ce sens subira le même sort qu’un terroriste, ce qui fut le cas de Hamada qui s’est retrouvé pendant deux mois dans la prison de Nouakchott enfermé avec les terroristes les plus dangereux du pays.

En réponse aux différents articles parus pour critiquer notre morceau « Vabraka ».

Les questions qui doivent être posées aujourd’hui sont plutôt les suivantes : Comment en sommes-nous arrivés là ? Il est plus facile de s’attaquer à ceux qui osent dire tout haut ce que les autres pensent tout bas.

Tous d’abord, si la justice était juste comme l’indique son nom et que les artistes avaient un minimum de liberté d’expression, 2/3 d’entre eux ne seraient pas obligés de quitter le pays pour trouver une protection dans un autre seulement parce qu’ils ont pointé du doigt la défaillance du système et les promesses non tenues de l’Etat.

Je ne parle pas des griots qui eux vivent et dépendent des personnes à qui ils chantent les louanges mais des rappeurs. Le rap qui est un des seuls moyens d’expression de la jeunesse pour crier haut et fort les frustrations de cette tranche de la population la plus élevée et la moins représentative.

Depuis, le mois de mars 2015, 6 personnes sont venues vers nous pour négocier un terrain d’entente. La première personne qui a cherché à nous réconcilier avec notre pays et à passer à autre chose était notre chargée des relations internationales, elle a voulu croire en la justice et la possibilité de trouver un terrain d’entente. Après un entretien en août 2015 avec elle, nous lui avons soumis une proposition dans laquelle nous listons nos conditions de retour au pays dont la première était et reste la reconnaissance de l’Etat de son erreur dans l’emprisonnement arbitraire de Hamada. Nous avons eu aussi la visite de beaucoup de représentants politiques qui n’ont rien pu faire et dont les négociations n’ont donné aucune suite.

Lorsque nous voyons ce que notre pays est devenu : la hausse de l’insécurité, et l’augmentation de la pauvreté. Nous ne pouvons rester sans rien faire. Il y a bien longtemps que notre chanson aurai dû sortir mais nous avons ralenti sa sortie en pensant qu’il y'aurait un terrain d’entente. Nous avons bien compris qu’il n’y a pas de volonté de la part de l’Etat de faire des aveux et corriger son erreur. L’orgueil dépasse la bêtise de l’homme.

Venons en au clip :

Comme vous l’avez compris, le clip dénonce différentes affaires passées sous la trappe ou du moins sur lesquelles personne n’a voulu s’attarder. Toutes les informations reçues viennent bien de quelque part, comme quoi rien n’est étanché. Nous ne livrons que les informations dont nous sommes sûrs de leurs sources et de leurs contenus. Et les concernés le savent très bien même s’ils le nient totalement devant la population.

Le gâteau en forme de la Mauritanie

Le gâteau en forme de la Mauritanie et aux couleurs nationales n’est autre qu’une image pour représenter la répartition des richesses par les personnes qui dirigent le pays. L’image est choisie pour bien montrer que les richesses du pays sont découpées et partagées comme s’il s’agissait d’un gâteau, un gâteau qui pour le manger, on doit être invité à cette table. Une des personnes autour de la table prend 60% du gâteau pour symboliser la distribution inégale entre les mêmes personnes autour de la table. Ce symbole fort, n’est pas une insulte à notre nation car vous n’êtes pas plus mauritaniens que nous, mais une personnification de ce qui se passe aujourd’hui en Mauritanie.

La mise à feu de deux portraits du président :

Lorsqu'on brûle la photo du président, on parle de l'atteinte à l'éthique et la morale mais lorsque l'un de nos membres est mis en prison et accusé à tord de violeur et de vendeur de drogue, cela ne choque personne. Certains vont même avancer que cette hypothèse est possible, tout ça pour contenter le chef de d'Etat qui est dernière toute cette mascarade. Il a beau nié cela mais lorsque l'un de ses proches se permet de semer la terreur auprès des jeunes et que les forces de l'ordre jouent de leur pouvoir, il n'a d'autre mot que l'usage abusif du pouvoir pour qualifier de tels agissements.

Voilà l'image que vous donnez à la jeunesse mauritanienne. Et nous n'acceptons pas que vous vous permettez de salir notre nom pour embellir le vôtre. Pour les défenseurs du président et ceux qui ont pu être offensé par notre clip, sachez que ce que vous avez ressenti lorsque vous avez vu le portrait du Président brûlé et le sentiment que nous avons eu suite aux fausses accusations portées sur notre groupe et Hamada.

Pour ceux qui n'ont toujours pas compris que le rap n'est pas là pour chanter les louanges des personnes mais pour dénoncer les problèmes sociaux, tels que la pauvreté, le racisme, le chômage et l'exclusion. Nous avons pendant des années travaillé dans ce sens mais après un premier mandat sans aucun changement positif, nous avons fini par comprendre que la seule personne responsable de tous les maux des citoyens n'est autre que le chef d'Etat et son gouvernement mafiosi.

Nous n'avons pas utilisé la violence physique mais l'art pour exprimer notre colère et la frustration d'une majeure partie de la jeunesse, c'est une réalité que cela plaise ou non. Nous ne vivons pas dans le fictif alors nous chantons et continuerons à rapper le mal-être de notre société.

« La colère est une haine ouverte et passagère ; la haine, une colère retenue et suivie » (C.D.P), comme le dit Izak « Nous sommes en colère, en colère parce que personne ne réagit devant notre injustice, en colère car on nous traite comme des moins que rien alors qu’on était les premiers à avoir cru qu’il y aura un changement, à avoir espéré que celui qui s’est dit « Président des pauvres » allait respecter ses engagements. Nous ne sommes pas les premiers ni les derniers à être tombé dans le panneau. Mais tous ça, c’est fini, nous n’accepterons pas de subir la terreur et les menaces. Et si Dieu le veut, nous retournerons dans notre pays car il n’est pas plus mauritanien que nous. »

Le clip est le résultat de la conduite de l’Etat envers le groupe, envers la population.

Hamada : « Il y a pas assez de mot pour qualifier la colère que nous ressentons aujourd’hui envers cet Etat voleur et sans aucune conscience. Se permettre de m’accuser de tels fautes et de salir mon nom juste pour pouvoir se gratifier, jamais je ne laisserai passer de telles choses. Etre président, c’est donné l’exemple et défendre les intérêts du peuple. Nous n’avons rien vue de cela. »

Alors aujourd’hui, nous vous laissons juger de vous-même de notre chanson et de notre clip. Mais sachez une chose que nous sommes l’avenir de demain et qu’aujourd’hui, la jeunesse n’a pas froid aux yeux et que nous seront prêts à tout pour avoir nos droits.

Ewalade Leblade







Les articles, commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité


 


Toute reprise d'article ou extrait d'article devra inclure une référence www.cridem.org