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09-02-2016

11:51

Education islamique: Le Maroc veut réviser les programmes scolaires

Huffington Post Maghreb - Après la formation des imams, l'islam "du juste milieu" s'invite dans les programmes éducatifs. Lors d'un conseil des ministres tenu samedi 6 février à Laâyoune, le roi Mohammed VI a donné ses instructions aux ministres de l'Education nationale et des Habous et Affaires islamiques sur la nécessité de réviser les programmes et manuels d'enseignement en matière d'éducation religieuse.

Cette décision intervient quelques jours après l'organisation, fin janvier à Marrakech, du Congrès sur les droits des minorités religieuses dans les pays musulmans. Un événement qui rassemblait plusieurs centaines de dignitaires et savants musulmans originaires des quatre coins du monde, et qui a débouché sur la publication de la "Déclaration de Marrakech".

"Effectuer un examen courageux des programmes d'enseignement" Ce texte signé par les participants exhorte, entre autres, les institutions et autorités éducatives musulmanes à effectuer "un examen courageux des programmes d'enseignement afin de retirer de manière honnête et efficace tout matériel incitant à l'extrémisme, conduisant à la guerre et au chaos, et entraînant la destruction de nos sociétés partagées".

Autrement dit, retirer des manuels d'enseignement toute incitation à la discrimination envers les autres religions ou minorités religieuses.

"Modération et tolérance"

C'est donc dans la continuité de ce congrès que le roi a appelé à revoir les programmes scolaires "aussi bien dans l'école publique que dans l'enseignement privé ou les établissements de l'enseignement originel", afin de mettre l'accent sur "l'éducation aux valeurs de l'islam tolérant, dans le cadre du rite sunnite malékite, qui prônent le juste milieu, la modération, la tolérance et la cohabitation avec les différentes cultures et civilisations humaines", a-t-il indiqué.

Ces programmes devront être fondés sur "les valeurs authentiques du peuple marocain et ses traditions millénaires basées sur l'attachement aux fondamentaux de l'identité nationale unifiée (...) ainsi que sur l'interaction positive et l'ouverture sur la société du savoir et les dernières nouveautés".

Pour l'instant, aucun détail sur les changements de programmes n'a été livré. "Il va falloir que les deux ministères se concertent pour établir un plan d'action et une feuille de route à suivre", explique au HuffPost Maroc une source au sein du ministère de l'Education.

Une réforme "impérative et urgente"

Pour les fervents défenseurs de la liberté de conscience, c'est un pas en avant qui vient d'être franchi. S'il salue la décision royale, Fettah Bennani, président de l'association de promotion des libertés individuelles Bayt Al-Hikma, estime que "les manuels scolaires en général, et ceux d'éducation religieuse en particulier, sont envahis par les références et les exemples d’intolérance et d’incitation au racisme et à la haine, sous un habillage religieux", s'indigne-t-il. "La réforme est donc impérative et urgente".

Pour lui, la formation des enseignants s'impose également, et surtout "l'interdiction absolue d'enseigner un islam autre que celui pratiqué par l'écrasante majorité des Marocains et préconisé par les autorités religieuses".

"Il faudrait également exiger des enseignants une stricte neutralité" "Il faudrait également exiger des enseignants une stricte neutralité car ils sont payés par le contribuable, non pas pour enseigner leurs propres croyances, mais pour enseigner le programme établi par l'éducation nationale", ajoute M. Bennani, qui souhaite aussi que les questions sur les croyances des élèves soient bannies en classe. "On n'a pas à demander à un enfant s'il jeûne pendant le ramadan ou s'il fait sa prière. Cela relève de sa liberté individuelle", estime-t-il.

Education vs. extrémisme

Alors que le débat sur la lutte contre la radicalisation religieuse par l'éducation s'invite dans les pays européens - la Commission européenne a débloqué en novembre dernier 10 millions d’euros à des projets nationaux en ce sens - l'initiative semble faire des émules. Et dans les pays musulmans, le Maroc pourrait bien servir de fer de lance au mouvement de révision des programmes d'éducation religieuse.

"Enseigner l'extrémisme fait naître des extrémistes"

Dans un édito paru lundi 8 février sur Al Arabiya, l'ancien directeur de la chaîne d'information saoudienne, Abdulrahman al-Rashed, estime en effet que cette décision pourrait "avoir un impact sur le monde". S'il rappelle que l'éducation n'est pas l'unique source de l'extrémisme, "elle reste l'une des principales raisons de la montée en puissance des dérives religieuses: les programmes d'enseignement jettent les bases qui façonnent les pensées. Ainsi, enseigner l'extrémisme fait naître des extrémistes", résume-t-il.

"Si les Marocains sont capables d'écrire de nouveaux programmes qui transmettent les grands enseignements humanitaires de l'islam (...), alors ils méritent de servir d'exemple pour les autres pays islamiques qui souffrent du problème de savoir comment et quel islam doit être enseigné aux étudiants musulmans", écrit l'éditorialiste.

En juin dernier, une épreuve d’éducation islamique soumise à des étudiants de la région Sous-Massa-Draâ pour l’obtention du certificat d'études secondaires avait fait polémique. Le sujet associait des militants des droits de l'homme à des défenseurs de comportements "déviants" comme la consommation de drogue ou la violence, suscitant un tollé auprès des associations de défense des droits de l'homme.

Dans sa stratégie de lutte contre l'extrémisme, le Maroc a également créé, en mars dernier à Rabat, l’Institut Mohammed VI de formation des imams, un nouvel établissement d’une capacité de 1.000 places destiné à accueillir des imams marocains et étrangers, des pays arabes, africains et européens, pour les former à un "islam du juste milieu".



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