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10-02-2016

16:00

Juan E.Mendez, Rapporteur des Nations Unies sur la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains face à la presse

L'Authentique - Entre ton mielleux et écrits vitriolés, Juan Mendez endosse une main de fer dans un gant de velours
A la fin d’une tournée commencée le 25 janvier 2016 et qui vient de s’achever, M.Juan E.Mendez a animé ce mercredi 3 février 2016 une conférence-bilan sur son séjour en Mauritanie.

Malheureusement, la presse francophone venue en nombre important a été laissée en rade car la traduction n’était prévue que de l’anglais à l’arabe et vice-versa. Ce qui d’emblée a été considérée par les journalistes évincés comme une première forme de torture que le Représentant spécial des Nations Unies sème sur son parcours mauritanien.

Bien entendu, il s’est excusé de cette omission, arguant qu’il ne parle ni ne comprend le français et que les aléas de la technique font qu’il n’y avait que deux traducteurs arabo-anglophones et seulement deux pupitres.

A écouter M.Juan E.Mendez égrener ses huit jours de pérégrinations à travers la Mauritanie, balloté entre salons feutrés et cellules poussiéreuses, entre monde libre et univers carcéral, on dirait que la Mauritanie peut s’assimiler en référence en matière de respect des droits humains, malgré quelques mini violation ici ou là.

Mais à lire le communiqué de presse distribué en marge de la conférence qu’il a animée ce mercredi 3 février 2016 à l’hôtel T’Feïla, on mesure combien l’écrit peut être au diapason de l’oralité, car le contraste est grand entre cette Mauritanie presque vertueuse à l’échelle d’autres pays qu’il a décrit dans son intervention et la sévérité de son rapport préliminaire sur ses observations.

Il note que « les garanties juridiques contre la torture et les mauvais traitements sont en place, mais elles ne sont pas appliquées », que la Mauritanie a fait des efforts louables en matière législative, notamment sur le plan de la lutte contre la torture, mais que « les acteurs judiciaires en Mauritanie doivent comprendre qu’il existe un problème dans ce domaine et intensifier leurs efforts pour utiliser et mettre en œuvre ces garanties de protection ».

Il s’est dit particulièrement inquiet et préoccupé « par l’absence quasi-totale d’enquêtes sur les allégations de torture et de mauvais traitements à l’heure actuelle ».

Il a souligné l’absence d’expertise médico-légale et considère qu’il « constitue un facteur concourant à l’incapacité du système judiciaire à enquêter sur ce type d’allégations (de torture) de manière adéquate et de là, rendre quasiment impossible l’application de la règle d’exclusion des déclarations obtenues sous la contrainte.

Au cours de sa visite, le Représentant a visité plusieurs villes de l’intérieur, au Centre, au Sud et au Nord du pays, et même la base secrète de Salahdine où sont détenus les salafistes les plus dangereux. Il a visité plusieurs prisons, s’est entretenu avec plusieurs dizaines de détenus, visité des commissariats, des brigades de gendarmerie, le centre de détention des Mineurs d’El Mina et la prison des femmes de Sebkha.

Certains des détenus ont déclaré n’avoir jamais été torturés selon lui, d’autres déclarent avoir subi la torture, la bastonnade, des gifles, l’isolement prolongé, le placement dans des positions douloureuses, lors de leur arrestation, de leur détention préventive ou lors des interrogatoires préliminaires à la gendarmerie ou à la police.

Il a dénoncé le fait que des détenus restent longtemps sans avoir accès à un avocat ainsi que l’existence de lieux de détention non officiel, exhortant les autorités à se conformer aux standards du droit international.

Il a aussi évoqué les conditions de vie des détenus, qu’il qualifie d’inhumaines, citant le surpeuplement carcéral, l’insalubrité, l’absence d’aération des cellules, l’absence d’accès aux soins médicaux, de suivi psychologique, l’absence de toute opportunité pour les prisonniers de travailler, d’étudier, de pratiquer le sport ou d’avoir accès au soleil. A cela s’ajoute la non qualification du personnel pénitencier, de la mainmise de la garde nationale sur la gestion effective des prisons.

Il a abordé également la question des réparations pour les violations droits de l’homme, s’agissant des déportés forcées des années 89/92, l’absence de poursuite contre les auteurs d’exactions durant cette période. « L’impunité pour les crimes du passé ne fait que favoriser l’impunité pour les situations d’abus actuelle » devait-il souligner.

Cheikh Aïdara




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