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19-02-2016

06:29

"Salafistes": la justice suspend l'interdiction au moins de 18 ans

La Croix - L'interdiction aux moins de 18 ans du documentaire controversé "Salafistes", voulue par le ministère de la Culture, a été suspendue jeudi par la justice, une décision qualifiée de "victoire" par le coauteur du film, François Margolin.

Selon l'avocat du ministère, Me Jacques Molinié, le tribunal administratif, saisi par les auteurs du film en référé (une procédure d'urgence), a en outre abaissé provisoirement l'âge d'interdiction à 16 ans, en attendant un jugement sur le fond.

"Le juge a suspendu la décision du ministère et abaissé l'âge d'interdiction aux mois de 16 ans pendant la durée de cette suspension", a-t-il déclaré à l'AFP.

Le ministère de la Culture a pour sa part "pris acte, avec surprise, de la décision du tribunal qui intervient alors que la commission de classification des films s'est, à deux reprises, prononcée en faveur de son interdiction aux mineurs".

"La ministre examinera les éventuels recours a engager", a-t-il précisé.

Le 27 janvier, Fleur Pellerin, alors ministre de la Culture, avait décidé de suivre l'avis de la commission et d'interdire "Salafistes" aux mineurs en raison de "l'extrême violence" de certaines scènes du film diffusées sans commentaires.

Tourné au Mali, en Irak, Algérie, Tunisie et Mauritanie, "Salafistes", qui entend montrer les jihadistes "tels qu'ils sont", selon ses auteurs, donne la parole à des responsables d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et à des autorités religieuses salafistes.

On y voit ainsi un jeune plombier, tout juste amputé de la main droite pour vol, feindre sur son lit d'hôpital de se réjouir d'être pris "intégralement en charge" jusqu'à sa sortie. A ses côtés, son bourreau, un chef jihadiste, affirme froidement: "On l'a traité conformément à ce que Dieu nous dit."

Le documentaire est entrecoupé d'images de propagande et de vidéos jihadistes, sans voix off, ni commentaires et montre de façon très crue l'application de la charia au quotidien.

-"Droit à l'information"-

"Lesdites scènes, par leur portée et la façon dont elles sont introduites dans le documentaire, participent à la dénonciation des exactions commises contre les populations", a estimé le juge dans son ordonnance.

"Le film, qui comporte des scènes de résistance ou de dissidence, permet au public, du fait même de sa conception d'ensemble et de la violence de certaines images, de réfléchir sur la portée de ce documentaire et de prendre le recul nécessaire face aux images ou aux propos qui ont pu y être présentés", a-t-il poursuivi.

Coréalisateur du film avec le journaliste mauritanien Lemine Ould Salem, François Margolin a accueilli cette décision comme "une victoire et une défaite politique pour Fleur Pellerin, dont tous les arguments ont été démontés par le juge".

Les auteurs du documentaire ont aussi engagé une procédure sur le fond qui vise, elle, à obtenir l'annulation pure et simple de l'interdiction de leur film aux mineurs.

"On nous disait qu'on faisait l'apologie du terrorisme, qu'on faisait le jeu des jihadistes et tout cela est démenti par le juge qui a dit que ce que nous avons voulu faire est exactement le contraire", a noté François Margolin.

Pour les avocats de la société Margo Cinéma, productrice de "Salafistes", le juge a considéré que le film "participe bien du droit à l’information du public et que la décision de l’interdire aux mineurs de moins de dix-huit ans était entachée d’illégalité".

Interrogé sur l'abaissement de l'interdiction à 16 ans ans, évoquée par l'avocat du ministère, le défenseur des auteurs, Me Ivan Terel, a admis que le jugement "formulé de façon sibylline, pouvait prêter à interprétation".

Habituellement réservée aux films jugés trop violents ou pornographiques, l'interdiction d'un film aux moins de 18 ans touche très rarement un documentaire.

"Empêcher le film d'être vu par ceux à qui il est justement destiné, les lycéens, les collégiens, est une chose scandaleuse", avait déclaré mercredi François Margolin devant le juge des référés.

A sa sortie, seules quatre salles avaient projeté le film contre les 25 prévues avant son interdiction aux mineurs.

afp



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