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Liberté de la presse en Mauritanie : La «recréation» est en train de se terminer !
L'Eveil Hebdo - Depuis quelques années, la Mauritanie caracole en tête du classement des pays arabes en matière de liberté de la presse et occupe une place «honorable» au niveau mondial. Ce fut le cas en 2013, 2014 .2015. Ainsi, dans son dernier classement mondial de la liberté de la presse, Reporters Sans Frontières (RSF) a classé la Mauritanie à la 55ème position sur 180 pays.
Une situation qui faisait le « bonheur » des journalistes, des politiciens et de tous les laudateurs du pouvoir. Le Président de la République affirmant lui-même que la liberté de la presse et d’expression était irréversible ! Sauf que depuis quelques mois, tous les indicateurs laissent à penser que la «recréation» est en train de se terminer.
En effet, selon plusieurs analystes, la liberté de la presse en Mauritanie n’était en fait qu’un simple épouvantail destiné à «amuser la galerie». Pourtant, à entendre les partisans du pouvoir, on avait l’impression que la Mauritanie, c’est le paradis de la presse, de la liberté d’expression.
Être premier des pays du monde arabe en matière de liberté de presse, c’est en fait être le «meilleur des médiocres». Le monde arabe, c’est la Syrie, la Libye, le Yémen, l’Arabie saoudite, le Koweït, l’Irak, …Et comme dit l’adage, «au royaume des aveugles, les borgnes sont rois».
La HAPA en première ligne
Il est vrai qu’il y a eu quelques avancées en matière de liberté de la presse en Mauritanie, telles que la dépénalisation des délits de presse, l’aide à la presse, la libéralisation partielle de l’espace audiovisuel….
Mais, par une volonté délibérée du pouvoir, la trop grande «liberté» de la presse» a fini par la clochardiser. Ce qui s’apparentait plus à un mépris de la part du pouvoir que d’un esprit d’ouverture. Ainsi, donc, les choses ne tardèrent pas à se gâter.
Doucement mais sûrement, les autorités ont entrepris leur reprise en main de la presse, estimant sans doute que la «farce» a assez duré. C’est d’abord à la HAPA (Haute Autorité de la Presse et de l’Audio-visuel) qu’est revenu l’honneur de tirer les premières salves.
Alors qu’elle est restée muette pendant des années, se contenant de «superviser» les modalités d’octroi de l’aide à la presse, elle s’est subitement rappelée aux bons souvenirs des Mauritaniens, à travers un communiqué dans lequel elle mettait en garde certains médias contre «leurs attaques répétées envers la personne du Président de la République et à sa famille».
Par la suite, la HAPA a atteint sa vitesse de croisière, avec l’interdiction de certaines émissions considérées comme «dérangeantes» aux yeux des «censeurs». Ce fut le cas de l’émission de la télévision «Al Mourabitounes», «Vi Samime» (en profondeur), qui traite de questions politiques, économiques et sociales.
Naturellement, les associations de journalistes n’ont pas tardé à réagir estimant que «la profession est en danger de mort face aux velléités publiques qui cherchent à grignoter des acquis obtenues de longue lutte».
Le Ministre de la Justice et le Procureur ignorent que les délits de presse ont été dépénalisés !
Rappelons que dans le même sillage, la SNIM avait porté plainte contre des journalistes appartenant à plusieurs institutions de la place. Les journalistes en question, issus des rédactions du «Quotidien de Nouakchott», de «Cridem», de «Mauriweb» et d’«Atlasinfo» avaient été convoqués par le Procureur de la République de Nouadhibou, aux motifs de «diffamation» à l’encontre de l’ADG de la SNIM de l’époque.
Finalement, la plus grande entreprise du pays, qui finance des projets au profit d’hommes d’affaires privés, avait réclamé des «dommages et intérêts» qui s’élèvent à plusieurs dizaines de millions d’ouguiyas !
Et, enfin, la semaine dernière, le Procureur de la République, exécutant sans doute les instructions de son zélé Ministre de la Justice, a arrêté et déféré à la prison deux journalistes, suite à une plainte pour diffamation de Bedr Ould Abdel Aziz, le fils du Chef de l’Etat, sans aucune instruction ni garde à vue.
Ce qui aurait provoqué, d’après certaines informations, la colère du Président de la République qui lui, peut-être, s’est rappelé que les délits de presse ont été dépénalisés. Même si nos deux confrères ont fini par être libérés suite à une forte mobilisation des journalistes et de l’opinion publique « et à une ’intervention supposée de Mohamed Ould Abdel Aziz », il n’en demeure pas moins que la situation de la presse est aujourd’hui peu enviable dans notre pays.
En dehors des tracasseries policières et judiciaires, la presse fait en plus face à une situation économique très difficile. La maigre subvention à la presse accordée sur des critères très peu objectifs, est loin de combler le manque à gagner des abonnements, qui sont devenus presque inexistants, surtout de la part des institutions publiques.
Des informations ont fait état d’instructions provenant du sommet de l’Etat invitant les responsables gouvernementaux à resserrer l’étau autour des journalistes, devenus apparemment de plus en plus gênants avec des articles dénonçant le mauvais état dans lequel se trouve le pays.
Sikhousso