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02-05-2016

04:18

Xavier Coppolani : le « pied-noir-corse », créateur de mon pays d’ « Arabo-négroïdes»

Médiapart - A l’heure où certains de nos amis corses célèbrent les valeurs d’humanisme, d’accueil, d’entraide et d’antiracisme ; auxquelles ils sont profondément attachés ; en brûlant une mosquée à Ajaccio, j’en viens à faire le bilan impressionnant de tout ce que je dois personnellement à cette île unique et prolifique. De Napoléon Ier à Charles P., en passant par Tino R…. Et Xavier C.

Xavier C. Né en 1866, mort en 1905. Illustre inconnu. Il est le personnage central de mon existence. Mais longtemps, je ne le sus pas. Peut-être même, m’aura-t-il indirectement, moi aussi, conçu. Il mourut à trente-neuf ans.

Comme Sankara ou Che Guevara. Mais dans un cadre presque inverse. Il créa mon pays africain. Mon « deuxième pays ». En tant qu’administrateur colonial. Et le pacifia. Dit-on du moins, sur wikipédia, autant que dans l’Education Nationale française…

Wikipédia : l’encyclopédie du déni d’expansionnisme colonial, et du relativisme des crimes contre l’humanité… ?

« Xavier Coppolani, né le 1 février 1866 à Marignana (Corse) et mort le 12 mai 1905 à Tidjikdja (Mauritanie), est un administrateur colonial français, fondateur du territoire de la Mauritanie, est considéré comme le « Pacificateur de la Mauritanie ». Le territoire créé s'appellera la « Mauritanie Occidentale ». Il s'étend des rives droites du Sénégal, les régions entre Kayes et Tombouctou jusqu'au cap Juby. »

« Fils d'un colon corse, Dominique, établi à Sidi Mérouane près de Constantine, Xavier Coppolani passe son adolescence en Algérie et étudie à l'École Normale de Constantine. Après avoir fait des petits boulots dans l'administration locale, il est nommé, en avril 1889, secrétaire général de la Commune mixte d'Oued Cherf. Là, il s'initie à la psychologie musulmane, apprend l'arabe et découvre l'influence des confréries musulmanes. En 1893, il publie une monographie sur les Ammaria, confrérie crée au début du XIXe siècle par Sidi Ammar ben Senna, saint homme local. Il trouve la voie, qui va marquer son existence, destinée à influencer la politique indigène balbutiante de la France au Maghreb.

Il écrit à l'intention du milieu dirigeant l'Algérie : « En pays musulman, le mot religion remplace le mot patrie. L'Islam est un. Toutes les fois qu'on y touche sur un point quelconque du territoire où il est implanté, les effets se font ressentir partout où il y a des croyants". » »
. Extrait de l’article Wikipédia sur Xavier Coppolani.

Wikipédia peut en effet sembler être parfois abondé par des Relativismes ; et autres Négationnismes nauséabonds ; de crimes contre l’humanité divers. Surtout ceux qui seraient déplaisants à considérer pour les classes dominantes et intellectualisantes, des pays occidentaux. Qui sont nos Oligarques; du lieu et du moment… Du « Nouvel Ordre », qui régit tous nos pays. Dont mon pays. Mon autre pays. Mon deuxième pays, en plus de la France. Qui fut « créé » de toute pièce, en tant que « Nation », à partir de poussière et de sable. Et de sang aussi… Par un administrateur né en Corse, et ayant grandi dans l’Algérie colonisée du XIXème siècle donc. Citoyen de sous-ordre, lui-même. Mais citoyen quand-même, lui. Merci Crémieux ! Enfant prodigue de la notre IIIème République, expansionniste et civilisatrice. Arabophile (à distinguer de négrophile, ou indigénophile, en l’occurrence), il était érudit en Islam. Arabophone, courtois et charismatique. Diplomate. Intelligent. D’une intelligence indéniable, mais peut-être vaguement désuète quand-même ; au regard que nous portons à ce jour sur ce contexte périmé… Voir putréfié.

Prétendu être le chantre de la Paix, toute coloniale fut-elle, en ouest-Afrique. Rien que ça ! Mais c’était il y a plus d’un siècle… Xavier C : personnage historiquement hautement stratégique. Angulaire même. Il est donc logiquement gratifié d’un article, plus ou moins discutable, sur l’encyclopédie du net. Et d’ailleurs signalé comme tel… Il constitue en effet, pour qui veut bien y réfléchir, une inépuisable matière analytique. Contradictoire. De premier ordre. Eloquente… Et euphémique.

La « Mauritanie » : un jeune pays qu’il « fonda », ou contribua à fonder… Ou chercha à imposer aux vues des autochtones. Par la force des mots, qu’il maniait à merveille. Et parfois aussi des armes de ses accompagnants. Représentant militarisés, eux, de la Civilisation des Lumières. Force de persuasion, elle-même persuadée. Cette escapade civilisatrice hasardeuse lui coûta finalement la vie. Pauvre Xavier… Sacrifié à la grande Cause républicaine, du moment. Mort, en bon soldat.

Les populations locales n’étant, en effet, pas forcément toutes réceptives à ses interprétations particulièrement spécieuses du « Droit des Peuples à disposer d’eux-mêmes ». Concept inexistant à l’époque, il est vrai. Depuis aussi, d’ailleurs. Ainsi, presque à lui seul : Xavier C., fut notre « jeune » et « génial » Créateur. Son patronyme m’écorche toujours la bouche; mais je ne sais pas pourquoi… Il était alors âgé d’une trentaine d’années à peine. Ou plutôt, dirions-nous, qu’il était le cerveau-ouvrier-soldat, promoteur d’une « Entité pseudo-régionale », à visée « pacificatrice ». Toujours : « Civilisatrice ». Légitimant une unité territoriale, toute de façade, (dite : « Brik-Brok »…) qui fut décrétée à travers sa seule personne ; et par sa seule compétence. Puis ensuite ; une fois sacrifié à sa cause ; par sa mémoire « bénie ». Sanctifiée.

Presque panthéonisé qu’il fut, lui aussi, ce brave Xav. C… Mon 2ème pays : territoire donc imaginé et vendu à l’administration coloniale parisienne, « Centrale », en tant que projet « bankable », comme la meilleure solution, pour étendre rationnellement la sphère d’influence française en Afrique occidentale. Rayonnant dans un providentiel « Triangle d’Or » : Soudan-Algérie-Sénégal… Les autorités de la métropole méconnaissant ses territoires éloignés et « barbares », bien davantage que lui, Xavier, l’africain-corse de naissance. Xavier : le baroudeur éclairé, ancêtre d’un Bob D., mâtiné d’un Foccart.

Pressentant bien les incommensurables opportunités que présentaient ces terres infertiles, désertiques, pour les velléités d’expansion coloniale françaises. Colonisation : doctrine à la mode durant la troisième République ; à la fois au niveau culturel et économique. Idéologie bourgeoise, s’il en est ; que Xavier, comme tant d’autres, servit religieusement. Son aura, son charisme, de corse, pied-noir, arabophone, et islamologue émérite… Un véritable BHL du moment, ce Xavier : cadre administratif, formaté IIIè république ; à la Jules Ferry et consorts ; mais ouvert sur la diversité du monde, et perméable à l’altérité existentielle. Dialoguant sans retenue, d’« égal à égal », avec les indigènes dont il avait la « charge »… Fut investi d’une mission peut-être trop largement ajustée, pour ses frêles épaules de prédicateur républicaniste. Blanc. Français. Corse. Pied-noir. Colon…

Au Sahara. Portant, pourtant, une si noble âme humaniste… Pourrait-on penser à la lecture de l’article de wikipédia. « Il pacifiait tout ». « La Paix. La Paix ! La Paix avant tout ! ». Comme un précurseur de Gandhi alors !? Ou pas. La Paix seulement. « Asalamaleykoum » et tout et tout… Ce « saint homme » aimait tout le monde, et sans cesse. A en croire l’encyclopédie du net. Une véritable obsession pour la Paix… Et pour l’Entente cordiale, entre les peuples et les cultures diverses, l’habitait fiévreusement, cherche-t-on à nous persuader. Un précurseur du « Génie colonial français »… Et fin diplomate, de surcroît. Eclairant des peuples aveuglés par leur inculture crasse. Nous le « savons ». Ou le savions, déjà, à l’époque. Soyons francs. « L’homme africain n’aura pas su prendre le train du progrès… ». Sauf si…

En réalité, on peut douter légitimement de ce fond d’humanisme, qui, selon la légende, animait la démarche du Sieur Coppolani…

Il se trouve que j’ai, par hasard, un arrière-grand-père qui porte le nom, bien connu chez nous, de la tribu qui combattit le détachement prétendument « pacifique » de Mr Coppolani, et de ses sbires en uniforme colonial. Tribu maure qui mis fin, par là-même, très momentanément, à sa grande œuvre de pacification de ce territoire auto-révélé... Il se pourrait même que l’assassin indigène de ce bon monsieur Coppolani, soit mon grand-oncle ! Allez-savoir… Les dates et les patronymes pourraient le laisser penser, en tout cas. Et alors !...

Que me dit donc cet iconoclaste administrateur colonial de mon propre rapport à l’identité française ? Et à l’Afrique ? Si sa tombe, en tout cas, est encore à ce jour honorée et entretenue à la hauteur du fondamental monument historique qu’elle représente effectivement; il n’en est pas moins vrai que le respect des autochtones pour la sépulture de cet aventurier-colon-blanc-humaniste-« pacificateur », est essentiellement dû à son niveau d’érudition en matière d’islamologie.

En particulier, concernant les multiples confréries musulmanes, dont il était l’un des rares connaisseurs, voir l’unique spécialiste, en ces temps « reculés » et obscurs. Un savoir, rare et reconnaissable, qu’il sut valoriser. Et qui participa certainement d’une démarche de « Rencontre de l’Autre », tout à fait exemplaire et atypique. Aujourd’hui, apparemment tombée en désuétude. Aussi ne suis-je pas là à chercher à salir sa mémoire, ambivalente comme chacune ; ni à gloser sur une malfaisance quelconque de sa part, encore moins supposée congénitale… Parce que corse ! Non !

Xavier C., fût donc sommairement administrateur du « territoire » qu’il venait de « créer » et « baptiser ». Qu’il prétendait donc unifier, et pacifier au nom de l’autorité de la puissance coloniale occupante, qu’il représentait. La France. Je le respecte. Et ne fait que l’évoquer, post-mortem. Pour comprendre… C’est de « bonne guerre », puisque wikipédia fait de lui : notre Créateur. Presque notre héros national, notre civilisateur premier, en tout cas.

S’imagine-t-on les maures, berbères ; Amazigh et autres tribus du Sahara : « le Grand », l’ « Inviolable », le désert sans fin… En une attente fiévreuse de ce trentenaire ambitieux, arabisant, d’apparence amicale, et d’origine corse, travaillant pour le compte d’un employeur ne souhaitant qu’un « humble » rayonnement… Mais omnidirectionnel et sans limite raisonnable. Maximiser la France. Rien de plus. De partout. Xavier C., porteur de « chech » (ou turban, comme Laurence d’A….) au besoin, lui aussi.

Spécialiste des diverses confréries dont l’Islam regorge. Allant jusqu’à prétendre, au nom de la France, justifier l’esclavage traditionnel ; des arabes ou des blancs en direction des noirs en particulier ; ou plutôt faire mine de l’ignorer, pour convenir de l’opportunité d’un réalisme diplomatique fécond. Fossoyeur des Droits de l’Homme. Inventeur, avant l’heure, à son humble niveau, du concept ambigu de « Réal-Politik »… A l’échelle expérimentale, de colonies fourmillant d’indigènes difficilement gérables, autant que différenciables. Mais présentant l’avantage d’être considérables. Au sens péjoratif et démographique à la fois. Au même titre que des rats de laboratoire, par exemple.

La complexité des parcours identitaires est, certes, à ce point riche et démultipliée à l’infini, qu’elle ne peut être que définitivement imperceptible à l’entendement de cerveaux « limités » ou « bornés ». Tels que ceux des Identitaristes de tous bords. Depuis les intégristes : musulmans, juifs, hindouistes ou chrétiens. Jusqu’aux laïques : tels les Alain J&J, Renaud C., BHL, Mohamed S., Caroline F., et autres « Charlie’s Angels »…

Bon courage, en tout cas, pour la suite, aux musulmans d’Ajaccio.

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