Cridem

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26-05-2016

03:39

Conjurer le mal

L'Authentique - La libération de Biram Ould Dah Ould Abeid et son compagnons d’infortune ne doit pas être un motif de satisfaction pour personne. En fait, il ne s’agit que d’un retour à la raison pour des pouvoirs publics qui nous ont habitués à mélanger les pédales quand il s’agit de remise en cause des fondements iniques du système qu’ils gèrent et font prospérer au détriment des opprimés et des laissés pour compte.

Oui, la libération des deux leaders d’IRA est presque un non évènement. C’est seulement une justice qui a été rétablie. Tout le monde est d’avis que Biram et son compagnon d’infortune ne devaient pas aller en prison. Tout simplement, parce qu’ils n’ont pas fait de mal.

Les chefs d’accusation portés contre eux n’avaient pas de poids. Partant, s’ils ont été présentés devant la justice, c’est pour d’autres causes et la moindre de celles-ci est que les deux hommes ont été jugés pour ce qu’ils sont (des haratines qui doivent restés soumis) et pour ce qu’ils font (leur engagement dans la lutte contre l’esclavage) !

Nous avons ainsi raté le train de la lutte contre l’esclavage. Parce que ces deux leaders qui avaient été arrêtés il y a près de deux ans, lors d’une marche pacifique contre l’ordre établi sur les terres de cultures (qui veut que des esclaves continuent de travailler la terre au profit de leurs maîtres qui les exploitent), nous avaient pourtant donné l’occasion de nous exprimer.

Oui, la présence de ces leaders devait susciter le débat et la discussion afin d’entraîner une profonde révision des concepts et de la pratique jusque-là en cours sur les fondements religieux de l’exploitation des terres agricoles par la société mauritanienne. Entendez bien, dans la société mauritanienne avec toutes ses franges et composantes.

Aussi bien pour ces franges qui font de l’esclave un objet commercial ou un gadget de plaisir ou encore un robot de production que l’on n’entretient jamais, ni n’amortit ; que celles qui regardent "l’esclave" avec dédain, mépris, vulgarité et l’excluent des aspects honorant dans leur ordre social. Dommage….

Parce que la Mauritanie gagnerait à discuter sur ses problèmes en profitant des occasions similaires pour de refonder le pacte social fondateur de son existence.

Après tant d’années d’errance, d’incompréhensions mutuelles, de drames et de désastres frôlés, il est temps de se parler entre Mauritaniens. Il est temps de voir la réalité d’en face et d’en discuter sans détour. Dans la franchise et la sincérité des pacifiques.

Continuer à clamer de grandes paroles sur l’égalité des citoyens, l’équité dans leur traitement, tout en agissant autrement, ne fera qu’envenimer la situation de frustration et de ras-le-bol que des pans entiers de notre société ressentent depuis la brutale rupture des équilibres amorcée, ouvertement au milieu des année 80 et érigée comme une constance dans la pratique du pouvoir et du système depuis.

Et c’est ce qui arrive malheureusement ces derniers jours, surtout, depuis le dernier rapport onusien sur l’esclavage et la pauvreté en Mauritanie. Voyez le nombre des initiatives mises en place pour rejeter ce rapport ? Voyez l’engagement de tous les pans de l’Etat ébranlé qui poussent le ridicule jusqu’à clamer haut et fort que l’esclavage est une illusion et la pauvreté une chimère !

Si les Mauritaniens alertes et vigilants s’abstiennent de suivre le pouvoir dans sa folle équipée propagandiste contre ceux qui décrivent la réalité mauritanienne, contre des défenseurs des droits de l’homme dont contre Biram et IRA, nous n’en aurions pas été à ce stade de pourrissement atteint aujourd’hui où les marginalisés tels les haratines se sentent, quelque part, visés ; comme l’ont été, bien avant eux, les négro-mauritaniens.

Si la lucidité prédomine et des voix sages au sein du système parviennent à conseiller ceux qui ne savent agiter que la propagande ou le bâton, ultime expression de leur mépris de tout ce qui ne cadre pas avec leurs orientations suicidaires, nous aurions pu tranquillement dépassionner des questions dont dépend l’avenir et la stabilité de notre pays.

Il faut bien le reconnaître : la question des droits de l’individu reste entière. Les injustices sont encore nombreuses dans le pays. Et les frictions sociales seront encore là. Il en sera de même tant que le courage et la lucidité vont manquer.

Amar Ould Béjà



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