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10-06-2016

05:00

Ne les oublions pas : Mohameden Ould Sidi Brahim [Vidéo]

Adrar-Info - Chers frères et amis…,

Permettez moi tout d’abord de féliciter Mohamed Yahya Ould Haye, journaliste talentueux, récidiviste de la radio, pour nous avoir conviés aujourd’hui à cette cérémonie si peu coutumière, où il s’honore d’honorer un homme qui a servi, même si admirablement et si richement ces symboles d’une de nos identités : le patrimoine culturel artistique, la littérature poétique et notre riche musique, en particulier, …

Je le remercie aussi profondément pour m’avoir permis d’être associé à l’hommage rendu à un homme auquel me lie l’estime, un bout de chemin professionnel et bien d’autres liens objectifs et subjectifs. Et je saisis l’occasion pour présenter mes sincères condoléances à ses fils, filles et petits enfants, à ses proches, ses amis et à tous ceux, nombreux, qui l’ont aimé et respecté.

Mohameden Ould Sidi Brahim est un maure ! C’est là, peut être, une évidence…une vérité même de la Palisse… Pas tant que ça pourtant ! Il n’est un maure que parce que, nomade atavique il ne s’encombre jamais de choses inutiles, intransportables de surcroît, bien sûr ! Que l’essentiel, c’est génétique…

Les précisions relatives à la naissance, par exemple, ne peuvent être de rigueur. On laisse aux Nazaréens les détails superflus de l’acte qui indiquent le lieu, l’heure, le jour et l’année de la naissance.

Mohameden, lui, est né pendant » la guerre des blancs » (le premier conflit mondial qui a duré quatre ans de 1914 à 1918) ; l’année de » l’écrasement d’un détachement français à Lebeyratt » (1913), celle de la revanche des français qui détruisirent Smara par la Colonne Mouret. Ces deux derniers événements ont précédé sa naissance de six à treize mois ; qu’importe !

Vraisemblablement, conformément aux chronologies de sa « Guebla » locale, il est né » l’année de l’ouverture des l’école des chrétiens à Boutilimitt » (1914 toujours), celle de l’entente définitive entre l’Emir Ahmed Ould Deïd et le gouverneur Gaden (1914 encore).

Par contre ne sont indiqués ni connus la rue (anonyme ou inéxistante sans doute) ni le quartier (existe-t-il ?) où le cordon ombilical d’un petit Abeydatt , né de mère Hrekatt fut coupé par une matrone experte en chirurgie traditionnelle.

Ce qui, par contre, est formellement attestée est sa naissance aux environs de Tiguenee’d. du côté est ou ouest, dans sa partie sud ou nord, seul Allah le sait. Outre que les hassanophones ne s’entendent pas sur la dénomination des directions cardinales, personne, en vérité, n’a marqué l’emplacement exact du campement cette nuit là ou ce jour la.

Et ceux qui pouvaient s’en rappeler ne sont plus ici. Mais il est certain que c’était l’hiver. Alors limitons-nous à l’essentiel d’une vie , à tous égards, exceptionnelle et au parcours presque sans faute. Et excusez- moi chaque fois qu’à l’excès je personnalise ma narration!

Bref, tous nous savons que Mohameden a su résister aux sirènes du commerce que son ascendance paternelle et ses traditions (gènes ?) tribales supposaient… Imposaient même ! Et après deux essais infructueux, en raison de ses tendances incorrigibles à la dépense et sa « honteuse » faiblesse face aux nécessiteux ou le quémandeur adroit, il se sentit irrésistiblement attiré par les Muses Polymnie & Euterpe de la mythologie grecque.

La poésie lyrique et la musique classique, notre savant et beau « Hawl », héritages génétiques de son ascendance maternelle triomphèrent…Et avec eux le bonheur d’être libre et de fuir la monotonie, la routine et les peurs obsessionnelles autant qu’injustifiées du possédant face aux lendemains qui déchantent.

Ainsi le petit Mohameden fera son petit bout de chemin, vivant le plus gros de son temps à Saint-Louis, capitale en cette période là des univers maure, poular, wolof et autres soudanais. Téméraire et présomptueux à juste titre, il sera de tous les joutes poétiques.

Ses « ennemis » intimes s’appelaient Hamamm, Cheïkh Ould Mekkiyen, Ahmed Ould Mohand El Yedali, El Alem Ould El Bechir, Mokhtar Ould Heddar etc.

Les poètes et notabilités mythiques qui étaient ses modèles s’appelaient : Abderahmane Ould Bakar, Doudou Seck dit Ould Ebenou El Moghdad, son homonyme, Sid’Ahmed Ould Ahmed O . Aïda, M’Hamed Ould Ahmed Youra, Ahmed Salem Ould Bouboutt, Ould El Gasri, Ould N’Diartou, l oncle Bazeïd etc.

Sa verve de poète et sa mémorisation des anthologies des autres, en plus de sa connaissance encyclopédique de la musique classique maure, feront de lui dans les années cinquante le conseiller et le démarcheur de « N’dar disc-radio africaine Saint-Louis » une maison d’édition de disques sur « gramophone ». Elle avait sélectionné les ténors de l’époque : Mounina Mint Eleya, Ahmedou et Mokhtar El Meïdah, la jeune Nasserhalla Mint Nghaïmich, l’inoubliable Ould Manou etc.

Et, depuis 1957, Mohameden, avec la naissance de Radio-Mauritanie dans le quartier nord (dit encore Lawda) de l’île de Saint-Louis, contracta son mariage avec notre station radiophonique. Station qui servira de lien culturel incomparable entre nos quatre communautés socio- culturelles mauritaniennes entre elles et avec leurs différents » cousins » d’au- delà les frontières…

Il sera le doyen d’un groupe pluridisciplinaire d’exception : les regrettés Abd el Wahab Ould Cheïgueur, Mohamed Lemine Ould Agatt, El Hadj N’Gaede, Isselmou Ould Nevrou, Sidi Ould Cheïck, Ahmedou Ould H’Meyed, Khaï Baba Cheyakh, Coulibaly Souleymane etc.

Et les derniers témoins de cette héroïque période : H’Mallah , Abdou Ould Mohamed Lemine, Dahoud Ould Ahmed Salem, Mohamed Bbaba Fall, Mohamed Mahmoud Ould Weddady, Mohamed Yehdidh Ould El Agheb, Khattry Ould Jeddou, Abd el Wahab Ould Cheïgueur, Mohamed Mahfoudh, Bilal Ould Yamar, Moustapha Ould Ahmed Ely, Amadou Tidjani Bal, Naha Mint Seyidi, Soukeïna Fall, Yedaly Ould Cheïkh, N’Gaede Alassane, Abderahmane Ould Hbeyeb, Isselmou Ould Mohamed Mamhmoud etc.

Mais avec le respect de tous et la reconnaissance de leurs talents et mérites, Mohameden était unique. Par son irrésistible rire, par l’odeur exquise de ses parfums de marque, par ses inoubliables tics, par l’élégance de ses habits, par la force d’attraction de son verbe, par sa manière de déclamer les poésies, par les pans et la teinture de « Poulmann » de son « Averwal« et sa manière inimitable d’inhaler et de dégager la fumée de sa pipe, Ould Sidi Brahim, était l’unique, le maître, l’artiste, le chef…

Plus tard la télévision où il fera de rares et furtives apparitions n’entamera pas sa légende. Elle fera mieux connaître, au contraire, le personnage et mieux apprécier, de visu cette fois, sa haute tenue, le port altier de la tête, la séduction des traits à peine défraîchis, la noblesse du geste et l’élégance…l’élégance…l’élégance !

Ainsi même l’âge avancé n’entamera presque pas l’image de Mohameden, ni ne fera oublier le souvenir de son éternelle jeunesse. Celle de l’optimisme et de la sérénité des purs, des généreux ; de ceux qui grâce à leur foi en Allah et par amour de son Prophète et du bien de leurs semblables restent égaux à eux-mêmes ici bas et reçoivent, en l’au-delà, miséricorde et clémence…

Nouakchott, janvier 2006
Mohamed Saïd Ould Hamody







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