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30-07-2016

18:16

27ème Sommet de la Ligue arabe à Nouakchott : Et après ?

Le Calame - Le gouvernement mauritanien a déployé d’importants moyens pour la réussite du 27ème sommet de la Ligue des Etats Arabes (LEA) à Nouakchott. Côté cour, une partie de la voirie de la capitale a été réhabilitée et les rues élargies, avec quelques tapis de bitume posés à la hâte. Les carrefours ont également eu droit à leur touche d’embellissement.

Des milliards ont été dépensés, souvent dans des marchés de gré à gré. Côté jardin, la diplomatie s’est beaucoup activée à « drainer » le maximum de princes, rois, chefs d’Etat et de gouvernement, vers Nouakchott. C’est de bonne guerre.

Le président mauritanien qui eut à présider l’Union Africaine, cherche à faire, par tous les moyens, du sommet de Nouakchott et, par contrecoup, de sa présidence, un franc succès. On en jugera à la présence des hôtes au Sommet. Présider la LEA, même si ce n’est pas ses heures de gloire, ajouterait une ligne aux « réalisations » du président des pauvres mais aussi des voyages, voire tentatives, pourquoi pas, de trouver des solutions aux multiples crises qui déchirent le monde arabe.

Mais – car il y a un mais – si la Ligue arabe peut se vanter d’avoir contribué à la fondation de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), en 1964, elle demeure une structure très divisée, entre ceux qui prêchent l’unité et ceux qui œuvrent à la consolidation de leur propre coopération.

Si elle parvenait, encore hier, à un consensus de façade autour de la question palestinienne, elle peine, aujourd’hui, à peser, au plan diplomatique, sur cette même question parasitée par des nuées de divergences entre Etats. Nombre de ceux-ci sont, de surcroît, minés par des conflits armés dont beaucoup sont consécutifs au printemps arabe qui ébranla tant de pays.

C’est le cas de la Libye, de la Syrie, du Liban (Hezbollah), de l’Irak, du Soudan ou de la Somalie. Le problème de la Palestine demeure entier et les rapports, entre le Maroc et l’Algérie, n’ont jamais été au beau fixe… L’Egypte, un des pays fondateurs de la Ligue, est en phase de « reconstruction », après un « intermède » islamiste stoppé net par un putsch militaire.

La Libye est disloquée… Tous ces conflits seraient alimentés par l’« islamisme international » ou le wahhabisme soutenu, principalement, par l’argentier saoudien...

Même si elle est accusée d’exporter son idéologie vers d’autres états, l’Arabie saoudite, principal bailleur de nombre d’Etats, y compris du Golfe, et d’une ribambelle d’organisations arabes, comme la Ligue, reste incontournable dans le monde arabe, parce qu’elle bénéficie, surtout, du soutien l’oncle Sam, comme plusieurs de ses voisins (Qatar, EAU, Bahreïn…) : business is business…

Que peut la Mauritanie dans tout ça ?

La LEA n’est pas l’UA dont le budget est exogène, à presque 98%. L’organisation arabe dispose d’importants moyens financiers. Les contributions des Etats-membres sont conséquentes, du moins en ce qui concerne ses principaux bailleurs, cousus de pétrodollars.

Mais, au plan diplomatique, c’est un nain. Elle peine, c’est le moins qu’on puisse dire, à parler d’une seule voix, les résolutions et conventions adoptées et signées restent sans lendemain. Tous ses épineux conflits, depuis ceux de la Palestine à ce jour, ne trouvent leur éventuel règlement qu’aux USA, aux Nations Unies, en Europe ou à Moscou.

Le chef de l’Etat mauritanien, qui va hériter de la charge de président de cette LEA, ne fera pas exception à la règle de ses prédécesseurs. Il suffit de jeter un simple coup d’œil sur la liste des pays-membres pour comprendre l’ampleur de la tâche qui l’attend.

Ce n’est certainement pas sous son magistère que la Libye, la Syrie et l’Irak retrouveront leur unité, qu’Israel lèvera le blocus de Gaza, que ses bombes cesseront de pleuvoir sur le Liban, que le Yémen en finira avec la guerre, que le Maroc et l’Algérie tairont leurs divergences, que la question du Sahara occidental aboutira à un référendum, que les attentats cesseront en Somalie, que le TPI lèvera le mandat d’arrêt international contre El Béchir, le président soudanais… Ni, pour faire bref, que la démocratie s’imposera dans les pays arabes !

Mohamed Ould Abdel Aziz, dont les relations avec le royaume chérifien ne cessent de se tendre, voyagera certainement, vendra donc son pays, à ses « frères arabes » dont certains, comme le ministre libanais, semblent « ignorer la réalité » du pays au million de poètes.

Défi majeur pour notre pays qui cherche, depuis si longtemps, à s’imposer au monde arabe, y trouver la place qu’il lui faut. Le spectacle qu’offrent nos media publics et divers groupuscules nationalistes entre dans cette logique. L’Etat mauritanien n’a eu de cesse, tout le monde le sait, de cacher, au monde arabe, la diversité culturelle et ethnique de la Nation qu’il est censé gérer. C’est en ce sens que son personnel diplomatique était et reste trié sur le volet.

Aujourd’hui, on jugera du succès du sommet de Nouakchott au niveau de représentation des délégations étrangères. On dénombrera, particulièrement, les rois, émirs et princes ; en somme, les huiles des pays qui « pèsent » : Arabie saoudite, Qatar, Bahreïn, Emirats Arabes Unies, Algérie, Maroc, Tunisie, Egypte

C’est à cette aune que sera appréciée la qualité du Sommet… et le bilan du mandat du président mauritanien qui pourra, en tous les cas, se targuer d’avoir vaincu le signe indien, en organisant le rendez-vous de la LEA en Mauritanie, suite au désistement du Maroc.

Incidences financières ?

L’organisation des sommets comme celui-ci ne manque pas d’intérêts financiers. Même si l’enveloppe dégagée, par le secrétariat général de la LEA demeure inconnue, pour les mauritaniens lambda, il n’échappe à personne que les préparatifs de la rencontre ont coûté des millions, pour ne pas des milliards de nos pauvres ouguiyas.

Ces dépenses seront-elles couvertes par le pays-hôte, la LEA ou «autres pays amis » ? Une chose est sûre : l’événement ne manquera pas d’avoir profité à certaines personnes, groupes de personnes et autres sociétés privées. Si l’on en croit les chiffres avancés par notre confère Al Akhbar, des marchés de gré à gré ont permis à ces privilégiés de brasser des centaines de millions, en très peu de temps.

C’est dire que pendant que l’immense majorité cherche un diable pour lui tirer la queue, d’autres se frottent les mains, en amassant des fortunes. Réhabilitation, embellissement, revêtement de routes, réservations d’hôtel, location de villas, de tapis, de tentes, de sono, de chaises, restauration et tout le tintouin, rien n’aura échappé à leur racket.

Rappelons, pour conclure, que la Ligue des Etats Arabes comprend, par ordre alphabétique, l’Arabie Saoudite, l’Egypte, l’Irak, la Jordanie, le Liban, la Syrie, le Yémen, pays fondateurs ; l’Algérie, l’Archipel des Comores, Bahreïn, Djibouti, les Emirats Arabes Unis, le Koweït, la Libye, le Maroc, la Mauritanie, Oman, la Palestine, le Qatar, la Somalie, le Soudan et la Tunisie.

DL



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