Cridem

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30-07-2016

12:30

Calamités

Le Calame - Comme attendu, le sommet des pays arabes a bien eu lieu à Nouakchott. Sous une grande tente. Des présidents sont venus. D’autres ne sont pas venus. Mais, selon la célèbre théorie pédagogique, « il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises méthodes, il n’y a que de bons ou de mauvais maîtres ».

Alors, paraphrasons la sentence pour dire qu’il n’y a pas de bonne ou de mauvaise diplomatie, seulement de bons ou de mauvais présidents. Un sommet arabe reste un sommet arabe. Surtout si l’on sait, d’avance, que la présence de tous les rois, présidents et émirs n’aurait certainement pas changé grand-chose.

Il y aura, toujours, la même traditionnelle Déclaration (de Nouakchott, cette fois), les mêmes sempiternelles courtoisies diplomatiques et les mêmes insurmontables problèmes de fond qui attestent de la véracité de la vieille maxime selon laquelle « Les Arabes se sont entendus à ne jamais s’entendre ».

L’essentiel, en tout ça, est que la Mauritanie a eu « son » Sommet. Quels qu’en soient les ratés, le défi a été, quand même, relevé. L’occasion, pour certains, de vanter « l’incommensurable courage » d’un certain président qui aurait, selon leur avis « autorisé » – en fait, le seul qui le soit, là-haut là-haut – redoré le blason, très terni, de la diplomatie nationale.

Alors qu’en vérité, l’organisation d’un sommet arabe ne constitue habituellement pas un quelconque acte de la moindre bravoure. L’adhésion de la Mauritanie, en 1973, à la Ligue arabe, dans un contexte très particulier, marqué par une hostilité quasi-générale de tous ses membres à son égard, requérait beaucoup plus de charisme et de diplomatie que l’organisation d’un sommet dont personne ne veut désormais plus.

L’occasion fut belle, pour réveiller les vieux et ataviques complexes de l’arabité de la Mauritanie que les Mauritaniens ne semblent pas avoir encore tout-à-fait bien assimilée et dont ils sont les premiers à encore douter. Depuis un mois, tout est fait pour nous faire croire, à nous-mêmes, que nous sommes Arabes. Et, surtout, rien d’autre.

Ce qui est totalement faux. Puisque la République islamique de Mauritanie est un pays arabo-africain. L’africanité et l’arabité sont bien compatibles. L’africanité des uns n’excluant pas l’arabité des autres. Et vice-versa.

En Mauritanie, il y a une communauté arabe et une communauté africaine. Il ne sert à rien de le nier. Je ne prends pas à témoin l’Histoire, j’interpelle, tout simplement, la réalité. Les arabes de Mauritanie n’ont pas besoin de la reconnaissance de quiconque, pour être ce qu’ils sont. On ne décrète pas l’arabité des peuples.

On ne lui délivre pas de quitus. Surtout quand être arabe n’est pas une fin en soi. Beaucoup de mauritaniens sont plutôt berbères et s’en réclament fièrement. Comme en Algérie ou au Maroc où leurs cousins ont valorisé leur origine, en revendiquant leur culture et les spécificités de leur vieille civilisation, au point qu’il n’y a pas pire affront que traiter d’arabe un berbère de Tizi Ouzou ou de l’Atlas marocain.

A l’occasion de « notre » Sommet arabe, tous les media nationaux ne semblaient avoir qu’une ambition, ultime : tout faire, à travers leurs programmes, pour « imposer » l’arabité de la Mauritanie.

De la ridicule émission « Leyali El Arab » (Les nuits arabes) aux fameuses rencontres prétendument poétiques et culturelles auxquelles ne sont invitées, pour l’essentiel, que les théoriciens-maison du chauvinisme débridé, de l’arabisme sans lendemain et du négationnisme malsain. La diversité des peuples est un véritable atout.

Une richesse providentielle. Positivement exploitée, cette diversité constitue un inestimable levier de développement et de consolidation de l’Etat/Nation où les spécificités des communautés servent, admirablement, la cohésion et raffermissent les liens.

Les plus grandes puissances qui dominent le Monde en sont une preuve éloquente. Malheureusement – et c’est là, peut-être, un des plus grands ratés de la rencontre – le sommet de Nouakchott n’a pas permis de présenter la Mauritanie dans toute sa diversité. Les journalistes et les hommes de culture en sont les premiers responsables.

Comme le disait un diplomate de chez nous, le Sommet des pays arabes est aussi Sommet des pays africains, puisque nombre des pays membres de la Ligue arabe sont, à la fois, arabes et africains.

Avec, quand même, cette différence que beaucoup en sont fiers, alors que d’autres font des pieds et des mains pour s’en défaire. Complexes grégaires ou méconnaissance des potentialités de tous ordres dont ce statut privilégié regorge ? Peut être l’un ou l’autre. Ou les deux à la fois.

El Kory Sneïba



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