Cridem

Lancer l'impression
03-03-2017

14:51

Les chercheurs mauritaniens qui brillent à l’international, méconnus et ignorés sur la scène nationale

Nouadhibou-Magazine - Et si l’on parlait d’eux !

Les Scientifiques de l’Institut Mauritanien de Recherches Océanographiques et des Pêches moins médiatisés sur la scène nationale, pourtant ces chercheurs ont un palmarès bien garni sur la scène internationale…

L’IMROP est l’héritier du Centre National de Recherches Océanographiques et des Pêches (1978-2002), créé le 23 novembre 1978 par décret n° 164-78 autour d’idées fondatrices que l’on retrouve énoncée dans le décret n° 2002-036 du 7 mai 2002 portant création de l’IMROP. L’institut est donc un Établissement public à caractère administratif (EPA), placé sous la tutelle du Ministère de la pêche et de l’Economie Maritime.

Depuis 2008, la recherche au sein de cet institut est organisée autour de trois programmes fédérateurs. Ces programmes s’appuient sur cinq laboratoires ou services. Ces structures rassemblent officiellement plus de 120 chercheurs, ingénieurs et techniciens de recherche et une dizaine de scientifiques associés.

Ce personnel scientifique fait donc preuve d’un volontarisme affirmé et effectif pour le développement d’une recherche de qualité. Pour sa reconnaissance, l’IMROP entretient des relations avec une cinquantaine d’instituts de recherche ou d’universités dans le monde.

Ces relations permettent aux jeunes scientifiques de l’IMROP de bénéficier de séjours dans de nombreuses universités ou écoles étrangères, aux chercheurs d’effectuer des missions de courte durée pour acquérir certains outils et méthodes. L’IMROP accueille aussi des scientifiques du monde entier, particulièrement en master ou Doctorat, un nombre important d’étudiants nationaux ou étrangers.

A l’IMROP, comme dans tous les établissements d’enseignement supérieur et de recherche, la vie d'un chercheur ou d’un enseignant chercheur est rythmée par un processus relativement peu connu pour les non-initiés au monde académique. Un chercheur passe en effet une partie de son temps à faire de la recherche mais consacre aussi énormément de temps à rédiger des papiers de recherche. Pour leurs validités, il doit publier ces travaux dans des revues académiques à comité de lecture ou les soumettre dans des actes de conférences.

L'expression « publier ou périr » (issue de l'anglais « publish or perish ») vise à dénoncer les enseignants chercheurs ou chercheurs qui ne publient pas. Les publications dans le milieu académique sont particulièrement valables pour l’avancement des chercheurs scientifiques, si possible dans les revues scientifiques d’« impact factor » élevées.

Attention : il ne s'agit absolument pas de dire que tous les chercheurs ou enseignants chercheurs mauritaniens ne pensent qu'à "publier", en réalité, ils consacrent peu de temps à la consignation systématique des résultats ; moins encore à leur interprétation pour publication. Parce que tout simplement, ils ne sont pas jugés à cette aune (sur leurs publications). Pourtant, la recherche élève le niveau de la pensée et approfondit la réflexion, la critique. Par conséquent, la "publication" permet une confrontation des travaux des chercheurs et une évaluation de la qualité de la recherche par les pairs. Les publications des chercheurs sont également essentielles dans les classements inter établissements et surtout internationaux. Il s’agit tout simplement de faire connaitre son établissement et se faire connaitre.

En Mauritanie, l’enseignement supérieur et les établissements de recherches trouvent des cerveaux, mais les moyens financiers qui leurs sont alloués sont dérisoires. Autrement dit, les enseignants chercheurs et chercheurs n’ont pas à leurs dispositions les moyens leurs permettant de faire de la recherche dans des conditions optimales. Ce qui justifie la fuite des cerveaux mauritaniens en particulier, et africains d’une manière générale.

A défaut de disposer d’un cadre national pour faire compétir nos scientifiques, certains enseignants chercheurs ou chercheurs avec des moyens dérisoires se frottent, néanmoins, avec leurs homologues étrangers. Leurs confrontations se déroulent souvent loin de l’œil des médias, mais les chercheurs de l’IMROP brillent à l’étranger et engrangent des titres depuis plusieurs années.

Nous profitons de cette tribune pour vous présenter quelques-uns des meilleurs scientifiques mauritaniens primés à l’occasion de la troisième conférence internationale ICAWA « Ecosystem Approach to the Management of Fisheries and the Marine Environment in West African Waters ». ICAWA est un projet basé sur l'accord entre les gouvernements allemand, français et ouest africain de la Commission Sous Régionale des Pêches (de la Mauritanie, du Sénégal, de la Gambie, de la Guinée Bissau, de la Guinée, de la Sierra Leone et du Cap Vert) sur l'amélioration des initiatives nationales de recherche respectives dans le Grand Écosystème Marin du Courant des Canaries.

Après avoir été le lieu de naissance formel du Project « Ecosystem Approach to the management of fisheries and the marine environment in the West African Waters » en 2011, Dakar a accueilli, du 13 au 15 décembre 2016, la 3ème et dernière conférence internationale ICAWA.

Ces journées sont destinées à faire connaître à la communauté scientifique internationale les travaux de recherche effectués, par les instituts de recherches du nord comme du sud, sur les problématiques du Grand Écosystème Marin du Courant des Canaries.

Près de 450 représentants d’instituts d’enseignements supérieurs, et de recherches, de plusieurs pays : (Maroc, Mauritanie, Sénégal, Gambie, Guinée Bissau, Guinée Conakry, Sierra Leone, Cap Vert, Benin, Burkina Faso, Cameroun, Chili, Chine, France, Allemagne, Côte d’ivoire, Hollande, Russie, Afrique du Sud, Espagne, Togo, Royaume uni, Canada et USA), se sont réunis pendant 3 jours pour débattre des résultats des chercheurs et des doctorants.

Cette 3ème Conférence s’est distinguée de tous les précédents par son niveau élevé des communications scientifiques, de maturité, de la richesse des échanges, la forte implication du monde universitaire et de la recherche, le monde de l’entreprise et les acteurs de la société civil.

Au cours des plénières, des thématiques et des sides events, ont tourné autour de la problématique des effets des Changements environnementaux sur la biodiversité. La qualité des résultats scientifiques et le respect des points de vue entre les différents acteurs des différents pays mais souhaitant gérer ensemble un écosystème marin commun, traduisent la force de la conférence internationale.

La 3ème Conférence Internationale ICAWA a mis en évidence le constat que l’IMROP-Institut Mauritanien de Recherches Océanographiques et des Pêches est bel et bien un institut leader sur la scène nationale, sous régionale et internationale. En plus de leur directeur, Monsieur Mohamed M’Bareck SOUEILIM, de ses deux homologues, Dr Mahfoud Taleb SIDI (chercheur à l’IMROP), directeur de l’Institut Supérieur des Sciences de la Mer de l’Académie Navale, et celui de la Garde Côte, 7 chercheurs de l’IMROP ont présenté des communications sur leurs travaux et nouer des contacts avec des scientifiques ayant en partage des thématiques communes.

Aux yeux des participants, les scientifiques mauritaniens se sont distingués dans cette conférence comme une « grande nation du Nord-Ouest Africaine » de recherches océanographiques et des pêches par le nombre de médailles ICAWA obtenues par ses chercheurs. Ils ont affiché aussi des résultats sans précédent dans les campagnes internationales ouvertes aux scientifiques du Grand Écosystème Marin du Courant des Canaries.

Avec 3 médailles ICAWA 2016, l’IMROP s'est hissé à la 1ère place de la conférence internationale, son meilleur résultat depuis le début de sa participation en 2013.

Les trois Chercheurs Lauréats :-


Grâce à cette génération, les résultats de l’IMROP sont toujours en hausses du fait d’une préparation plus en amont, animée par des jeunes chercheurs-encadrants.

A l’époque de Dr Moctar BA, pionnier des directeurs du CNROP (1985-1995), le concept de « publier ou périr » a longtemps été sa stratégie, mais depuis, cette qualité largement valorisée dans la carrière des chercheurs du monde entier est dénigrée, voire tout simplement ignorée. Cependant, les mentalités évoluent–lentement – notamment sous l’influence d’une nouvelle classe de chercheurs titulaires de doctorats.

Aujourd’hui, beaucoup de jeunes chercheurs à très fort potentiel, sont encore présent à l’IMROP et ne se mettent pas en avant sur la scène internationale et au niveau national, ils sont relégués au second plan.

Or les résultats des chercheurs de l’Institut Mauritanien de Recherches Océanographiques et des pêches, ne sont pas seulement destinés à faire connaître les activités de recherche de l’institut et susciter les échanges entre doctorants et enseignants chercheurs du monde entier. C'est aussi une recherche au service du développement durable du pays, qui apporte une plus-value à l'économie mauritanienne.

Durant quatre décennies, les chercheurs de l’IMROP ont conduit des recherches pour orienter les décideurs sur l’exploitation des ressources halieutiques et leur impact direct sur la création d’emploi, la sécurité alimentaire et sa contribution à l’économie.

Compte tenu de l’importance économique et sociale de la pêche en Mauritanie, nos autorités doivent prendre en compte certaines considérations. A titre d’exemple, doter nos instituts de recherche d’une nouvelle « classe de dirigeants » capable de promouvoir les meilleurs chercheurs et empêcher ainsi la fuite des cerveaux, devenue monnaie courante dans les pays sous-développés.

Les meilleurs scientifiques d’aujourd’hui (enseignants chercheurs ou chercheurs) préfèrent travailler là où on leur fournit les moyens de leur recherche plutôt que là où on ne leur fait miroiter qu'un emploi à vie, sans moyen de travail et salaire décent.

En félicitant les lauréats qui ont honoré notre pays, j’invite les autorités de tutelles de prendre en compte les performances des chercheurs et surtout prendre une décision courageuse pour revaloriser le cadre juridique de la recherche en Mauritanie. Tout d’abord, la promotion au mérite et pas à l’ancienneté. Il n’est pas normal que les très bons chercheurs mauritaniens se trouvent majoritairement à l’étranger et ceux qui restent ou rentrent sont dirigés par des moins qualifiés (moins diplômés). Beaucoup d’enseignants chercheurs ou chercheurs (majoritairement sont détenteurs de master ou de DEA) ne publient et ne produisent quasiment pas, alors qu’ils sont promis, par l’ancienneté, à la tête de la plupart des établissements supérieurs et de recherches.

Bref, qu’on essaie de faire évoluer les choses dans l’enseignement supérieur et la recherche, tant mieux, mais l’urgence se situe avant tout de se poser les questions :

- Quel est l’état de la recherche scientifique en Mauritanie ?

- Quels sont les principaux facteurs limitants son fonctionnement, son développement et son rayonnement sur la scène nationale, sous régionale et internationale.… ?

NGam Seydou,
Directeur de Publication de Nouadhibou-Magazine



Les articles, commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité


 


Toute reprise d'article ou extrait d'article devra inclure une référence www.cridem.org