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30-03-2017

05:45

L’éditorial de La Nouvelle Expression: Les ennemis d’Abdel Aziz

La Nouvelle Expression - Ce 22 mars, comme tout le peuple mauritanien, j’étais devant mon écran pour voir et écouter le Président Mohamed Abdel Aziz. Même si j’avais déjà l’information, je pensais pour une fois me tromper. Et que le Président ne se laissera pas manipuler par ce juriste en décadence...

Malheureusement, ce constitutionnaliste délaissé par le système s’est fait payer la tête d’Abdel Aziz. Et par ses conseils, il consacre la super-présidentiabilité de Mohamed Abdel Aziz.

Mais, honneur quand même à ces journalistes qui nous ont permis d’entendre et comprendre la vision présidentielle. Le peuple a entendu. Entendu un président qui dit que c’est lui le peuple, lui le Président et lui l’Etat. Et s’il arrive que le peuple pense qu’il est dans l’erreur, le peuple doit comprendre que c’est une bonne chose pour la Mauritanie.

En somme, comme a dit l’autre : « le peuple doit faire ce qu’il lui demande de faire, ne doit pas faire ce qu’il fait et surtout ne doit pas dire ce qu’il fait ». Celui qui avait sorti cette belle tirade avait été chassé du pouvoir comme un malpropre…

« Je ne suis pas fait pour démissionner et je ne suis pas fait pour échouer », déclare Mohamed Abdel Aziz... Une saillie qui explique la philosophie d’un homme public qui avait dit un jour qu’il ne cherchait pas un intérêt personnel et qu’il est venu au pouvoir pour les pauvres et pour « soulever » la Mauritanie. Cette phrase d’Abdel Aziz fut fortement applaudie par l’assistance, quoique beaucoup de ces applaudisseurs reconnaissent qu’ils n’avaient fait que suivre le mouvement ; le fait d’applaudir étant apparemment contagieux.

Ce groupe d’individus (on ne saurait quand même pas les qualifier tous d’applaudisseurs) invités pour l’occasion constitue pourtant la crème des ennemis d’Abdel Aziz car ils viennent de planter le décor de la déchéance d’un homme et de son régime. La fin.

Oui. Mohamed Abdel Aziz ne peut échouer et ne peut sentir la faiblesse ni la démission. Un homme qui pense pour tous, qui sait tout ne peut échouer ; lui pour qui les populations ne sont que des pions et leurs élus de simples faire-valoir. Une population qu’il a contribué, par sa politique mal pensée, à plonger dans la misère et l’incertitude du lendemain. Une population qu’il va une fois encore priver de 6 milliards d’ouguiyas pour assouvir sa volonté de faire passer, coûte que coûte, ses amendements constitutionnels par voie de référendum…

Hélas, les propos du Président Abdel Aziz ne surprennent presque personne ; surtout pas ceux qui savent comment celui que l’ancien FNDD avait surnommé « Le Général Limogé » était arrivé au pouvoir. Limogé, il avait réagi vigoureusement en destituant le Président élu pour occuper son fauteuil. Cet homme, Abdel Aziz, n’aime ni être déçu, ni être déchu.

Qui se souvient encore aujourd’hui des fameux accords de Dakar qui n’ont jamais été respecté parce qu’aux yeux de Mohamed Abdel Aziz le fait de les avoir accepté équivalait quelque peu à une faiblesse de sa part ? Longtemps après, il a ressenti cette prétendue faiblesse et s’est toujours senti blessé ; plus que les effets de la future « balle amie » qui l’avait rendu alité et presque impotent, loin du pays, dans un hôpital de l’Hexagone.

Au même moment – les premières heures de l’incident – certains de ses « hauts parleurs » continuaient d’affirmer que le Rais était bien portant et qu’il n’était que légèrement blessé au bras. C’est dire que lui, Abdel Aziz, cultive des airs de matador, renforcé en cela par une cohorte de « braillards » (« brailleurs ») répandant de fortes brassées d’encens sur son sillage ; même si cette image d’un homme sans faiblesse et sans faille est quelque peu mise en mal par certains anciens collègues au Trésor public ou de l’armée.

C’est cette obsession à se prendre pour un « Zoul Qarneïn » des temps modernes qui fait que Mohamed Abdel Aziz n’accepte pas et ne peut accepter le coup de Jarnac des sénateurs (« ses sénateurs »), quand bien même ils sont appelés « élus du peuple ».

Avant Abdel Aziz, Maaouya n’avait jamais imaginé que sa chute pouvait venir de ceux là mêmes qui l’applaudissaient à tout rompre et qui, peu après, s’étaient mis à applaudir ses tombeurs. Ces applaudisseurs qui trouvaient de la profondeur et des significations cachées aux propos de Ould Taya, même les plus terre-à-terre ; applaudisseurs à l’échine courbe qui n’hésitaient pas à inventer des histoires pour contenter ce « roi » qu’ils avaient fini, à la longue, à transformer en Ubu… Ils disaient de lui qu’il était « un choix de DIEU pour sauver la Mauritanie ».

Le malheureux n’avait compris l’hypocrisie de bien de ses « sujets » que dans l’avion qui l’amenait d’Arabie Saoudite pour Niamey, après que des officiers – qui lui devaient presque tout – avaient décidé de le virer du Palais Ocre.

Abdel Aziz, le principal artisan du renversement de Maaouya et du mandat écourté de Sidioca n’en a que faire des humeurs des trente trois sénateurs qui lui avaient dit « Non ». Il l’a presque clamé avec dédain lors de sa rencontre avec la presse : lui Abdel Aziz (le berger) est un « canon sans recul », c’est aux récalcitrants sénateurs (« traitres ») élus de revenir au bercail (eux le troupeau).

Lui Abdel Aziz, qu’il pleuve des sénateurs mécontents ou pas, il sortira vainqueur et la Mauritanie passera à autre chose. Puisqu’il est un super-Président ; un « Mogo Puissant »… et qu’on ne vienne pas parler de dictateur !!

Pourtant, le point commun entre dictateurs et super-Présidents, c’est qu’à force de se surestimer et de minorer leurs « ennemis », ils finissent par devenir leurs propres ennemis. Abdel Aziz le comprendra-t-il avant le clap de fin ? Ou va-t-il plonger cette pauvre Mauritanie dans un sommeil tout aussi tumultueux que cauchemardesque qui finira par un réveil agité ?

Qu’Allah éloigne la Mauritanie des lendemains incertains.

Camara Seydi Moussa


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