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29-04-2017

23:30

Poésie, musique et littérature en Mauritanie : Recueil d’études et d’articles, suivi de Essais critiques et notes de lectures de Mohamed Ould Bouleiba / par Idoumou Ould Mohamed Lemine

Mauri Actu - Depuis la parution de son ouvrage Critique littéraire occidentale, Critique littéraire arabe : Textes croisés (Editions L’Harmattan, 2000), Mohamed Ould Bouleiba n’a cessé d’enrichir la bibliothèque de critique littéraire en Mauritanie de publications aussi pertinentes que bienvenues, parce que manquantes aux rayons de cette bibliothèque.

Poésie, musique et littérature en Mauritanie : Recueil d’études et d’articles, suivi de Essais critiques et notes de lectures s’ajoute à cette série qui, entretemps, s’est allongée d’un recueil de Conférences sur la littérature et la critique, de traductions d’ouvrages d’histoire et d’anthropologie, notamment d’écrits français sur la Mauritanie (Pierre Bonte, Philippe Marchesin, Francis de Chassey) et d’annotations de manuscrits anciens, traitant de sujets divers.

L’ouvrage regroupe onze textes, entre monographie, note de lecture et critique comparée de textes. Le lecteur y naviguera, à son aise et suivant ses préoccupations esthétiques ou scientifiques, entre la musique mauritanienne ; cet art éminemment oral et empirique et pourtant savant et bien construit, l’histoire de la Mauritanie et l’étude de la structure de ses tribus et ethnies et des critiques sur des auteurs ou des œuvres.

Dans le texte inaugural du livre et sous le titre « La musique et la poésie mauritaniennes à l’épreuve de la modernité », Mohamed Ould Bouleiba nous plonge dans l’univers passionnant et peu connu, sauf de quelques initiés en voie d’extinction, de la musique mauritanienne d’une part et dans celui, pas plus connu chez les critiques francophones, de ce qu’il appelle la « poésie dialectale maure » d’autre part.

L’auteur décrit, avec la précision d’un connaisseur, la rigueur et l’érudition d’un chercheur invétéré, comment cet art est né dans un contexte marqué par une société à l’organisation pyramidale, où la musique est non seulement l’activité d’un groupe social particulier, les igawen (griots), mais aussi l’apanage d’un autre groupe social, les Hassan (guerriers), auxquels elle est dédiée et dont elle célèbre les valeurs et prouesses et consigne l’histoire.

Il explique comment cette fonction multiple donnait à la musique maure toute son importance et plaçait le griot au centre d’une controverse entre les guerriers qui l’adulaient et les Zawaya (marabouts) qui désapprouvaient son activité et l’ostracisaient lui-même.

Il analyse l’évolution du phénomène au rythme de l’histoire du pays et montre que depuis l’avènement de la colonisation française, la musique maure a connu bien des métamorphoses dont certaines touchent parfois, sous le signe de la « modernisation », à ses fonctions et dénaturent les fondements de son identité, menaçant son existence même en tant qu’art.

Abordant la poésie et ses relations avec la musique, Mohamed Ould Bouleiba suit le même cheminement critique : la genèse, l’évolution et les défis que pose la modernisation d’un genre déjà en crise dans le monde et butant, en Mauritanie, sur de multiples enjeux linguistiques, idéologiques et formels.

Cerise sur le gâteau, l’auteur nous livre, en transcription et en traduction, quelques exemples de poèmes qui, tout en illustrant les caractéristiques prosodiques et métriques de la poésie hassonophone, mettent à la disposition du lecteur francophone des textes d’une grande valeur esthétique et historique, de nature à susciter l’intérêt d’éventuels critiques et chercheurs en littérature mauritanienne.

Dans la deuxième partie de l’ouvrage, « Essais critiques et notes de lectures », on trouve tour à tour une étude comparée entre deux ouvrages d’histoire l’un écossais (Histoire de la Révolution française de Thomas Carlyle) et l’autre français (Histoire de la Révolution d’Auguste Thiers), une monographie sur Roland Barthes, le « maître à penser incontestable de la Nouvelle critique », quelques notes de lecture (sur L’amour impossible de Moussa OuldEbnou et Pieds nus à travers la Mauritanie d’Odette du Puigaudeau, notamment) et des présentations d’ouvrages d’histoire, de sociologie et d’anthropologie, souvent traduits vers la langue arabe par l’auteur lui-même.

Dans cette partie comme dans la précédente, le lecteur passe d’un domaine scientifique à l’autre et d’un genre littéraire à l’autre presque sans s’en rendre compte, en raison de l’uniformité du style de l’auteur, de sa méthodologie critique prudemment fondée, loin de toute scientisme pédant, sur la description des manifestations textuelles, et leur interprétation contextuelle, entièrement vouée à faciliter au lecteur, quelque soit son niveau, d’y accéder et de s’en instruire.

Ici, le professeur de critique littéraire et de littérature comparée encadre l’essayiste et oriente son écriture vers le pédagogique et le didactique ; ce qui constitue d’ailleurs, on s’en rend compte en refaisant son parcours d’essayiste, de traducteur et d’éditeur, le souci majeur de Mohamed Ould Bouleiba.

Poésie, musique et littérature en Mauritanie…se clôt sur un texte intitulé « Transhumance » qui dénote avec l’orientation générale et l’esprit du reste de l’ouvrage. Sur un peu moins de six pages, l’auteur s’adonne, dans un style plus proche de la poésie que de la critique ou de l’analyse littéraire, à une variation sur la « bougeotte » des hommes du désert ; ses causes profondes, ses conditions climatiques et ses aléas ; quand et comment elle se déroule…

A la fin de ce texte très bref, Mohamed Ould Bouleiba l’essayiste rattrape cependant le narrateur et le poète qui s’y exprime, et nous livre une définition de la transhumance propre à l’auteur : « C’est, en somme, une philosophie en actes dont les implications sociologiques et culturelles peuvent nous apprendre beaucoup plus sur l’humain que toutes les bibliothèques du monde ».

J’ai lu cet ouvrage avec un grand plaisir et beaucoup d’intérêt et j’espère que la communauté des lecteurs, en Mauritanie et ailleurs, en sera aussi enthousiasmée que je l’ai été.

Idoumou Ould Mohamed Lemine est professeur de littérature et écrivain.



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