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18-09-2017

09:54

Interview de Ahmed Salem Cheddad à l’Eveil Hebdo

L'Eveil Hebdo - Ahmed Salem Elmoctar dit Cheddad, un nom qui n’est pas inconnu à l’Eveil Hebdo. C’est un collègue qui compte en effet parmi la première équipe ayant lancé cet hebdomadaire qui a su braver de nombreuses difficultés pour continuer la mission qu’il s’est assigné depuis ses premiers pas : servir le lecteur.

Notre confrère, A. S. Elmoctar, c’est ainsi qu’il signait ses papiers à notre quotidien, vient de nous honorer par la sortie de son premier livre. Sous le titre évocateur de « ce que je pense/ avant de tout oublier », Cheddad se fixe comme objectif, entre autres, de « rappeler aux anciennes générations et informer les nouvelles », et ce conformément à « mon propre point de vue, c’est-à-dire à « ce que je pense »(…), des différentes phases de l’évolution contemporaine de notre pays », écrit-il.

Après une lecture attentive de son livre, il a bien voulu répondre à nos questions visant à faire une présentation même succincte d’une œuvre qui semble bénéficier d’un intérêt grandissant parmi les lecteurs Nouakchttois.

A la librairie 15/21(sous l’Immeuble Elmami), le livre, aussitôt venu, disparait des rayons sous la pression des lecteurs. Pour l’occasion, nous informons ces derniers qu’un lot du livre est actuellement disponible à la même librairie.

L’Eveil Hebdo : cher collègue, Cheddad, votre livre, en fait votre autobiographie, peux-tu nous résumer les différentes phases abordées dans cette première partie de votre vie ?

Cheddad : L’ensemble du livre décrit les trois premières décennies de ma vie, soit la période correspondant à « 1948-1978 ». La première décennie correspondait globalement aux premiers pas dans ce que j’ai appelé « le berceau familial ». La deuxième, la plus douloureuse, correspondait à la période de la scolarité primaire, c’est-à-dire hors de ce berceau familial. La troisième, soit la phase de la majorité 1968-1978. C’était la phase du militantisme politique.

L’Eveil Hebdo : vous décrivez la vie nomade avec une grande passion. Pourtant, d’après vos propos, il semble que vous ne l’avez pas bien aimée ?

Cheddad : c’est en partie vrai. Dans ma première enfance, c’est-à-dire dans le berceau familial, aucun choix ne s’offrait à moi. En conséquence, j’ai bien aimé la vie parmi les miens. Je m’en suis même beaucoup réjoui.

Du moment que ma scolarité, toute ma scolarité, va se dérouler entièrement hors de chez moi, j’ai senti très tôt l’existence d’autres modes de vie moins précaires que celui de mes propres parents. C’est probablement ce qui explique les propos parfois malveillants à l’égard de la vie nomade.

L’Eveil Hebdo : A plusieurs reprises vous essayez de décrire le phénomène de l’esclavage traditionnel. Le lecteur, non bien averti, pourrait ne pas bien vous comprendre. Il pourrait penser que vous trouvez une certaine justification du phénomène dans son contexte traditionnel. Pouvez-vous nous éclairer plus sur cette question ?

Cheddad : vous pouvez quand même accepter avec moi que notre société traditionnelle, d’ailleurs toute société traditionnelle, est le fruit d’une évolution naturelle historique donnée ? Personnellement, je crois que l’esclavage, dans sa forme traditionnelle, constitue une partie intégrante de la structure de la société traditionnelle.

En tant donc que segment de cette société, l’esclavage ne peut en aucune façon être isolé du système auquel il constitue une partie inséparable. Autrement dit est-ce qu’on peut imaginer, par exemple, une société africaine traditionnelle amputée de l’un de ses segments constitutifs ?

Comme moi, dans mes débuts, aucun choix ne s’offrait à moi par rapport au mode de vie traditionnel des miens, c’est aussi le cas des esclaves (ou des griots ou des guerriers ou des marabouts ou des forgerons…), aucune perspective ne s’offrait à aucun segment social pour se séparer de l’ensemble de son système social.

Il faudra attendre une révolution radicale des mentalités et des systèmes socioéconomiques du monde pour envisager de tels genres d’évolutions. En fin, je crois que personne ne peut se substituer au groupe social concerné dans sa prise en main de son propre sort.

L’Eveil Hebdo : dans les années 70 vous avez adhéré dans un premier temps aux thèses de l’aile de vos camarades du Mnd qui apprécie positivement les réformes entreprises par le régime de l’époque. Dans un deuxième temps vous faites partie de ceux qui ont appelé à l’opposition au régime lors de la guerre du Sahara. Comment vous justifiez tout cela ?

Cheddad : les réformes entreprises par le régime font partie de nos revendications essentielles, revendications pour lesquelles nous avons tout sacrifié. Notre pression sur le régime l’a mis en mal avec le gouvernement français, le responsable du néocolonialisme dans notre pays. Entre les deux gouvernements le conflit était ouvert.

L’unique choix qui s’offrait à nous était le suivant : soutenir l’une des deux parties en conflit. Dans ce genre de situations toute neutralité équivaut à soutenir le plus fort, c’est-à-dire la partie française.

Le déclenchement de la guerre du Sahara créa une nouvelle situation. Par un jeu subtil le régime de l’époque fut récupéré par les français de « France Afrique ». La situation ainsi crée, caractérisée par une guerre destructrice, fut incompatible avec la poursuite de réformes fiables. L’existence du pays est de nouveau remise en cause. Il fallait lutter contre une telle évolution.

L’Eveil Hebdo : le coup d’Etat du 10 juillet 1978, était-il évitable ?

Cheddad : s’il était évitable il n’aurait pas eu lieu. Tout le monde le voyait venir. Tout indiquait que personne ne pouvait l’empêcher.

L’Eveil Hebdo : A quand la deuxième partie ? La partie correspondant aux décennies suivantes.

Cheddad : j’y pense : donc je compte m’y mettre.

Propos recueillis par Sy Mamoudou



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