Cridem

Lancer l'impression
28-10-2017

22:30

« L’âme silencieuse», Un film de l’idéaliste, Françoise Dexmier

Yero Amel Ndiaye - Pour sa première sortie en Mauritanie, le film « l’âme silencieuse » de Françoise Dexmier a fait très forte impression le 17 octobre passé à l’Institut Français de Mauritanie. La seule salle de Cinéma qui existe encore dans ce pays était archicomble.

Le film superbement réalisé met en scène les rapports entre un jeune artiste mauritanien, Oumar Ball avec son milieu naturel, avec son environnement socioculturel ou pour parler comme Senghor, son royaume d’enfance. La caméra met en gros plan des objets, des moments et des événements de la vie quotidienne avec leurs mouvements et leurs vibrations.

Rien n’est figé, tout bouge. L’œuf qui éclore, le linge qui sèche aux quatre vents, les mouvements du pinceau sur la toile, Les querelles incessantes de la basse cour, Les allées et venues dans la rue adjacentes, …. Peu de mots, beaucoup de rythmes, une poésie qui se déclame avec élégance jusque dans les regards et les gestes des différents acteurs.

Les rares fois qu’on entend la voix de la réalisatrice sont des occasions de sonder le tréfonds de l’artiste. En effet comment descendre dans l’intimité d’une personne aussi timide et si avare en parole comme Oumar Ball ? Françoise Dexmier l’a réussi avec art et maîtrise.

Cependant le film est difficile à classer. Apriori, on croirait à un documentaire sur la vie et l’œuvre d’un artiste peintre dans sa simplicité existentielle et dialectique. Mais la narration est limitée à quelques questions de précision sur sa pratique en relation avec le monde extérieur.

La réalisatrice ne se focalise pas sur un seul objet - le protagoniste de l’histoire en l’occurrence - elle met en exergue plusieurs réalités, ouvre plusieurs brèches qui captivent l’esprit et aiguisent la curiosité.

Au finish on sort de cette salle avec une morale mais également avec d’autres questionnements et maintes énigmes à résoudre. N’est ce pas là le propre de la fiction ? Les échanges avec la réalisatrice et le personnage principal ont démontré que les spectateurs ont passé un véritable moment de bonheur.

Beaucoup étaient émus et surpris du fait de l’intensité du film et pour ceux qui ne connaissaient pas Oumar, Ils ont découvert un artiste talentueux qui avec des matériaux dérisoires de son milieu naturel, arrive à faire quelque chose de beau.

Françoise Dexmier, sur sa démarche et le film

Je suis plasticienne à la base je ne fonctionne pas comme les autres réalisateurs. J’aime bien montrer le côté positif par exemple d’un pays et des gens parce qu’il y a des choses qui ne vont pas bien partout. Et j’ai envi de montrer qu’il y a des gens qui ont du talent, qu’il y a des choses vraiment positive. Je me focalise sur le positif pour peut être générer d’autres choses positives et de bons moments comme on a vécu l’autre soir car c’est fait pour apporter du bonheur.

C’est dans cet élan que j’ai rencontré Oumar et j’ai vu qu’il est aussi dans cette démarche de vouloir montrer à la fois là où il est , l’âme des animaux, les natures mortes, il les rend vivantes, en somme il veut montrer qu’en Afrique il y a de belles choses parce qu’ on voit tout le temps qu’en Afrique il y a des problèmes mais il est temps de montrer que dans ce continent , il y a aussi des gens qui ont du talents alors c’est sur ce côté-là qu’on s’est retrouvé, de montrer l’âme, l’essence des choses, le côté simple qui peut apporter un bonheur.

En se servant de cette réalité quotidienne on peut aller plus loin du point de vue philosophique pour réfléchir sur le sens de la vie. J’ai un regard macro c'est-à-dire de proximité, j’aime le regard intérieur et intimiste du coup c’est beaucoup de gros plans sur les choses, sur les gens et j’attends que tout le monte se sente à l’aise. Je ne cherche pas à violer l’intimité des gens, j’attends à ce qu’il y ait l’accord de tout le monde pour aller vers l’autre et dans son acceptation.

Et je voulais monter que pendant qu’on était là tranquillement, Oumar entrain de peindre et moi entrain de chercher la poésie du monde autour, il y a le monde complètement fou qui continuait d’exister alors pour ne pas déranger ce silence j’ai décidé de faire comme les bandes de CNN pour pointer du doigt les événements qui se passent en même temps.

Pendant qu’on réalisait le film, la guerre au Mali faisait rage alors il fallait que je dénonce l’Homme qui s’autodétruit car on pouvait être plus heureux s’il y ‘avait pas toute cette folie meurtrière.

Le film est passé au festival « Maghreb si loin si proche » dans le sud de la France et à d’autres endroits et presque à chaque fois il y a quelqu’un qui pleure. Moi ça me surprend parce que les gens disent qu’il y a pas dans le film d’événements émotionnels qui devaient nous déclencher ça mais c’est parce que ça nous relie quelque part au sacré, le sacré de la simplicité des choses.

Ça fait comme une méditation, une longue méditation et pendant un moment on est bien, on est tellement bien qu’il y’en a pour pleurer. Ils découvrent un peintre qui se sert de tout ce qu’il y a autour de lui et avec trois fois rien il fait des miracles. Le film est passé en France, en Espagne et bientôt au Maroc.

A chaque fois les gens sont touchés et sont très émus par le talent d’Oumar et par la beauté toute simple du quotidien qui devient sacré et ça leur fait chaud au cœur.

Yero Amel Ndiaye



Les articles, commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité


 


Toute reprise d'article ou extrait d'article devra inclure une référence www.cridem.org