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30-10-2017

13:10

La Mauritanie va injecter plus de 3 milliards d’UM pour l’accélération de la PF

Les Mauritanies - Dans le cadre de son Plan d’action 2014-2018 pour le repositionnement de la Planification Familiale (PF), le gouvernement mauritanien prévoit plus de 3 milliards d’ouguiyas (soit environ 12 millions de dollars U.S).

Un financement à la hauteur de la certitude désormais établie que le développement socioéconomique du pays est tributaire de la réduction du poids démographique contraignant dû à une forte natalité et à la rareté des ressources publiques.

La Mauritanie lutte âprement depuis quelques années sur un front stratégique : l’accélération de la PF pour la réduction de la mortalité maternelle, néonatale et infanto-juvénile. Les consultations dans ce domaine s’accélèrent ainsi que les ateliers de sensibilisation, d’évaluation et de revue à mi-parcours, comme ceux qui se sont déroulés du 24 au 27 octobre 2017 simultanément à l’hôtel Mauricentre et à l’hôtel T’Feïla de Nouakchott.

Repositionner la PF

«En matière d’accélération de la PF, la Mauritanie a largement dépassé ses engagements dans le cadre du Partenariat de Ouagadougou » selon le Dr. Mohamed Lemine, expert au Programme national de la santé de la reproduction (PNSR).

Selon lui, «au lieu des 48.000 nouvelles utilisatrices qu’elle devait atteindre en 2018, elle en est déjà à 55.000 utilisatrices additionnelles, portant le chiffre total actuel de femmes sous contraception moderne à 115.000 avec l’objectif d’en augmenter davantage le nombre d’ici fin 2018».

Cette déclaration a été faite en marge d’un atelier de revue à mi-parcours du Plan d’action national budgétisé (PANB 2014-2018) qui s’est déroulé du 24 au 27 octobre 2017 avec la participation de professionnels de la santé (médecins, directeurs régionaux de la santé, sages-femmes), experts et membres de la société civile.

«Mais les défis restent importants, avec des indicateurs encore inquiétants », a souligné le Coordinateur du PNSR, Dr.Sidi Mohamed Ould Abdel Aziz, qui a cité, lors de la présentation du Plan d’action, un taux de mortalité maternelle de 582 pour 100.000 naissances vivantes selon le dernier recensement de la population (RGPH 2013), un taux de mortalité néonatale de 29 pour mille et un taux de mortalité infanto-juvénile de 54 pour mille, selon la 5ème et dernière enquête MICS (MICS5).

«Nous pouvons éviter ces drames, car l’espacement des naissances réduit de 30% la mortalité maternelle » a-t-il indiqué, mettant en exergue les efforts consentis par la Mauritanie dans ce cadre, «car de 11% en 2013, le taux de prévalence contraceptif en Mauritanie est passé à 17,9% en 2015 (MICS 5) avec un objectif de dépasser les 18% d’ici 2018 » a-t-il ajouté. Le plan d’action mentionne cependant «une demande de 44,8% et des besoins non satisfaits en matière de PF encore forts, de l’ordre de 33,6% (MICS 5)».

«Malgré une volonté politique encore insuffisante et un engagement frileux des religieux, la révolution des mentalités par rapport aux avantages de la PF fait son chemin», selon l’une des participantes. Cette conviction est partagée dans le plan d’action qui met l’accent sur «l’avantage de la maîtrise de la fécondité sur l’ensemble des secteurs socioéconomiques, santé, éducation, économie, urbanisation, etc) ».

La Déclaration de Politique nationale de la Population recommande d’ailleurs la prise en compte des variables démographiques dans les plans de développement, avec un accent sur la maîtrise de la fécondité.

Obstacles

Parmi les obstacles cités par le Plan d’action, et repris par les participants lors de leurs interventions, et qui empêchent selon eux l’atteinte des résultats escomptés, le problème d’accès géographique, le faible engagement des décideurs et acteurs influents (autorités politiques, leaders religieux et communautaires), l’insuffisance des ressources, y compris les ressources de l’Etat en faveur de la PF. Sont également cités, la non implication des hommes, des jeunes et des adolescents, la faible qualité de l’offre-formation, la rupture des stocks, la faible participation de la société civile et du secteur privé, mais aussi l’insuffisance en matière législative et réglementaire et en matière de suivi-évaluation.

Dans ce cadre, l’adoption récente par le Parlement de la Loi sur la Santé de la Reproduction (SR) a été considérée comme une avancée non négligeable dans l’atteinte des objectifs. Le décret d’application de la loi serait actuellement sur la table du conseiller juridique du ministre de la Santé.

L’autre défi est lié à la mentalité des utilisatrices qui privilégient la pilule, méthode contraceptive la plus utilisée en Mauritanie (60% d’utilisatrices), au détriment des méthodes de longue durée comme les implants, les sous-cutanés, le DIU ou encore plus récemment le DIU Post-parten qui a connu une première phase de formation de formateurs en fin 2016 et dont la deuxième phase prévue à partir de février 2018 doit se poursuivre par la formation de prestataires dans toutes les régions du pays.

L’imam Hademine, un des guides religieux les plus impliqués dans les questions de santé et population a mis l’accent sur la faible absorption des fonds. «Notre problème, c’est que beaucoup de financement retourne aux bailleurs faute de capacité d’absorption, nous devons diagnostiquer ce problème » a-t-il déclaré.

Pour relever tous ces défis, le Plan d’action a prévu une batterie de stratégies dont certaines ont été mises en œuvre et d’autres en cours de réalisation, notamment en matière de mobilisation de ressources, de formations de formateurs, d’agents de santé communautaires, de personnels de santé et de religieux, l’implication des hommes, des jeunes et des adolescents avec des campagnes de sensibilisation à coups de messages, l’intensification de campagnes via des supports médias et des réseaux sociaux à l’endroit de la jeunesse, le renforcement des structures de santé et les équipements, la disponibilité des produits contraceptifs sur l’ensemble du territoire avec des équipes mobiles pour les zones les plus enclavées, l’amélioration de la qualité des services de la PF, entre autres mesures préconisées.

Financement de la PF

Dans le cadre de la faible capacité d’absorption des fonds, phénomène plus ou moins général en Mauritanie et en particulier en matière de santé de la reproduction, il a été rappelé les 15 Millions d’UM de la ligne budgétaire qui était destinée en 2015 à la sécurisation des produits de la santé de la reproduction (SPSR) et qui n’ont pas été utilisés la 1ère année, poussant à son non renouvellement l’année suivante.

«Pour la 3ème année, le Ministère de la Santé a promis de doubler cette ligne pour la porter à 30 millions et on compte sur la loi de finance rectificative» a mentionné Dr.Mohamed Lemine.

Il a souligné que la Mauritanie a aussi bénéficié de financements multilatéraux, comme ceux de l’USAID qui avait promis 10 millions de dollars U.S, mais seul 1 million a été versé jusque-là. Il a aussi mentionné les 10 millions de dollars du Fonds d’incitation de l’OMS que la Mauritanie devrait recevoir.

Le Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) reste ainsi le principal partenaire technique stratégique de la Mauritanie en matière de santé et de population. Il a depuis de longues années été le principal fournisseur du pays en produits contraceptifs dont la gratuité était assurée. Il continue à fournir son assistance en matière de santé de la reproduction et dans les domaines relevant de son mandat.

La Mauritanie peine cependant à accéder aux fonds prévus dans le cadre de l’Initiative FP 2020, «eu égard à la lourdeur des procédures » a encore indiqué Dr.Mohamed Lemine qui a toutefois lié la faiblesse des fonds internationaux reçus par la Mauritanie en matière de PF (environ 2,2 millions de dollars) au faible engagement politique sur le plan national.

Grogne de la société civile

En tant qu’ONG leader en matière de PF/SR en Mauritanie, l’Association mauritanienne pour la promotion de la famille (AMPF) par la voix de Yacoub Ould Ebnou, directeur de programme et expert en SR/PF a déploré la non-réalimentation des 15 millions d’UM de la ligne budgétaire dégagée en 2015 dans le cadre de l’Opportunity Fund et qui étaient destinés à la Sécurisation des produits de la santé de la reproduction (SPSR).

«Pourtant, c’est grâce à un plaidoyer en deux phases que nous avons pu décrocher ce financement. Il concernait en premier lieu, la création d’une ligne budgétaire pour la SPSR et en second lieu, le maintien de cette ligne sinon son augmentation » a-t-il déclaré. Et de poursuivre, «nous avons pu obtenir une augmentation de 33% mais la ligne budgétaire n’a jamais été réalimentée. Allez savoir pourquoi ! »

Pour Yacoub Ould Ebnou, l’absence de volonté politique est manifeste, «car en 2016, le budget de la PF n’a pas été absorbé, et en 2017, il a été tout simplement supprimé». Il persiste et signe «l’engagement de l’Etat en matière de PF est faible, bien que le discours du président de la République à Néma sur les méfaits de la fécondité incontrôlée ait pu servir de déclic.

Il y a certes une volonté dans l’accélération des ODD sur la santé de la reproduction, mais il manque les actes».
Il reconnaît cependant l’existence de progrès importants depuis l’existence du Projet SWEDD (Autonomisation des femmes et dividende démographique au Sahel) mais jusque-là, selon lui, «il n’y a pas encore de choses concrètes».

Le directeur des programmes au sein de l’AMPF considère que la société civile mauritanienne n’est tout simplement pas impliquée en matière de SR/PF. «Nous à l’AMPF, nous n’avons jamais reçu le moindre financement ni de l’Etat ni du partenaire d’exécution qu’est l’UNFPA» a-t-il précisé.

Par rapport à l’accélération de la PF, Yacoub Ould Ebnou qui s’exprimait sous le contrôle de son patron, Brahim Ould Ahmedou, Directeur Exécutif de l’AMPF, a déclaré que «la Mauritanie est encore loin des indicateurs, avec un taux de prévalence contraceptive de 11% (chiffre de 2013 : Ndlr)».

Parmi les solutions préconisées par l’AMPF pour booster le taux de prévalence contraceptif, le «Task Chifting» qui consiste en une délégation des tâches en matière de PF à des agents communautaires de base dûment formés pour suppléer le manque de personnel de santé dans tous les centres et postes de santé du pays.

A noter que l’AMPF, membre de l’IPPF (International Planned Parenthood Federation), a été créée en 1988. Sa présidente fondatrice est l’ancienne ministre des Affaires sociales, Marième Mint Ahmed Aïcha.

L’association a créé 2 cliniques de planning familial qui offrent tous les services de maternité (counceling SR/PF, offre de services PF, visites pré et post-natales, accouchement avec césarienne et évacuation par ambulance en cas de complication), un package à un prix de 10.000 UM soit environ 30 dollars U.S. L’AMPF forme également sur place ou à l’étranger en matière de SR et de PF. Elle possède aussi des structures permanentes à Kiffa, Rosso, Kaédi et Nouadhibou, en plus de Nouakchott.

Cheikh Aïdara



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