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15-11-2017

22:30

Opposition nationale: nécessité d’une vision claire et d’approches nouvelles aussi

Dr Sidi El Moctar TALEB HAMME - Depuis la clôture du dossier du référendum du 05 Août dernier, les médias et les réseaux sociaux ne cessent de nous livrer des articles et des posting dont les auteurs se demandent où va l’opposition et où veulent ses leaders mener la Mauritanie.

Au lieu d’apporter une réponse explicite à de tels questionnements, ces diverses sources d’information se sont plutôt adonnées à un rappel historique du comportement de l’opposition et dans quelle mesure les Mauritaniens en ont marre et agacés.

A ce sujet, on évoque d’abord la question de la division de l’opposition. On retient surtout ce qui s’est passé en 2005 quand une partie de l’opposition a qualifié le coup d’Etat sur Maaouiya de "mouvement de rectification".

Aujourd’hui, il existe aussi sur l’échiquier politique une opposition radicale scindée en FNDU et RFD et une autre modérée et apparemment solidaire, sinon plus ou moins homogène.

Une autre source de mécontentement des populations, en constitue la politique de la chaise vide ou le boycott des dialogues proposés, des élections municipales et législatives en 2013, des présidentielles en 2014 et du Référendum du 05 Août dernier sur des changements constitutionnels. La participation d’un ou deux partis politiques à l’une ou l’autre de ces échéances a été plutôt vue comme une légitimation du processus mené par le pouvoir et les résultats de la participation avaient constitué, eux, une preuve de la faiblesse du camp d’opposition, en général.

A un moment de son parcours, notre opposition avait aussi fait recours, dans son combat, à des moyens antidémocratiques tel que l’appel à un soulèvement populaire sous le slogan "Arhel". Même si c’était la mode et la conjoncture très favorable (2010-2012), ça reste intolérable de la part d’une opposition, démocratique de par son statut et la raison de son institutionnalisation.

A propos, le choix de la voie pacifique empruntée ces dernières années, semble malheureusement déplaire à beaucoup de sympathisants de l’opposition et à certains irresponsables de ses leaders. Ces révoltés qui lèvent de plus en plus les voies pour inciter au recours à la force, ont-ils oublié l’échec de la tentative de suivre le modèle printanier arabe et ses conséquences qui continuent de tarauder les acteurs d’une telle tentative.

Dans ce rappel historique de la marche de l’opposition nationale, on nous fait savoir également que cette fameuse opposition a toujours misé sur un coup d’Etat militaire ou sur une situation exceptionnelle pouvant faire partir inopinément le pouvoir en place. Ce rêve a, dit-on, toujours constitué -et continue d’être- un axe inavoué de son programme.

Pourtant, seuls devraient normalement songer à ce genre de solutions antidémocratiques des opportunistes mus par l’espoir de voir, parmi ceux qui tiendraient les rennes du pouvoir, un proche parent, un ami ou une quelconque connaissance.

D’autre part, certains détails de la connexion entre des éléments de l’opposition radicale et les Sénateurs frondeurs, a fini par affaiblir cette opposition malgré la force des lobbies extérieurs impliqués et le large élan de solidarité dont ce dossier avait, à ses débuts, bénéficié auprès des populations, y dans les rangs de la majorité.

L’analyse des constats ci-dessus et de tout ce qui s’écrit dans la presse et se discute dans les salons, font voir les choses suivantes :

1)- les Mauritaniens semblent perdre la confiance en leur opposition et minimiser les chances d’une victoire aux élections présidentielles de 2019.

Pour eux, l’opposition n’a fait que rendre, par ses boycotts répétés des dialogues, des élections et du dernier Référendum, et par des manifestations dans la rue et des déclarations politiques à effets limités, d’énormes services au pouvoir. Refuser –en plus du dialogue, l’arbitrage du peuple à travers un référendum (constitutionnel ou non), est fatal et suicidaire. Cet acte ferait perdre à notre honorable opposition des soutiens internes et externes et -qu’on le veuille ou non- il est déjà comptabilisé au bénéfice du régime actuel.

2)- Jusqu’à présent, l’action individuelle et collective de la majorité des partis politiques, traduit, aux yeux des populations et d’observateurs avertis, des visées égoïstes. Il s’agit surtout de monnayer des positions contre des avantages et de laisser au hasard -et au temps- la question d’accès à la magistrature suprême et, au pouvoir et la société civile, la défense des intérêts du peuple.

3)- L’opposition nationale a grandement besoin de s’armer d’une vision claire et d’approches nouvelles aussi.

C’est dire que l’opposition nationale doit se ressaisir et se mobiliser autour de programmes innovants et sous l’impulsion de nouveaux leaders capables d’opérer les changements nécessaires et de les mener jusqu’au bout.

A cet effet, il est primordial pour elle de faire le sien un programme consensuel axé d’abord, sur les vrais problèmes des différentes composantes de la population mauritanienne et ensuite, sur des solutions réalistes par rapport à des vérités historiques du pays dont sa diversité socioculturelle, aux opportunités présentes et potentielles de développement qu’il possède et enfin, aux défis auxquels fait face notre pays comme c’est d’ailleurs le cas des autres pays en développement. Dans la pratique, elle doit prendre en main les souffrances des populations et leurs vraies préoccupations pour en faire un axe de sa stratégie et des actions mises au cœur de son plan de travail quotidien.

Nul doute que dans son combat, les problèmes de vie des populations ont souvent été ignorées ou minimisées par rapport à l’effort de critiques fourni à l’endroit de l’Exécutif, du Judiciaire, de l’Administration publique et du parti-Etat. Ce sont là des manœuvres politiciennes pures, destinées à nuire au système de façon générale et à des personnes sur lesquelles le Président de la République place sa confiance et compte énormément pour atteindre ses objectifs politiques et économiques.

Dans le cadre de ses nouvelles approches, l’opposition devra rompre avec la politique du boycott et de mise de leur confiance en l’appui extérieur. Il est plutôt de son intérêt d’essayer, à travers une forte participation, d’influencer le processus démocratique de l’intérieur, notamment en ce qui concerne les réformes constitutionnelles, la composition et la qualité de la CENI et du Conseil constitutionnel, les listes électorales, la loi électorale, les observateurs étrangers, le financement des partis politiques et des campagnes présidentielles, etc.

En somme, il s’agit pour l’opposition de ne plus compter sur l’extérieur dans son entreprise et de n’user, désormais, dans la recherche de solutions à tout problème national que conformément à la mentalité mauritanienne et selon les voies démocratiques internationalement reconnues.

N’est-ce pas qu’il sera trop difficile, voire impossible pour Notre opposition de se métamorphiser, dans le sens des réformes sus proposées, avant 2019 ?

Dr Sidi El Moctar TALEB HAMME



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