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03-01-2018

05:00

L’ouguiya, ni évaluation ni dévaluation, dites-vous

Les Mauritanies - Pour le moins, la Banque Centrale de Mauritanie a surpris plus d’un. L’annonce du passage de l’Ouguiya de la base 10 à la base 1 (et non l’inverse) ne change théoriquement rien à la valeur de cette monnaie symbole d’une unité nationale tout aussi hypothétique.

La même quantité de monnaie est toujours requise (du moins en théorie) pour acheter des devises, s’approprier un bien de consommation ou s’offrir un service. Ce changement réduit par ailleurs le volume de la monnaie fiduciaire, donnant à la Banque Centrale l’occasion de d’économiser sur des coûts de gestion élevés de la fiduciaire.

Il ne s’agit donc ni d’une dévaluation, encore moins d’une évaluation, nous affirme-t-on. il serait hasardeux cependant de limiter le passage de l’ancienne à la nouvelle Ouguiya à ses conséquences financières neutres.

Il y a tout un pan qu’il ne faut pas minorer. Il s’agit de l’aspect psychologique des agents économiques, de l’Etat et de ses démembrements, en passant par les opérateurs économiques et les ménages.

La perception de ces changements auprès de ces acteurs du marché est aussi importante que le changement lui-même. Qu’on s’arrête donc sur les commentaires dans les réseaux sociaux et la presse.

Il y a une foultitude de questions sans réponses pour le moment. Beaucoup d’internautes estiment que c’est une dévaluation qui ne dit pas son nom. La célèbre formule de la comédienne française Anne Roumanoff, disant l’on nous cache des choses, est le sentiment le plus partagé dans les cafés et les gares routières.

Sachant que la valeur de la monnaie, expression d’un certain nombre de facteurs mesurables, repose aussi sur la confiance (Fiducia), il est certain que ces petites rumeurs et croyances ne seront pas sans conséquences dans les échanges.

On l’a vu en France lors du passage du Franc à l’euro, les prix ont augmenté. Dans le cas mauritanien, le gouvernement devrait veiller à ce que d’aucuns ne profitent du changement, pour augmenter les denrées de base et, par delà, provoquer une inflation non contrôlée. L’inquiétude peut provoquer une ruée vers l’achat des devises, assécher celles-ci et conduire à une dépréciation réelle.

En clair, la vraie dévaluation ne viendrait pas du split de la monnaie en lui même, mais de l’appréciation de cette mesure technique par les agents économiques. Seule une campagne de communication appropriée et à propos fera admettre aux mauritaniens que rien n’a changé. Seule une surveillance stricte du marché d change serait à même d’empêcher les spéculateurs de profiter de l’aubaine.

En attendant, cet évènement, intervenant à la lisière de l’année nouvelle, clôt une année 2017 riche en polémiques.

Du référendum constitutionnel et de l’adaptation des nouveaux symboles de la nation sous fond de polémique sur la vraie, fausse ou fantasmée résistance coloniale, les mauritaniens ont vu se déployer un flot d’arguments dans des médias en souffrance et un espace public pris en otage par un islamisme décomplexé, de plus en plus radical comme on l’a vu dans le cas du malheureux Mekheitir, du nom de ce jeune forgeron promu au bûcher pour avoir blasphamé.

Dans ce contexte de tensions politiques et sociales, il sied de rappeler que deux échéances capitales attendent les mauritaniens en 2018. Il y a d’abord les municipales et législatives en 2018 et les présidentielles en 2019.

Au delà de ces échéances et tout comme le cours de l’Ouguiya, les mauritaniens se demandent quelle est la nouvelle valeur de leur constitution. Permet-elle oui ou nom à un président confronté à une opposition faible et divisée de se représenter pour un troisième mandat?

C’est clair, les mauritaniens et leur réputation surfaite de poètes y regarderont à deux fois dans leur poche, à la recherche d’un miraculeux billet des ouguiyas nouveaux, avant de voter oui ou non à ce qui ne serait qu’une énième désillusion démocratique d’un pays en transition depuis le 10 juillet 1978.

Par Dia El Hadj Ibrahima



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