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13-03-2018

19:45

L’édito de MFO : refonder l’État mauritanien dans une atmosphère d’oppositions internes

Initiatives News - Quand le 3 mai 2016, le Président de la République annonçait depuis Néma son intention d’engager de fortes réformes visant à refonder l’Etat mauritanien, il ne pensait sans doute pas que les plus fortes résistances à son projet viendraient de l’intérieur de son régime.

Des oppositions ouvertes comme celle déclarée du groupe des sénateurs ayant fini par récuser la réforme constitutionnelle. Il faut dire que cette réforme annoncée solennellement ce 3 mai 2016 n’allait voir le jour que le 5 août 2017 avec le référendum constitutionnel. C’est que de l’eau a coulé sous les ponts entre l’annonce et l’organisation du scrutin.

Il y eut d’abord le conflit ouvert par certains membres du gouvernement avec les sénateurs traités par eux de tous les noms d’oiseaux. Maladresse qui sera à l’origine de la grogne des frondeurs. Entrainant aussi quelques frictions avec le parti.

Conflit ensuite entre le Premier ministre et son prédécesseur devenu ministre secrétaire général de la présidence chargé du dialogue avec l’opposition et président, à cet effet, de la commission chargée de l’application des résultats de ce dialogue. Ce conflit allait prendre l’aspect d’une concurrence directe et franche entre les deux hommes, l’un s’évertuant à faire trébucher l’autre.

Expression publique de cette situation : quand le Premier ministre a invité les parlementaires à diner pour leur annoncer le choix de faire passer les réformes devant les deux Chambres, alors que la Commission habilitée à prendre la décision devait se réunir 24 heures plus tard.

Première effet : exacerbation des ressentiments au sein du Sénat et radicalisation des positions. Deuxième effet : révélation au grand jour des dissensions au sein de la Majorité, ce qui va donner du courage à tous ceux qui ont des velléités de prise de position autonome.

Oppositions nées de maladresses cumulées – découlant d’une volonté expresse ou d’une incompétence notoire – et qui se sont exprimées par de nouveaux déchirements au sein de la Majorité suite notamment aux interférences dans le jeu politique de la part de l’Exécutif qui entendait faire main basse sur tous les aspects de la vie publique.

C’est l’épisode de la campagne référendaire ouverte avant terme par le Premier ministre qui a réussi à prendre les lieux et place de l’Union pour la République (UPR) et de son président.

C’est lui qui dirige la campagne et oriente le déroulement du scrutin. C’est ce qui explique le passage à vide constaté et qui a failli dénuer toute légitimité à l’opération.

Tout est bien qui finit bien, pourrait conclure le Président Mohamed Ould Abdel Aziz. Et tant mieux. La Mauritanie a un nouveau drapeau frappé des bandes rouges pour consacrer ceux qui sont tombés sur le champ de bataille en défendant le pays.

La Mauritanie a son hymne national plus guerrier, plus enthousiaste, plus fulgurant que le premier. La Mauritanie a une nouvelle base de son unité monétaire qui en fait presque une nouvelle monnaie.

La Mauritanie s’apprête à vivre un moment historique qui est celui de la fin du deuxième mandat présidentielle. Autant dire qu’une Mauritanie nouvelle est née. Au moins dans ses formes. Comment faire pour donner un contenu à ce renouveau, à cette renaissance plus tôt ?

Nous avons eu une période de régression après la quinzaine de la première fondation. La guerre du Sahara est venue interrompre l’élan avec comme premier effet, le coup d’État militaire du 10 juillet 1978.

L’instabilité, l’incohérence des politiques publiques, l’exercice d’autocrates infiniment prédateurs, l’institution de l’arbitraire comme mode de domination, de l’impunité comme mode de gouvernance… devaient donner des résultats catastrophiques pour le pays.

La régression généralisée devait se traduire par la faillite du système éducatif, la déconfiture de l’Appareil d’État, la déstructuration du tissu social, la corruption des esprits et des corps… Tout ce qui a fait la Mauritanie du 2 août 2005, celle contre laquelle des officiers de l’Armée ont décidé d’agir.

Douze ans après, l’Armée, remise à niveau, défend efficacement le pays. Les ouvertures politiques sont sans doute plus fortes et mieux défendues aujourd’hui…

Il y a plus de raisons d’espérer que de désespérer. La perspective d’un pays où l’alternance est rendu possible par le refus du Président au pouvoir de toucher à la Constitution pour s’arranger un mandat de plus, cette perspective est plus prometteuse que tous les gaz du monde, que tout l’or du monde, que tout le fer du monde, que tout le pétrole du monde…

Elle rapportera plus et mieux que toutes les autres ressources. Encore faut-il apprécier le moment et ses contours. Et savoir le mettre à profit pour donner un contenu aux refondations entamées. Cela vaut pour tous.

MFO (La Tribune N°746)



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