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23-04-2018

07:54

L'Armée mauritanienne : après la mutation structurelle, est-ce le défi générationnel?

Ely Ould Krombelé - On peut être l'ennemi du lièvre mais il faut au moins lui reconnaître sa rapidité,dit la sagesse africaine. C'est juste pour en venir à la prouesse de notre Armée nationale depuis environ une décennie. La grande muette pour en arriver là, est passée par trois étapes:

1/ de 1960-1978 : état embryonnaire dès l'indépendance,mal préparée pour la guerre du Sahara de décembre 1975.

Au début de 1978 le colonel Moustapha Ould Salek, alors chef d'Etat-major national mit sur pied le modèle " farim 78" ( nouvel équipement,nouvel armement léger, nouvelle stratégie)pour contre-carrer les attaques de plus en plus audacieuses, de plus en plus meurtrières du Polisario, avant d'opter pour la "solution finale", à savoir le coup d'Etat du 10 juillet de la même année qui déposa le père de la nation,maître Moktar Ould Daddah.

2/de 1980-2005: avec la courte période Haidalla (1980-1984) c'est le "service de Ould Denebja". Pas de réalisations grandioses,héritage maintenu, à noter cependant la création du SAK (secteur autonome de Kaédi), en Mars 1980.

Son successeur, le colonel Maawiya dont le pouvoir est synonyme d'immobilisme à la soviétique,mit l'Armée au placard, au moment où l'islamisme radical s'en échappait. L'homme a cédé à la mélodie de quelques nationalismes pour rebuter d'autres qui "menaçaient" son pouvoir.

Du temps de Maawaya, l'on pouvait voir les fesses de chaque soldat à travers sa tenue raccommodée. Heureusement que la sulfureuse revue américaine "Play-boy" n'a pu se "servir" gratuitement de clichés prisés par ses lecteurs.

3/ de 2005-2018,Hormis la courte période du cmjd et cette fois sous l'autorité débonnaire du président de la république Mohamed Ould Abdel Aziz, chef suprême des Forces Armées, depuis 2008,et avec le concours de son alter ego le général de division Mohamed Ould Ghazwani, chef d'état-major des Armées,la grande muette a subi une mutation structurelle qui lui a permis de se hisser au diapason des armées redoutables au niveau continental.

Le récent classement de Global Fire Power des puissances militaires de 2018,mettant la Mauritanie à la 129ème place derrière le Mali et le Niger, n'est que théorie mensongère.

Que ce soit sa doctrine d'emploi, ou le choix de son redéploiement technique et tactique sur le terrain ou pour traquer l'ennemi; que ce soit l'adaptabilité de son armement terrestre, maritime et surtout aérien, à la menace d'où qu'elle vienne, de sa vision géopolitique à courts ou longs termes, notre Armée est désormais respectable.

Pour la première fois de son histoire au lieu de subir faute de moyens et de combativité, elle inflige, tout en conservant le monopole de l'initiative dans la sous-région. Ce constat émane d'une volonté politique d'abord avant de se concrétiser en réalité militaire, grâce à la témérité du tandem Aziz-Ghazwani.

Si l'on échafaude depuis la période du géographe-historien Hérodote que l'"Egypte est un don du Nil", de nos jours,il n'est point prétentieux d'affirmer que l'Armée mauritanienne demeure pour l'instant le seul rempart à la désintégration du pays.Je reviens d'un voyage au Mali.

De Nouakchott à Aioun El Atrouss et de Kobéni à Gogui Zemal, je pouvais rouler,m'arrêter dormir en toute sécurité. Mais à partir de la frontière mauritano-malienne jusqu'au delà de la ville malienne de Djema, sur l'axe Nioro-Bamako, il faut égrainer son chapelet et commencer ses prières...

Car les bandits sur motos,les djihadistes, les terroristes peuvent surgir à chaque instant. Une situation déplorable pour un peuple tolérant et attachant. Normal avec une armée en déconfiture, des politiciens véreux, il eût fallu l'intervention de soldats français, des Nations-Unies pour éviter la disparition du Mali.

Faut-il souhaiter le même scénario à notre Mauritanie? Impossible tactiquement et techniquement car le logiciel sécuritaire mis en place par le chef suprême des Forces Armées et l'état-major national est tout à fait adapté pour endiguer la menace aussi bien asymétrique que conventionnelle.

Le défi générationnel

On parle cette année du départ à la retraite des deux généraux de division à la tête de l'état-major,à savoir Mohamed Ould Ghazwani et Hanané Ould Sidi, l'adjoint au chef.Sans oublier également le départ à la retraite du chef de corps de la gendarmerie le général de division Sultane Ould Souad.

Si cela se confirme surtout au niveau de l'Armée le remplacement de Ghazwani qui a donné à cette institution la place qui lui sied, serait un casse-tête pour le président Mohamed Abdel Aziz. Certes nul n'est irremplaçable, mais rares sont les hommes consensuels qui remplissent leur mission avec la satisfaction unanime de tous les esprits critiques et surtout de critique.

Alors si Ghazwani doit quitter l'état-major ,qui pour le remplacer? Et surtout où peut-il aller? Car en Mauritanie la fonction de chef d'état-major des forces armées est aussi politique.

Un chef d'état-major fait aussi du social. Rares sont les soldats,sous-officiers ou officiers qui n'ont pas pris goût à l'altruisme du général Ghazwani en cas de nécessité. Un commandement qui fait du social absorbe les velléités, les rancunes, les injustices latentes,les précarités, crée l'empathie, et surtout la motivation de servir au niveau de son institution.

Certes l'Armée comprend de jeunes officiers généraux et supérieurs capables de relever le défi qui se veut d'abord sécuritaire. Mais il faut être prudent et éviter que les pièces de rechange ne soient que de "fabrication chinoise",et les galons en paillettes.

Alors qui pour remplacer le général Ghazwani (s'il devrait partir sûrement pour servir ailleurs) ?

Les milieux militaires(encore eux) parlent souvent du général Dah El Mamy directeur de la Douane,du directeur de la Marine Isselkou et surtout du général Mohamed Ould Meguett actuel directeur de la sûreté. Dans tous les cas de figure,un bon adjoint au chef est indispensable.

Les mêmes sources avancent les noms du général Bourour (s'il ne doit pas partir à la sûreté),du général Moktar Ould Bollé du Gssr, sans oublier le général d'aviation Mohamed Ould Hreitani. Les dernières nominations de généraux complètent la liste de jeunes officiers compétents, donc légitimement aspirant à d'autres postes de haute responsabilité.

Ainsi le très respectueux chef du B4 pourrait remplacer l'actuel directeur du matériel qui semble avoir été recruté pour ce poste.Certes c'est en forgeant qu'on devient forgeron,mais il faut laisser aux jeunes l'occasion d'exercer leurs talents.

Force est de reconnaître que la réalisation de ce chimérique mouvement dépend de la seule vision du chef des Forces Armées et de sécurité, le président Mohamed Ould Abdel Aziz. Une chose est indéniable: le rôle que peut,que doit jouer l'Armée mauritanienne dans les cinquante années à venir.

Car la situation géopolitique du pays lui confère une lecture toute particulière, de par sa position géographique, son immensité territoriale, son contexte socio-culturel. A cet effet, notre Armée est soumise à l'impératif catégorique du "tu dois donc tu peux"./.

Ely Ould Krombelé, Paris, France



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