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06-06-2018

06:29

Lettre ouverte au Président de la République

CALESMS - Au Guidimagha (Mauritanie), dans la localité de Dafort, des descendants d’esclaves soninkés sont menacés de dépossession de terres qu’ils cultivent depuis plusieurs générations.

Cette tentative de dépossession des « maitres » est, entre autres, une réponse à l’activisme de ces descendants d’esclaves dans les mouvements récents de lutte contre l’esclavage comme Gambanaxu. Les anciens maitres ont occupé les terres. Les descendants d’esclaves ont porté plainte. L’Affaire est pendante au tribunal de Sélibabi.

Au-delà de cette saisine de la justice, le premier concerné par cette affaire, la première institution interpellée, c’est l’Agence Tadamoun chargée de la lutte contre la pauvreté et les séquelles de l’esclavage. Tadamoun passe, encore une fois, à côté de sa raison d’être.

Tadamoun et le président de son conseil d’Administration, Camara Moussa Seydi Boubou. Monsieur Moussa Seydi Boubou qui est de la famille des auteurs de cette tentatives de dépossessions, de cette « cooptation esclavagiste d’héritage.» Comment peut-on confier la présidence du Conseil d’Administration d’une agence supposée lutter contre « les séquelles de l’esclavage » à une personne qui a des liens avérés avec des lobbies esclavagistes et féodaux ? Cette affaire est pendante devant la justice.

Le fait que M. Camara, président du conseil d’administration de Tadamoun, ne soit pas capable d’intervenir dans cette affaire basée sur des revendications féodales dans laquelle son propre oncle maternelle est engagé, démontre le degré d’insouciance que cette personne éprouve pour la cause que son agence est censée défendre.

A cet effet , nous venons par cette lettre attirer l’attention des pouvoirs publics sur cette entorse inacceptable qui confie la destinée des anciens esclaves à des personnes qui continuent de faire l’apologie et défendre ouvertement l’ordre féodal. Dans l’intérêt supérieur de la paix et de la concorde nationale, notamment au Guidimakha, la présidence du conseil d’administration de Tadamoun doit être confiée à des personnes qui ont des convictions autres que « un esclave n’a pas droit à la propriété foncière.»

Par conséquent, le collectif des associations de lutte contre l’esclavage en milieu Soninké demande au président de la République, Son Excellence Mohamed Ould Abdel Aziz de bien vouloir démettre Monsieur Camara de cette fonction hautement stratégique sensible.

Par ailleurs, nous rappelons que « la lutte contre les séquelles de l’esclavage » doit bénéficier à tous les groupes affectés par ce fléau qui existe au sein de toutes les communautés Mauritanienne à savoir les maures, les Halpulaar, les Soninkés et les Wolofs. Pour que cette lutte soit efficace, les pouvoirs publics doivent s’assurer que toutes les personnes qui continuent de souffrir des conséquences néfastes de cette pratique sont prises en charge par ce programme.

Pour rappel, le gouvernement Mauritanien a créé en 2013, l’Agence Tadamoun chargée de « répondre à un impératif de développement relatif à l’amélioration des conditions de vie d’une certaine population victime d’une parenthèse historique, dont les retombées économiques et sociales étaient désastreuses… ». La mission de l’agence TADAMOUN s’articule essentiellement autour de trois composantes :

• La Lutte contre les Séquelles de l’Esclavage,

• L’insertion des rapatriés mauritaniens du Sénégal

• Et la Lutte contre la pauvreté.

En réalité la création de cette agence répondait aux recommandations de la feuille de route sur l’esclavage visant à mettre en place un mécanisme qui permet aux personnes victimes de l’esclavages de bénéficier des services sociaux fondamentaux ainsi que d’un accompagnement technique et financier leur permettant d’assoir leur indépendance économique.

Malgré le manque de clarté dans la mise en œuvre de ce programme, nous nous sommes félicités de la mise en place de l’agence et reconnaissons qu’à ce jour plusieurs réalisations ont été effectuées.

Cependant, nous sommes au regret de constater que la question de la lutte contre l’esclavage qui devait être la priorité de cette agence a été reléguée au second plan au profit d’autres agendas.

Malgré les explications que nous avons reçues de la part des pouvoirs publics, certains signaux au sein du management de cette institution sont loin de nous rassurer.

Baliou Coulibaly

Le Coordonnateur du Collectif des Associations de Lutte contre l’Esclavage et ses Séquelles en Milieu Soninké

Tel : 46455504





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