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14-06-2018

09:11

Burundi : la communauté internationale salue la décision de Pierre Nkurunziza mais reste prudente

Jeune Afrique - Après trois ans de crise politique et alors que le dialogue interburundais est dans l'impasse, la communauté internationale salue la déclaration de Pierre Nkurunziza - qui a affirmé que son mandat prendrait fin en 2020 et qu'il soutiendrait le président qui sera élu - mais dit attendre des actes concrets.

Il y a eu la Belgique, puis l’Union européenne, il y a désormais les États-Unis. La porte-parole du département d’État américain, Heather Nauert, a salué mardi dans un communiqué "la récente décision du président Nkurunziza de ne pas se représenter pour un quatrième mandat."

« Nous appelons le gouvernement du Burundi à prendre des mesures transparentes pour améliorer la gouvernance, le respect des droits de l’homme et la liberté de la presse », ajoute le document.

Pierre Nkurunziza, qui a assuré jeudi 7 juin que son mandat s’achèvera en 2020 et qu’il soutiendra le président qui sera élu, laissant sous-entendre qu’il ne briguerait pas de nouveau mandat, n’a pas seulement pris de court l’opposition.

Il a également surpris la communauté internationale, un diplomate présent a Bujumbura concédant que « le sentiment de surprise était général ». L’annonce du chef de l’État intervient dans un contexte bien particulier pour la diplomatie burundaise.

Isolé depuis 2015 et l’élection de Pierre Nkurunziza pour un troisième mandat contraire à la Constitution de 2005 alors en vigueur, le gouvernement burundais était ces dernières semaines soumis à la pression de la communauté internationale. Le référendum, pour lequel aucune mission d’observation n’avait été dépêchée, avait notamment été critiqué par l’Union européenne et les États-Unis qui avaient mis en avant « un climat d’intimidation et de répression » lors de la campagne.

Le lendemain du vote sur la modification de la Constitution, le Comesa avait annoncé la relocalisation de son sommet prévu à Bujumbura début juin après de multiples reports. Le secrétaire général du Marché commun de l’Afrique orientale et australe avait alors invoqué « des circonstances imprévues ».

Après le discours du 7 juin lors de la cérémonie de promulgation de la nouvelle Constitution, la prudence est donc de mise chez les diplomates. « On ne peut que le croire sur parole pour l’instant, nous n’avons pas d’autre choix que d’encourager cette annonce pour faire en sorte qu’elle soit suivie d’actes. L’objectif désormais c’est 2020 avec la perspective, on l’espère, d’une réelle ouverture de l’espace politique. Mais ça représente un vrai défi et on est tous conscients qu’avec cette nouvelle Constitution ça sera encore plus difficile. Mais il est clair que son discours lui donne un peu d’air sur la scène internationale », admet un diplomate européen présent sur place.

Dialogue enterré de facto

Quelques heures après l’annonce surprise de Pierre Nkurunziza, la Belgique avait réagi dans ce sens par le biais d’un communiqué du ministère des Affaires étrangères.

"La Belgique espère que les autorités burundaises pourront désormais s’atteler à l’ouverture de l’espace public et démocratique qui est indispensable en vue des élections de 2020″, explique le texte, qui ajoute que le pays « plaide par conséquent pour la reprise du dialogue inclusif, sous l’égide de la région et dans l’esprit des accords d’Arusha. »

Mais pour le Cnared plateforme d’opposition en exil, le dialogue interburundais, au point mort depuis plusieurs mois, est de facto enterré par le référendum du 17 mai.

« Il n’a jamais dit qu’il ne sera pas candidat en 2020. Il a dit qu’il soutiendra un président élu. Donc, il a bien voulu entretenir un doute. Je trouve que les chancelleries devraient rester prudentes sauf si c’est une méthode de le pousser à la sortie. Ce qui serait aussi une bonne stratégie mais qu’elles ne soient pas étonnées si il fait le contraire de ce qu’elles pensent avoir dit », avertit également Aimé Magera, porte-parole de l’opposant Agathon Rwasa.

« Le président a simplement rappelé qu’il tiendrait la parole qu’il avait donné en 2015 », estime Alain Diomède Nzeyimana, porte-parole adjoint de Pierre Nkurunziza.

« Certes c’est bien le parti qui aura le dernier mot, mais si son nom venait à être évoqué en 2020, je pense que le président se chargera de convaincre le parti que ce n’est pas à lui d’y aller », a-t-il ajouté pour répondre aux interrogations d’une l’opposition qui se dit « sceptique » et a unanimement dénoncé un discours qu’elle qualifie d’ambiguë.

Par Romain Gras





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