Cridem

Lancer l'impression
26-06-2018

13:10

Les aide-ménagères mauritaniennes en Arabie Saoudite subissent le harcèlement et l'esclavage

Arab Trade Union - L’histoire de Salikah Binet Sayadati, une dame trentenaire, a commencé d’un quartier situé dans la ville de Nouadhibou (une ville côtière au nord de la Mauritanie).

Après un divorce qui lui a changé la vie (un mari qui est parti en lui laissant la charge de cinq enfants) et le décès de sa mère, Salikah a commencé à chercher un travail pour pouvoir subvenir aux besoins de sa famille.

Les sociétés chinoises de pêche représentaient son premier recours sauf que le travail dur que ces sociétés exigeaient et les sévères conditions métrologiques l’ont amenée à chercher un meilleur poste.

Salikah raconte : « J’ai été contactée par une dame qui occupe le poste de présidente au sein d’une organisation de défense des droits humains qui m’a indiqué qu’il existait des opportunités de travail en Arabie Saoudite tout en m’affirmant que des personnes, que je ne connaissais pas, allaient m’aider à améliorer mon niveau de vie et que je serai payée à raison de mille riyals. La dame en question m’a aidée dans l’obtention de mon passeport et m’a déposée à l’agence, après avoir fini toutes les procédures recommandées dont un contrat stipulant que je serai aide-ménagère en Arabie Saoudite. Le contrat stipulait que je serai juste appelée à accomplir des travaux domestiques de nettoyage et que je bénéficierai d’une chambre décente. La réalité a été toute autre… Je me suis retrouvée dans une immense villa où je devais travailler toute la journée sans avoir une chambre à coucher. »

Ces conditions suspectes ont semé le doute dans le cœur de Salikah qui a quand-même continué à travailler pour pouvoir subvenir aux besoins de ses enfants jusqu’à ce qu’elle devienne victime d’harcèlement sexuel. Ayant peur de la suite de l’aventure, l’intéressée a appelé la dame de l’agence pour l’informer de sa mauvaise situation. Un appel à l’aide qui a été reçu par une réponse au dessous des attentes et la situation a empiré lorsque l’employeur a déchiré le contrat du travail et a informé la travailleuse que l’agence qui l’a recrutée l’a tout simplement arnaquée.

Après que la travailleuse ait insisté pour quitter la maison, son employeur lui a envoyé l’un de ses collaborateurs, propriétaire d’une agence, qui l’a, à son tour, envoyée à une autre agence où Salikah a été encore plus choquée : « Je suis arrivée à un immeuble où, en voyant le bureau, j’ai compris tout de suite qu’il s’agit d’une opération de traite des êtres humains. Cela m’a été confirmé par la deuxième personne qui m’a conduite à mon deuxième travail où ils m’ont obligée à faire des travaux forcés que j’ai immédiatement rejetés. A ce moment là, j’ai été séquestrée dans une chambre ce qui m’a amenée à contacter des activistes mauritaniens pour leur raconter ma situation avant de saisir la première opportunité pour m’enfuir au siège de l’ambassade mauritanienne où j’ai rencontré un autre groupe de victimes. »

L’histoire de Salkah est un peu différente de celle de Karmi Bint Doudou, 34 ans, qui a été emprisonnée pour avoir refusé d’obéir à ceux qui disent avoir payé d’importantes sommes d’argent pour la faire venir de Mauritanie en tant qu’aide-ménagère.

Karmi raconte : « On m’a promis de me faire visiter les lieux sacrés pour que je puisse faire le pèlerinage tout en m’assurant que les heures de travail ne dépasseraient pas les quatre heures par jour avec un congé tous les quinze jours et avec un salaire décent qui me permettrait de subvenir aux besoins de mes enfants dont je suis en charge complète. J’ai complété toutes les procédures au cours du mois de Ramadan de 2015 et je suis partie vers le Royaume accompagnée par douze dames, des aide-ménagères aussi. A mon arrivée, j’ai été heurtée par une toute autre réalité où le traitement était médiocre et le travail dur et sans fin. Un jour, j’étais tombée malade et je n’ai pu bénéficier d’aucun traitement médical de la part de mon employeur qui me demandait de continuer à travailler malgré mon état de santé. »

Plus tard, Karmi et d’autres travailleuses ont été sujettes de poursuites judiciaires pour ne pas avoir honoré leur travail correctement et elles ont dû payer tous les frais qui ont été dépensés pour les faire venir au Royaume. Cet incident a confirmé, chez elles, la traite dont elles ont été victimes ce qui les a amenées à réclamer de rentrer en Mauritanie. A ce moment là, le Tribunal du Riyad a ordonné qu’elles soient relâchées et remboursées pour pouvoir rentrer en Mauritanie.

Des travailleuses à mille riyals :

Samurai Oueld Bi, vice-président de la commission des sages de la Charte des Haratins (une initiative qui défend les droits des esclaves affranchis en Mauritanie), a déclaré posséder des éléments qui prouvent que les femmes des Haratins sont vendues à l’Arabie Saoudite à mille riyals affirmant que les autorités mauritaniennes sont complices de l’opération. Et d’ajouter, au cours d’une conférence de presse tenue le 28 avril dernier, que la complicité du gouvernement dans la traite des femmes des Haratins est prouvée s’étonnant du silence de l’ambassade mauritanienne en Arabie Saoudite qui refuse d’accueillir les travailleuses qui fuient leurs employeurs.

Samurai Oueld Bi a indiqué que les femmes de Haratins sont victimes de harcèlement sexuel et vivent l’enfer au lieu du paradis qui leur est promis au début de l’aventure : au lieu d’être des travailleuses ordinaires, les Mauritaniennes vivent l’esclavage en Arabie Saoudite

L’activiste au sein de la société civile et coordinateur de l’Initiative populaire de lutte contre la violation des droits des femmes Haratins travaillant en Arabie Saoudite, Maâloum Oueld Oubek, a affirmé que l’Initiative a marqué d’importants progrès dans le soutien des victimes en Arabie Saoudite assurant qu’ils ont réussi à aider des femmes qui travaillaient 24h/24 si bien que le travail se transforme en travaux forcés et pénibles :

* Nettoyage de maisons et de villas.

* Lavage de vêtements.

* Vaisselle.

* Cuisine.

* Lavage de voitures

* Repassage.

* Assistance aux handicapés et aux personnes âgées.

* Servir les proches et la famille sans être rémunérée.

Oueld Oubek a assuré que le traitement inhumain auquel sont exposées les travailleuses mauritaniennes en Arabie Saoudite les oblige à fuir de peur de l’enfer qu’elles subissent où elles sont même accusées de vol et où elles sont victimes d’arnaque et de violations de leurs droits : l’Arabie Saoudite est devenue synonyme d’enfer pour les travailleuses mauritaniennes. L’intéressé a détaillé les représentations de cet enfer qui les a d’ailleurs amenés à fonder l’Initiative Populaire de Lutte contre les différentes formes de violation des droits des femmes Haratins travaillant en Arabie Saoudite telles que :

* La traite des aide-ménagères.

* L’exploitation.

* Les agressions physiques et sexuelles.

* La séquestration forcée sur les lieux du travail.

* Pas de congé ni de chambre à la disposition des travailleuses et une violation claire de l’intimité où les aide-ménagères n’ont même pas le droit d’utiliser le téléphone.

* Des salaires inexistants et certaines travailleuses sont même privées de nourriture et de soins médicaux alors qu’elles travaillent durant de longues heures et deviennent des otages des employeurs et des agences de recrutement.

* Esclavage clair à l’encontre des Mauritaniennes travaillant au Royaume.

* Des dépassements qui surviennent dans les maisons.

* La traite des travailleuses dans des conditions proches de l’esclavage.

* Toutes les mauvaises conditions où violence, humiliation et agression sont le quotidien des travailleuses.

Trois ans après la fondation de l’Initiative, de la réussite de ses actions (selon Oueld Oubek) et au vu de ce que subissent les travailleuses mauritaniennes en Arabie Saoudite, toute convention entre les deux pays doit être soumise à ces conditions :

* Sensibiliser les aide-ménagères à leurs droits et sur la façon dont elles peuvent avoir recours à la justice à travers la mise en place de programmes de sensibilisation pour les employeurs, les agences de recrutement et toutes les parties prenantes dans les deux pays pour qu’ils informent, à leur tour, de leur rôle dans la protection des droits des femmes travailleuses migrantes.

* Parallèlement à la formation professionnelle, des formations au profit des travailleuses mauritaniennes doivent être apportées par le ministère du Travail pour renforcer la sensibilisation des aide-ménagères au sujet de leurs droits et devoirs et pour que les parties concernées assument leur responsabilité dans leur protection et soutien aux travailleuses.

* Développer et soutenir le rôle des médias dans la sensibilisation à travers la diffusion de programmes qui mettent en évidence l’importance des droits et des devoirs en Arabie Saoudite.

* Sanctionner toutes les agences ayant violé les droits des travailleuses.

* Amender les lois pénales et disciplinaires relatives au recrutement des travailleuses et organiser des workshops avec la participation des victimes.

* Publier une copie du contrat type pour le recrutement des aide-ménagères afin de s’assurer qu’il répond aux normes internationales des droits humains et des droits du travail.

Convention de recrutement des aide-ménagères :

La Mauritanie et l’Arabie Saoudite ont convenu, fin avril 2018, d’un contrat de travail unifié pour le recrutement des travailleurs domestiques comprenant les articles suivants :

* Le recrutement des travailleurs domestiques doit passer par des bureaux ou des sociétés homologués dans les deux pays.

* Rapatrier les travailleurs domestiques s’ils ne respectent pas les conditions du contrat.

* Organiser et définir les frais de recrutement dans les deux pays.

* La convention a mis en garde les employeurs et les bureaux de recrutement dans les deux pays contre les prélèvements à titre de frais sur les salaires des travailleurs.

* Les parties signataires du contrat peuvent avoir recours aux autorités compétentes en cas de conflit conformément aux lois.

* Sanctionner tout bureau de recrutement qui enfreint les lois et les codes de recrutement.

* Faciliter l’exécution du contrat entre l’employé et l’employeur.

* Trouver un mécanisme pour aider les travailleurs domestiques à tout moment.

* Faciliter le processus de règlement des affaires relatives aux violations des clauses du contrat de travail et de tous les conflits au niveau des autorités compétentes.

* Les travailleurs doivent être formés au sein d’instituts ou de centres spécialisés dans les travaux domestiques et doivent être conscients des traditions du Royaume et de la nature des clauses du contrat. Les travailleurs doivent respecter tous les codes et toutes les traditions au cours de leur séjour en Arabie Saoudite.

* La Mauritanie s’engage à fournir les travailleurs formés dont a besoin le Royaume en prenant en considération les critères demandés et en contrôlant les critères des centres médicaux où des contrôles sont régulièrement faits. Les travailleurs ne doivent pas avoir de casier judiciaire.

En essayant de retenir ses larmes, Salikah s'est remémoré ses plus difficiles moments où elle a failli être vendue au souk loin de ses enfants ; son rêve de voyager et de travailler à l’étranger était bien loin. Pour Salikah, la pauvreté entre les siens est bien plus supportable que de risquer sa vie dans les jungles de l’esclavage moderne.





Les articles, commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité


 


Toute reprise d'article ou extrait d'article devra inclure une référence www.cridem.org