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09-09-2018

08:35

Boghé : Décryptage des scrutins du 1er septembre

Terroir Journal - Après une campagne électorale marquée par une morosité sans précédent, les électeurs du département de Boghé se sont rendus aux urnes ce samedi 1er septembre 2018 pour des consultations législatives, municipales et régionales.

28598 inscrits répartis dans 83 bureaux étaient appelés à choisir leurs députés sur les listes départementales et nationales (mixtes et femmes), leurs maires et leurs conseillers régionaux. En raison des enjeux de cette quintuple consultation, le taux de participation a été élevé comparé à celui du Référendum du 5 août 2017.

En fait, 21552 citoyens ont pu accomplir leur devoir civique soit un taux de 75,38%. Le nouveau fichier électoral étant disponible sur le site internet de la CENI, les électeurs n’ont pas tardé à retrouver leurs numéros et leurs bureaux. Pas moins de 14 listes étaient en compétition aux locales, ce qui a largement contribué au morcellement de l’électorat.

En effet, des partis peu ou pas connus du paysage politique tels que l’AND, Tamam, la CDN, le RD, le PDS et le PRP ont participé à la course totalisant 1225 voix dans la commune de Boghé soit un taux de 11,65% des suffrages. La campagne électorale a été marquée par une extrême morosité en raison, d’une part de la multitude des candidats, d’autre part du désintérêt des populations à la chose politique.

« Ils sont tous les mêmes ! » dit-on un peu partout. Ainsi, aucun candidat n’a pu drainer les foules en organisant une caravane ou un rassemblement grandiose. Face à ce désintérêt, les compétiteurs se sont vus obligés de faire des contacts de proximité dans les maisons, les marchés ou les lieux de travail.

L’autre grande particularité de ce scrutin, c’est le manque d’implication des acteurs politiques de l’UPR au pouvoir dans ce département. La campagne d’implantation des structures de base de ce parti et les chaudes empoignades verbales voire physiques qui ont émaillé la phase des investitures ont mis à nu les failles et les faiblesses de ce « géant au pied d’argile ».

En effet, les manœuvres politiciennes qui ont opposé « le camp des ministres » et celui des « généraux ou ex », ont accouché dans la douleur des listes candidates qui étaient loin de faire l’unanimité. Les mécontents n’ont pas tardé à réagir soit en se faisant investir par d’autres partis, notamment ceux de la majorité (UDP et PUD notamment), soit en se terrant chez eux jouant ainsi la carte de « mbede heen mi alaa heen ».

Ainsi, c’est une UPR en lambeaux qui est partie à la conquête des voix au moment où l’unité était plus que jamais nécessaire. Cette déchirure a largement profité aux forces adverses qui n’ont pas hésité à saisir cette opportunité pour tenter de prouver aux indécis que les gros poissons du Parti-Etat n’étaient point invincibles étant entendu que « chacun roule pour ses propres intérêts ». Les coalitions AJD-MR/Tewassoul, UFP/MPR/PLEJ, l’APP, Sawab, le PUD et l’UDP notamment se sont posés comme une alternative au changement dans des communes où des défis énormes sont à relever parmi lesquels l’accès à l’eau potable, la vétusté ou le manque d’infrastructures scolaires et sanitaires, l’insalubrité, les expropriations foncières, le chômage des jeunes, l’accès aux pièces d’état-civil. Le pouvoir en place et à travers lui les cadres du terroir sont rendus responsables de tous ces maux.

Parallèlement aux arguments et aux promesses électorales, les prétendants à la course n’ont pas hésité à faire appel aux liens de parenté ou de voisinage qui sont des éléments essentiels du tissu social. Ainsi, nos vaillants candidats n’ont pas hésité de faire le porte-à-porte, non pas pour décliner des projets de société, mais pour inviter les leurs à voter pour eux brandissant la même chanson « neddo ko banndum ». « Voter pour moi, c’est alimenter et perpétuer les liens de consanguinité » (jokkere endam), disent-ils souvent sans mettre des gants.

Les résultats officiels proclamés jeudi par la Commission électorale départementale indépendante confirment les tendances compilées par les différents états-majors locaux des partis en compétition. Dans les quatre communes du département, l’UPR est mise en ballotage. Elle affrontera au 2e tour l’AJD-MR à Boghé (42,76% des suffrages exprimés contre 14,64%), l’APP à Dar El Avia (46,01% contre 23,56%), la coalition UFP/Tewassoul/Avant-Garde à Ould Birome (48,21% contre 35,93%) et l’UDP à Dar El Barka.

Aux législatives du département, le parti au pouvoir n’a pas réussi son 1er examen de passage freinée par la Coalition AJD-MR/Tewassoul qui a obtenu 2318 voix soit 13,68% contre 6682 voix soit 39,45%. Idem pour le scrutin régional où au niveau de la mouqata’a de Boghé, l’Union pour la République est arrivée en tête mais sans obtenir la majorité absolue (48,5’%) talonnée par l’AJD-MR et Tewassoul. Un autre fait marquant, c’est le nombre impressionnant de bulletins nuls en raison de la complexité du vote surtout pour une population à majorité analphabète. 4634 bulletins ont été déclarés nuls dans le département se hissant ainsi en 2e position après le score de l’UPR !

Même si elle est en ballotage favorable au niveau des chiffres, L’UPR devra batailler fort pour gagner la course. Cela est d’autant plus vrai que les candidats de l’opposition ont tous donné des consignes de vote contre elle au second tour. A ceux-là, s’ajoutent une grande partie de l’électorat du PUD et de l’UDP, bien que faisant partie de la majorité présidentielle et de nombreux indécis.

Le parti-Etat, en dépit des moyens dont il dispose et des pressions qu’exercent ses barons et cadres sur les populations, est sortie en déroute. Selon de nombreux observateurs, c’est le résultat des divisions internes qu’il a connues mais aussi d’une absence de vision claire et de lisibilité dans ses projets de société (s’il en existe ?). Quant aux partis d’opposition, en dépit de leur participation en ordres dispersés, ils ont tenté de séduire leurs électorats potentiels par un discours populiste axé notamment sur les prestations de leurs parlementaires sur les questions de fonds telles que la cohabitation des communautés, l’unité nationale, la justice sociale et sur les conditions de vie des populations surtout les plus vulnérables.

L’entre-deux-tours sera consacrée aux contacts avec les grands électeurs mais aussi avec les mouvements et associations de jeunes et de femmes ainsi que les nombreux indécis dégoûtés par la monotonie des discours politiques. L’UPR ne va pas lésiner sur ses gros moyens pour d’abord racoler ses morceaux éparpillés ça et là et ensuite définir des stratégies de reconquête des mairies, des sièges au parlement et au tout nouveau Conseil régional.

La tâche ne sera pas aisée face à une opposition coalisée qui, en dépit de ses moyens limités, utilisera la force du verbe pour convaincre les électeurs (y compris ceux de la majorité présidentielle) à opter pour « le camp du changement » pour en découdre avec celui de « l’immobilisme ».

Elle ne manquera pas aussi d’exploiter à son profit les dissensions qui minent le camp adverse. En fait, les « mécontents » de l’UPR pourraient être une cible facile pour l’opposition. Déjà, la guerre des ondes a commencé via les réseaux sociaux où on se jette les discrédits. La Coalition AJD/Tewassoul est désignée comme celle des « extrémistes ». Ceux-ci rétorquent en accusant leurs adversaires de « diviseurs, de fraudeurs et de marchands d’illusions ».

En fait, l’opposition a signalé des cas de fraudes notamment dans les bureaux 6 et 44 de Wabboundé, 10, 22 et 23 de Boghé Escale et des influences sur les électeurs dans plusieurs bureaux. Cette pratique qui consiste à donner des consignes à des électeurs surtout analphabètes en chuchotant sur leurs oreilles ou en leur montrant des spécimens de bulletins de vote reste monnaie courante. Elle entend déposer des recours devant la Commission électorale départementale indépendante.

Enfin, il faut signaler que la campagne électorale s’est déroulée dans un climat paisible et serein loin des attaques verbales ou physiques. Chaque candidat s’est limité à décliner ses projets et ses ambitions s’abstenant de critiquer les autres. Ce qui mérite d’être encouragé et valorisé car la politique est en définitive un combat d’idées et non une rixe de personnes.

DIA Abdoulaye

camadia6@yahoo.fr



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