Cridem

Lancer l'impression
20-09-2018

12:41

Elections législatives, régionales et municipales: Bilan et enseignements

L'Eveil Hebdo - Les rideaux viennent de tomber sur les élections législatives, régionales et municipales dont les résultats du second tour ont été publiés par la CENI il y a un peu plus de 24 heures. Et comme il fallait s’y attendre, l’UPR, parti au pouvoir, a largement remporté ce triple scrutin. Une victoire à la Pyrrhus qui ne manquera certainement pas de laisser des traces dans le camp des vainqueurs.

En effet, malgré une campagne d’implantation «couronnée de succès», avec plus d’un million d’adhérents, une implication directe du Président de la République, qui a sillonné toutes les régions du pays pour soutenir ses candidats et l’utilisation abusive des ressources (humaines, financières et matérielles) de l’Etat, c’est au forceps que l’UPR a arraché la totalité des Conseils Régionaux et une majorité à l’Assemblée Nationale.

Le président de la CENI a lui-même déploré «des lacunes», évoquant, entre autres, le «non-respect de la loi relative à l’incompatibilité entre certaines fonctions militaires et civils avec l’action politique et électorale».

Mais, quoi qu’il en soit, l’UPR a remporté les 13 Conseils régionaux, ainsi qu’une majorité absolue de 89 sièges sur 157 à l'Assemblée nationale. L'opposition dite "radicale" a remporté 29 sièges, dont 14 pour le parti islamiste Tawassoul, 10 autres revenant à l'opposition dite "modérée". Par ailleurs, sur 219 communes, 59 sont revenues à l'UPR au second tour, dont six des neuf de la capitale, Nouakchott, après 103 dès le premier tour.

Tawassoul, le principal challenger, n'a gagné que cinq communes, dont deux à Nouakchott. L’UDP, l’autre parti de la majorité présidentielle, se positionne en 3ème force politique. Bien implantée dans la vallée depuis plusieurs années, la formation de Naha Mint Mouknass a su profiter des nombreuses défections des mécontents des investitures de l’UPR qui se sont tournés vers un parti «frère».

Avec 292 conseillers municipaux, 19 conseillers régionaux, mais surtout avec 6 parlementaires, l’UDP s’érige en allié incontournable de l’UPR qui cherche à se constituer une majorité de 2/3 pour pouvoir faire passer certaines réformes. Y compris peut-être celle dont tout le monde parle, à savoir le verrou du 3ème mandat, bien que la Constitution soit verrouillée à ce sujet et qu’aucune disposition ne soit prévue pour la modifier dans ce sens. A moins de recourir au fameux article 38 !

Tawassoul, une épine au pied du régime

Mais sans conteste, le grand vainqueur de ces élections reste le parti Tawassoul. Non seulement du point de vue du score réalisé, mais surtout en termes de progression et de stratégie. En quelques années, le parti islamiste s’est imposé tout naturellement dans le paysage politique national et continue de tisser sa toile dans tous les coins et recoins du pays.

Il faut dire que même si le Président de la République les a pris pour cible à l’occasion de la campagne qui vient de s’achever, par le passé il a posé des actes qui ont contribué à renforcer cette mouvance.

Que ce soit lorsque Biram Ould Abeïd a brûlé les livres de théologie ou avec l’affaire M’Khaïtir, à chaque fois il a encouragé la foule en délire dans son fanatisme au lieu d’imposer la force de la loi. Une loi qui a d’ailleurs justement été révisée pour satisfaire les plus radicaux des islamistes qui réclamaient – et réclament toujours - la tête de Ould M’Khaïtir et qui, de ce fait, continue d’être gardé au secret malgré sa libération par la Justice. Cela parait donc aujourd’hui paradoxal que Diallo Mamadou Bathia, président de la commission de réforme de l’UPR qualifie Tawassoul de «parti extrémiste dangereux pour la Mauritanie». Il fallait y penser avant !

Les partis négro-africains laminés !

Autre enseignement de ces élections, la déconfiture des partis dirigés par des négro-africains. Ainsi, le MPR de Kane Hamidou Baba, l’AJD/MR de Ibrahima Moctar Sarr, le PLEJ de Bâ Mamadou Alassane, l’Arc-En-Ciel de Balas, sont tous sortis laminés de ce triple scrutin. Ibrahima Sarr, dont le parti comptait trois députés dans la précédente législature a perdu son siège et se retrouve avec un seul député.

Les autres attendront les prochaines échéances si d’ici là ils ne sont pas dissous par la force de la loi. Et ils ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes. Tous prétendent défendre les mêmes causes et pourtant aucun n’accepte de s’allier à l’autre, préférant faire cavalier seul au risque de mordre la poussière.

Pire, certains de ces partis ont été approchés par l’IRA de Biram Dah Ould Abeïd pour une éventuelle coalition, mais chacun a donné des arguments plus fallacieux les uns que les autres pour refuser cette aubaine qu’a su saisir le parti SAWAB, avec le résultat qu’on connait. Il est donc légitime aujourd’hui de se demander quel agenda suivent réellement ces différents leaders.

Parce que s’ils étaient véritablement sincères dans ce qu’ils prétendent défendre, il y aurait eu certes d’âpres négociations, mais au final, il ne serait pas impossible de trouver un terrain d’entente. Espérons simplement que cette déconvenue leur fera réfléchir à l’avenir et qu’ils comprennent enfin que les intérêts partisans ne peuvent être au-dessus de l’intérêt général.

Sikhousso



Les articles, commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité


 


Toute reprise d'article ou extrait d'article devra inclure une référence www.cridem.org