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Gouvernement de quotas : une équation sans inconnues !
Ahmed Salem el Kory - Une fois de plus, le Professeur Lo Gourmo est monté au créneau, tirant des flèches acérées sur le gouvernement mauritanien, le comparant à celui de l’Apartheid. Comparaison, de toute évidence, démesurée puisque nos communautés ont toujours vécu dans un magnifique et inébranlable brassage socioculturel, avec pour socle, un Islam sunnite, modéré, pratiqué par quasiment toute la population.
Notre éminent Professeur a bien dit Apartheid ! Alors, permettez-moi de vous poser quelques questions qui me lancinent depuis que j’ai lu son article sur cridem. Y’a-t-il des moyens de transport réservés à une communauté? Y’a-t-il des écoles ou des salles de spectacles réservées à une communauté ? Le mariage mixte est-il interdit par la loi ? Combien y’a-t-il de sportifs de couleur dans nos équipes nationales ? Nous connaissons tous les réponses à ces questions.
Peut être que l’idée d’un gouvernement de quotas est la poule aux œufs d’or où chaque communauté pourrait trouver son compte. Alors, pourquoi bon chercher midi à quatorze heures ? Dans un système de quotas, l’actuel gouvernement de 23 membres devrait compter 10 maures, 8 haratines, 3 pular, un soninké et un wolof (pour éviter toute exclusion).
Ce qui montre que la communauté pular n’a aucune raison de s’en plaindre puisque son quota est atteint. Par contre, la communauté haratine est manifestement sous-représentée par rapport à son poids démographique.
D’où viennent ces calculs savants ? Une chose est sûre, je ne les ai pas inventés ! Une autre chose est que je ne parie pas sur leur entière fiabilité surtout qu’ils datent de près de deux décennies. Il ne s’agit donc là que de pistes pour démontrer que finalement l’idée d’un gouvernement de quotas n’est pas totalement saugrenue même si certaines minorités risquent d’en pâtir.
En effet, plusieurs études, notamment, Joshua Project, Ethnologue et People Group, se basant sur le poids des langues vernaculaires locales, ont mis en lumière le poids démographique des principales communautés vivant en Mauritanie.
D’après ces études, le hassanya est une langue arabe influencée par le berbère, donc regroupant les caractéristiques des langues chamito-sémitiques, et proche de l'arabe classique, alors que le pular, le soninké et le wolof sont des langues nigéro-congolaises.
Quant au tamasheq, c'est une langue berbère. Le nord du pays est relativement monolingue et parle l’hassanya alors qu’au sud on retrouve un certain plurilinguisme avec le pular, le soninké et le wolof. La langue officielle de la Mauritanie est l'arabe classique, toutefois, le français a conservé une bonne partie de ses privilèges comme langue de travail.
Pour Joshua Project, 82 % de la population parlerait le hassanya, puis 8,2 % le pular, 4,3 % le soninké, 2,7 % le tamasheq et 0,4 % le wolof. Pour Ethnologue, dont les données semblent plus fiables que celles de Joshua Project, l'arabe hassanya serait parlé par 88,7 % de la population, le pular par 5,3 %, le soninké par 1 % et le wolof par 0,3 %.
Pour People Group (2007), l’hassanya serait parlé par 76,9 % de la population, puis le pular par 14 %, le tamasheq par 4 % (78 287), le soninké par 2,8 % et le wolof par 0,6 %.
Dans les faits, les données sont relativement bien concordantes pour le hassanya (entre 77 % et 88%), mais pour le pular, les chiffres posent problème, avec 8,2% (Joshua Project) et 14% (People Group). C’est le cas également pour le soninké quelques 4,3% (Joshua Project), puis seulement 1% (Ethnologue) et 2,8% (People Group). Bref, les groupes minoritaires sont moins nombreux pour Ethnologue.
De là à conclure qu’il existe une corrélation mathématique entre langue maternelle et poids démographique, je ne franchirai pas allègrement le pas ; mais, de grâce, que ceux qui cherchent des poux dans la tête de tout le monde se taisent.
Chaque communauté a ses leaders, et les résultats des récentes élections corroborent assez bien l’approche développée dans les études ci-haut mentionnées. Cependant, le débat politique est désormais ouvert puisque la boîte à pandore l’est déjà, et nous savons par qui. Certes, il n’y a pas de statistiques officielles…mais à quoi bon puisque les mauritaniens se connaissent bien entre eux.
La Mauritanie est dans une période charnière de son évolution politique, et n’est pas à l’abri des dangers liés au contexte sécuritaire de la sous région et aux dérives de certains courants politiques internes.
C’est la raison pour laquelle, le Président sortant est tenu de laisser le pays en de bonnes mains. Je crois que c’est cela l’unique gage qui puisse nous garantir des élections présidentielles apaisées, si bien entendu, pour une fois, l’Etat décide de jouer franc jeu en optant pour la neutralité. Cette option est, à mon sens, la seule voie à même de garantir au Président de la République M.A Aziz une sortie honorable.
Sadegh Maaloum A.