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20-05-2019

07:54

TRIBUNE. "Notre solution pour la Libye", par le chef de la diplomatie des Emirats arabes unis

Le Journal du Dimanche - Anwar Gargash, ministre d’Etat aux Affaires étrangères des Emirats arabes unis, explique comment son pays agit en faveur du règlement de la crise libyenne.

Voici la tribune d'Anwar Gargash, chef de la diplomatie des Emirats arabes unis, sur la politique étrangère de son pays face à l'Iran, en Libye et au Soudan :

"S’il y a une chose que nous avons apprise sur le Moyen-Orient moderne, c’est que la région réussit rarement ses transitions politiques et ses révolutions. Elles sont le plus souvent violentes, avec des mêlées chaotiques qui prennent le dessus sur le changement pacifique du pouvoir.

Les états fragiles s’écroulent et deviennent des états faillis où les acteurs les plus impitoyables comme Al-Qaïda et Daech tirent avantage tout comme l’Iran qui joue un rôle perturbateur dans la région. Dans ce sombre paysage, nous aux Emirats Arabes Unis, avons tracé un autre chemin.

Notre système de gouvernement a offert stabilité et prospérité à nos citoyens. A quelques kilomètres seulement de la théocratie médiévale d’Iran, nous nous préparons à lancer l’année prochaine une sonde vers Mars. Conscients que notre croissance économique continue nécessite des fondations solides – à savoir une population satisfaite et un état de droit- nous avons conçu le modèle de gouvernement le plus performant de la région. Pourtant la stabilité intérieure ne suffit pas, comme nous avons pu le constater avec l’incident dans nos eaux territoriales au large de la ville de Fujairah. Nous avons appelé à une désescalade, agi avec responsabilité pour préserver la paix et la sécurité y compris au-delà de nos frontières, ce qui est un défi difficile.

Plus aucun pays étranger ne garantira la sécurité régionale, comme l’a fait la Grande Bretagne dans le passé et les Etats-Unis jusqu’il y a peu de temps. Nous devons monter en puissance et c’est ce que nous faisons – en donnant le pourcentage le plus élevé au monde de notre revenu national en aide au développement, pour stabiliser les économies d’Egypte, de Somalie et d’ailleurs, en investissant en Afrique et en Asie, en facilitant la diplomatie entre l’Ethiopie et l’Erythrée ainsi que l’Inde et le Pakistan.

Les Emirats Arabes Unis ont fait des sacrifices pour soutenir le gouvernement légitime du Yémen contre les militants Houthis d’une part et Al-Qaïda et Daech d’autre part. Et nous avons fait de généreux dons au Soudan, qui se défait du joug d’un gouvernement des Frères Musulmans qui avait combiné une idéologie extrémiste et un régime militaire.

Une de nos grandes priorités aujourd’hui est la Libye où l’Europe, les EAU et d’autres pays de la région qui partagent la même vision, ont un intérêt commun. Ni l’Europe, ni l’Afrique du Nord et encore moins l’Egypte, le pays arabe le plus peuplé, ne peuvent se permettre d’avoir un état failli à leur porte. Le chaos en Libye a déjà provoqué la réémergence d’Al-Qaïda et de Daech dans la capitale, Tripoli. Si ce chaos continue il pourrait être contagieux et imprévisible.

Dans une situation où il n’existe pas de gouvernement central efficace et où l’on ne peut pas toujours faire confiance aux groupes armés locaux, nous devons poursuivre la lutte contre le terrorisme, trouver les meilleurs partenaires testés par expérience. Tout cela en gardant l’objectif le plus important de tous : aboutir à un accord politique pacifique et durable.

Par conséquent, nous appuyons fortement le travail de Ghassan Salamé, l’envoyé spécial des Nations Unies en Libye, dans sa quête pour une solution politique aux huit ans de crise Libyenne. En février dernier nous avons négocié un accord entre les belligérants libyens, nous avons accueilli à Abu Dhabi, aussi bien le leader politique basé à Tripoli, Faez Sarrraj que le chef de l’armée Libyenne Khalifa Haftar.

Malheureusement les milices extrémistes à Tripoli ont fait dérailler l’accord dans une tentative de contrôler l’avenir du pays. Les groupes Islamistes et djihadistes se sont tous alliés pour soutenir Sarraj ce qui pose la question comme l’a déclaré Jean-Yves Le Drian récemment de "l’ambiguïté qu’entretiennent certains groupes liés à l’islamisme politique avec des groupes djihadistes".

La solution à la crise libyenne actuelle est assez claire : la désescalade immédiate et un retour du processus sous l’égide de l’ONU, qui mènerait à des élections pacifiques et crédibles. Celui qui gagnera ces élections devra être capable d’unifier le pays en combattant résolument les groupes terroristes et en redémarrant une économie en ruine. Au Moyen Orient, il n’existe pas de décisions simples. Nous sommes souvent confrontés aux "moins pires" des choix difficiles, des choix qui ne sont pas toujours exactement ce que souhaitent les commentateurs occidentaux.

Pourtant, la nouvelle donne est que les pays arabes sont en train de prendre plus de responsabilités pour leur sécurité et celle de leur région. Les EAU agiront toujours avec de bonnes intentions et avec des partenaires comme la France, qui partagent la même vision, afin de protéger au mieux les intérêts de la région et de ses peuples. L’intérêt principal étant la stabilité et des transition ordonnées. Sans cela, tout le reste – croissance économique, tolérance religieuse, gouvernance améliorée – ne peuvent avoir lieu."


Par Anwar Gargash



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