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Secteur pêche: une nouvelle stratégie 2020-2024 faisant face à deux grands défis
Dr Sidi El Moctar Taleb Hamme - Comme on l’avait dit dans un autre écrit, Monsieur le Ministre des Pêches et de l’Economie Maritime a pris l’engagement d’élaborer, avant la fin de l’année 2019, une nouvelle stratégie pour son département (http://cridem.org/C_Info.php?article=728543).
Apparemment, cet engagement se fonde sur une volonté réelle de Monsieur le Ministre de corriger les insuffisances que ces ennemis, aussi bien dans l’administration que parmi les professionnels du secteur, avaient rendues publiques après son passage à un autre département ministériel. Au passage, le retour surprise de Son Excellence perturbe tout le monde et fausse beaucoup de calcul.
Un tel engagement signifie que Monsieur le Ministre va s’efforcer de mettre en place une nouvelle stratégie capable de lui permettre d’éviter les erreurs passées d’une stratégie échue dont il est, par ailleurs, le principal artisan.
Il signifie également qu’il fera tout pour que la nouvelle stratégie assure la réalisation, outre la mission habituelle de tout ministre chargé des pêches, de la partie concernant la pêche dans le programme ‘’Teahoudaty’’ du Président de la République Mohamed Cheikh El Ghazouani.
Quant aux efforts jusqu’ici fournis dans ce sens, ils traduisent une tentative de la part du Ministre des pêches visant à faire de sa stratégie en cours de préparation pour la période 2020-2024 une concrétisation dudit Programme Présidentiel, décliné déjà dans la Déclaration de Politique Générale du Gouvernement du Premier Ministre Ismail Ould Bodde Ould Cheikh Sidiya.
A mon humble avis, cette tentative fait face à deux grands défis : (ii) la situation résultant, sous le deuxième mandat de l’ancien Président Mohamed Ould Abdel Aziz, de la mise en œuvre de la stratégie échue et (ii) l’accommodation des vrais acteurs de cette période aux exigences du système à bâtir par le nouveau Président de la République sur la base de son programme et en conformité avec les instructions que Son Excellence aura à donner à son gouvernement tout au long de son premier mandat constitutionnel.
En ce qui concerne cette situation qui prévaut aujourd’hui à la veille de l’élaboration de la nouvelle stratégie, un article lui avait été réservé lors de l’atelier de restitution de l’étude «Evaluation à mis-parcours de la mise en œuvre de la stratégie nationale de gestion responsable pour un développement durable du secteur des pêches et de l’économie maritime 2015-2019» : https://www.linkedin.com/pulse/p%C3%AAche-dune-strat%C3%A9gie-sectorielle-azizienne-%C3%A0-une-autre taleb?trk=portfolio_article-card_title.
Le présent écrit, il devrait enrichir la description déjà faite de cette même situation sur la base des résultats des journées de concertation qui ont été organisées cette semaine (les 13, 14 et 15 du mois courant) sous le titre « Journées nationales de concertation sur les rapports des groupes thématiques élaborés dans le cadre de la stratégie nationale pour un développement durable et inclusif du secteur de la pêche maritime pour la période 2020-2024».
Aujourd’hui, la situation dont il est question se caractérise par des ressources fortement menacées, une prise en compte très insuffisante de la problématique des changements climatiques dans les documents sectoriels de référence et enfin, la précarité des mesures prises pour l’intégration des activités du secteur des pêches à l’économie nationale. Tout ceci peut être perçu à travers ce qui suit :
1. Est-ce que l’introduction de nouveaux acteurs dans le secteur suite au passage vers le système de gestion par quota a-t-elle permis de faire équitablement profiter tous les citoyens d’une ressource, considérée un patrimoine commun à tous ? Plus explicitement, ces nouveaux-venus ont-ils vraiment représenté toutes les régions du pays, les tribus les ethnies ou les couches démunies?
2. N’est-ce pas que les experts avaient recommandé, en l’absence des préalables requis pour l’application du système des quotas, d’expérimenter ce nouveau système sur la pêcherie de poulpe avant d’envisager sa généralisation progressive sur les autres pêcheries ou types de ressources ?
3. La multiplicité des régimes et la concurrence déloyale qui en découle, est une autre caractéristique de la situation actuelle dans le secteur des pêches (avantages accordés spécifiquement à des acteurs qui opèrent localement et vendent leurs produits sur les mêmes marchés que les nationaux et les étrangers installés en Mauritanie).
Les sociétés Sun Rise, Polyhondone et la SMCP ainsi que l’Autorité de la Zone Franche de Nouadhibou, sont les exemples les plus souvent cités à ce sujet ;
4. La filière farine et huile de poisson est catastrophique pour la ressource et est de faible valeur ajoutée. C’est une simple manière de faire profiter des étrangers de notre patrimoine halieutique via des personnes influentes par leur pouvoir dans le système ou par leur capacité de corrompre (http://cridem.org/C_Info.php?article=730028);
5. L’affrètement de navire a été, lui aussi, une véritable catastrophe. Il a en effet permis de faire introduire des étrangers dans le secteur au détriment de mauritaniens capables par leur argent et leur expérience de jouer le même rôle.
A remarquer que toutes les formes d’affrètement (coque-nue), est contraire à la politique nationale de maximisation de la valeur ajoutée du secteur (outil de production national et main d’œuvre mauritanienne à bord, etc.) ;
6. Les navires de type turc et qui ravitaillent généralement ce genre de sociétés, suite aux modifications subies, arrivent à débarquer environ 300 tonnes, mais presque totalement non propres à la consommation humaine. C’est une autre catastrophe ;
7. L’échec de la politique visant à disposer de types de navires (pontés ou non) répondant aux mentalités des mauritaniens, tenant comptes des transformations au sein de la communauté traditionnelle de pêcheurs (Imraguen et N’Diago) et garantissant la pêche de nos ressources (petits pélagiques et les espèces voisines et puis les poissons démersaux pêchés à la ligne) ;
8. L’échec aussi de la formation d’une main d’œuvre nationale qualité dans les domaines où le déficit est diagnostiqué depuis plus de trois décennies ; l’existence d’une main d’œuvre à bas prix et les dérogations souvent accordées aux professionnels, étant les principales explications de cet échec ;
9. Les points 5-8, font que l’approvisionnement de nos usines de traitement et de transformation de poisson sont dépendantes de nos relations avec les pays d’où proviennent les navires et leurs équipages ;
10. Ces points ci-dessus font également que la pêche artisanale continue d’être un cancer en phase de métastase et que le développement de la pêche côtière reste hypothétique ;
11. Les quotas détenus par des gens sans navires, ni usines, les détenteurs d’autorisations pour des usines de farines et les transactions liées au domaine public maritime, font parties des autres difficultés caractérisant la situation héritée ( ?);
12. Un manque cruel de cadres compétents et expérimentés et un mauvais redéploiement des ressources humaines disponibles.
Enfin, que le génie des auteurs de la stratégie en perspective puisse emmener cette dernière (i) à répondre aux questionnements ci-dessus que n’ont cessé de se poser les gens au sujet de la stratégie échue (2015-2019) et (ii) à trouver des solutions à des questions sur lesquelles les Mauritaniens ne sont certainement plus prêts à fermer les yeux.
S’agissant du deuxième défi auquel devra faire face toute tentative d’assainissement du secteur des pêches, il réside dans la capacité des acteurs de ce secteur à s’adapter aux orientations du Président de la République que résument l’orthodoxie dans la gestion des deniers publics, la transparence dans les prestations à fournir aux usagers et l’équité dans l’accès aux ressources halieutiques ainsi que les services connexes.
Ce message concerne d’abord Monsieur le Ministre et les cadres sur lesquels il s’est particulièrement appuyé dans l’élaboration et la mise en œuvre de sa stratégie de 2015-2019. Ensuite, les structures de politique de son département (IMROP, GCM, ONISPA, CNM, etc.) et les promoteurs (nationaux ou étrangers). Tous ceux-ci, devront alors respecter, dans l’exercice de leurs missions et/ou l’acquittement de leurs engagements, la réglementation et les principes éthiques.
Au niveau de son administration, deux choix s’offrent à Monsieur le Ministre pour bien réussir sa nouvelle stratégie et les réformes qu’elle devra introduire. Soit se débarrasser de tous ceux qui avaient publiquement manifesté, parmi ses collaborateurs, leur mécontentement au point de se libérer parfois du droit de réserve.
Soit changer les pièces usées parmi son système de manière à pouvoir accompagner le changement auquel tient le Gouvernement d’un Premier Ministre respectueux de la volonté de son chef et fortement responsabilisé.
Quant à ses rapports avec ceux qui ne croient pas à la réglementation et aux procédures (y compris les mafieux), il est impératif pour Monsieur le Ministre des pêches d’agir en conformité avec les fondements du nouveau système à construire, la crédibilité de Cheikh Al Ghazouanie et de Cheikh Sidiya, exige !
Dr Sidi El Moctar Taleb Hamme