Cridem

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30-03-2020

19:20

Du confinement à la séquestration

Mamadou Kalidou BA - Je fais parti des Mauritaniens qui sont arrivés à Nouakchott par le vol Air France du 16 mars 2020. Très content d’avoir pu rentrer chez moi, même après une mission d’enseignement et de recherche écourtée. Content de n’avoir été isolé par la fermeture des frontières causée par la pandémie du Covid 19. Arrivé à l’aéroport Charles De Gaule, on nous a informés que la Mauritanie avait décidé de mettre en isolation tous ceux qui viendraient de la France à compter de ce jour.

Air France informait ceux qui ne souhaitaient pas cette isolation à l’arrivée, être disposée à rembourser sans frais l’intégralité de leur billet.

Alors qu’autour de moi certains protestaient, moi j’étais plutôt content de cette nouvelle, car un jour plutôt, j’avais informé ma famille que je devais rentrer plus tôt que prévu, mais que j’envisageais de me mettre en isolement pendant les deux semaines attestées par les scientifiques comme le temps maximal d’incubation du virus covid 19. Ceci pour protéger ma famille et tous les Mauritaniens d’une potentielle contagion au corona virus.

C’est donc vers 18 heures que notre avion atterrit à l’aéroport Oum Tounsi de Nktt. Nous fûmes transportés dans des bus, sous escorte de la police et répartis dans des hôtels de Nouakchott. J’ai été déposé, par hasard, à l’hôtel Ziwanya, non loin de l’hôtel Atlantique. Depuis, notre confinement s’est déroulé plus ou moins bien. En tout cas, contre mauvaise fortune, les confinés que nous sommes avons mis du bon cœur.

Notre confinement était censé se terminer le 29 mars à minuit. Le médecin qui nous rendait une visite quotidienne nous informa que nous allions pouvoir rentrer chez nous le lendemain matin. On nous fixa d’abord 10 h, puis 12h puis l’intervalle entre 12h 30 et 15h. Tous ces rendez-vous se sont avérés être des mensonges avérés. Lorsque nous nous agitâmes pour être fixés sur notre sort, on nous dit qu’un retard dans le déroulement des cérémonies (car il s’agissait d’opération de communication…)serait à l’origine de ce retard et que c’est seulement à 18h que la « commission » arrivera chez nous. On nous assura que la commission se chargera de déposer chacun de nous chez lui, pour nous éviter de contrevenir au couvre-feu.

Mais à 18h, nous nous rendîmes comptes de l’évidence : les autorités sanitaires et sécuritaires responsables de notre confinement étaient entrés dans une dynamique mensongère dont ne savions quand elle allait finir.

Nous sommes presque tous descendu à l’accueil de l’hôtel pour demander à être libérés et rentrer chez nous, pour observer comme tous les Mauritaniens, un confinement avec les nôtres. Contre toute attente, alors que nous attendions un interlocuteur, des explications, la porte d’entrée de l’hôtel nous fit fermée. La gendarmerie se pointa là, menaçante, nous intimant « l’ordre » de rentrer dans nos chambres. Ceux qui se laissèrent intimidés y allèrent, moi je refusais. Au moment où j’écris ce texte, je suis sous la menace d’une violence de la gendarmerie.

Dès lors, chers compatriotes, sachez que nous qui sommes isolés à l’hôtel Ziwanya, sommes depuis hier (29 mars 2020) et plus encore depuis ce matin 30 mars, non pas des confinés, mais bien des séquestrés, des prisonniers d’Etat. A ce titre, moi Ba Mamadou Kalidou, lance un appel à toutes les organisations de défense des droits humains, à tout Mauritanien épris de justice à voler à notre secours.

Oui, nous sommes maintenant retenus en dehors de toute raison valable contre notre volonté en violation flagrante de nos droits élémentaires de citoyen.

Mamadou Kalidou BA
, professeur à l’Université de Nouakchott.

Nouakchott le 30 mars 2020





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