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|Libre Expression| L’unité nationale ?
Mohamed Ould Laghlal - Depuis la création de la Mauritanie moderne, les gouvernants, les hommes politiques et les simples citoyens n’ont cessé, et en maintes occasions, de parler d’unité nationale.
Mais indépendamment de leurs véritables intentions, il y a toujours un sérieux problème qui subsiste et pour lequel ils n’ont pas pu trouver, du moins jusqu’à présent, une solution adéquate et définitive.
A mon avis la difficulté principale à laquelle ils sont confrontés, c’est la clarification du concept lui-même d’unité nationale, qui est devenu au fil du temps une simple mode et un slogan vide de sens, que des individus, des partis politiques, des organisations, des groupuscules politiques autorisés ou non, utilisent à leur fin, en fonction de leurs humeurs, de leurs intérêts et de leurs conceptions propres.
Certains se suffisent du sens superficiel qu’ils assimilent à ce que nos quatre communautés Maure, Poular, Soninké et Wolof vivent sur la même Terre.
Mais cette évidence si banale ne veut rien dire, car on peut vivre côte à côte sans forcément qu’on soit "proches" les uns des autres et c’est ce que nous devons impérativement éviter pour qu’il nous soit possible de vivre en harmonie dans une Mauritanie où prédominent fraternité, justice et paix sociale.
Les situations catastrophiques que nous observons malheureusement dans beaucoup de pays africains notamment, doivent nous servir de leçons et nous inciter à œuvrer pour une unité de destin véritable, unité qui soit conforme à nos valeurs essentielles caractérisées par la tolérance et l’acceptation de l’autre.
Malheureusement, il s’est avéré que depuis l’indépendance en 1960, les choses n’ont pratiquement pas bougé et le slogan trompeur d’«unité nationale» a continué d’occuper une place très importante dans les intentions politiques, les stratégies adoptées, les discours officiels et officieux, les déclarations timides ou incendiaires, les recommandations objectives ou incongrues, les résolutions qui ne s’appuient, le plus souvent, sur aucune base juridique solide, et depuis quelques années la création, à dessein, de Fondations et d’Organisations sous l’étiquette très convoitée des "droits de l’homme".
A mon sens en abordant l’unité nationale, il est nécessaire d’essayer de trouver, à titre d’exemples, des réponses aux questions suivantes. Est-ce que notre unité nationale est toujours possible, compte tenu des divergences qui s’amplifient de jour en jour? Quels doivent être ses fondements ? Et si elle se réalise, comment la rendre pérenne ? Quels avantages peut-elle nous procurer ?
Quel rôle doit jouer le peuple mauritanien pour l’affermir? Quelle est la responsabilité du pouvoir politique, des parlementaires, des partis politiques et de la Société civile dans ce domaine ?
Existe-t-il des mesures correctives particulières, relatives à des évènements politiques survenus en Mauritanie le siècle dernier, comme par exemple durant les années 1962, 1966, 1981, 1987 et 1989 et que l’état peut prendre pour faciliter la réalisation de cette unité nationale dont on parle tant et qui nous est indispensable?
En ce qui me concerne, je pense que la mise en place d’une véritable démocratie, l’application stricte des lois et règlements en vigueur et l’éradication totale de la misère, de l’indigence et de la pauvreté entraîneront la concrétisation de notre unité nationale, car elles contribueront fortement à bannir le favoritisme, la marginalisation ainsi que les discours qui véhiculent la haine, la stigmatisation et le lynchage médiatique.
Tous ceux qui utilisent les médias de large diffusion, y compris les réseaux sociaux, à des fins sectaires et qui versent dans la démagogie, la provocation et le parti pris s’adonnent à un exercice dangereux, capable de nous entraîner vers un chaos aux conséquences imprévisibles et incalculables. De grâce qu’ils se ressaisissent.
En effet, les considérations partisanes, le racisme à peine voilé et le climat de suspicion et de défiance qui règne constituent de sérieuses entraves à la concrétisation de l’unité véritable de nos différentes communautés.
A mon sens, pour s’unir afin de bâtir un pays juste où tous les citoyens ont les mêmes droits et les mêmes devoirs, il est indispensable que les conditions essentielles de cette unité soient bien identifiées, clairement définies et acceptées par tous.
Si tel n’est pas le cas, il y aura toujours de fortes divergences de points de vue doublées de mésententes qui surgiront de temps à autre et il se peut même que certains groupuscules politiques exploitent cette situation et utilisent consciemment ou non une propagande subversive et déstabilisatrice, aidées en cela par les ennemis internes et externes de la Mauritanie.
Il est bon de rappeler que chaque pays a son histoire propre et ses priorités politiques et de développement. C’est pourquoi en ce qui nous concerne, nous devons faire une analyse rigoureuse de notre situation passée et de notre situation présente, en tirer les enseignements objectifs nécessaires, pour construire une nation plurielle, fraternelle, forte et prospère.
Si cela se réalise, nous aurons laissé un riche héritage à nos futures générations. Bien entendu, la construction de la Mauritanie ne se fera que par l’ensemble de ses fils, toutes communautés confondues.
C’est une réalité qui s’impose d’elle-même, donc, qu’il faut accepter pour aller de l’avant et pour contribuer au développement politique, social, culturel et économique de notre pays.
Le fait de rester attaché continuellement aux erreurs de l’histoire, qui doivent être naturellement corrigées, tout en n’étant guidé que par notre appartenance à une ethnie ou à une couche sociale donnée n’est pas une solution aux problèmes auxquels sont confrontés, à des degrés divers, les mauritaniens dans leur totalité.
Le sens de l’unité nationale nous commande de dépasser toutes nos divergences pour vaincre les difficultés qui se dressent devant nous et d’identifier toutes les formes de séquelles qui existent chez nous, et qui continuent d’entraver notre développement socioéconomique, afin de les éradiquer.
Il n’échappe à personne que les séquelles qu’on rencontre dans la société mauritanienne sont nombreuses et variées et sont la conséquence directe de notre organisation tribale d’avant l’indépendance caractérisée par une stratification rigoureuse.
Cela signifie qu’elle touche l’ensemble des couches de la société mauritanienne actuelle. Il s’agit donc d’un fléau généralisé et non pas spécifique qu’il faut combattre avec intelligence, persévérance, force et abnégation.
En guise d’exemple on peut citer : les séquelles de l’esclavage, les séquelles résultant de la domination effective de certaines tribus par d’autres, les séquelles liées à l’activité artisanale et économique, les séquelles inhérentes au statut social qu’il s’agisse de classes dominantes ou de classes dominées… Chacun de nous, quelle que soit son origine sociale, subit malgré lui les méfaits des séquelles de l’Histoire.
Heureusement que nous ne sommes pas les seuls dans ce monde à vivre cette situation et la Mauritanie n’est pas un cas particulier. Elle n’a, surtout, rien à envier aux pays africains et arabes avec lesquels elle partage un destin commun ainsi que des liens de sang et de religion et desquels, et c’est important, elle n’a pas de leçons à recevoir.
Il va de soi que notre avenir ne dépend que d’ALLAH et de notre unité. Il peut donc être radieux, comme il peut être au contraire, ce que nous ne souhaitons pas, sombre et incertain. Je suis convaincu que le peuple mauritanien fera le bon choix.
Nouakchott 27 Avril 2020 –
Mohamed Ould Laghlal
Inspecteur de l’Enseignement Fondamental à la Retraite