19:45
Editorial/Haute Cour de Justice/Qui ira à la maison d'arrêt de Tichitt ?
Chighali Mohamed - Après 6 mois de travail intense la Commission d’Enquête Parlementaire (CEP) mise en place pour faire toute la lumière sur la gestion des 11 années de pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz a déposé ses conclusions.
C’est un travail titanesque de professionnels à la fin duquel, une compilation des anomalies, des dysfonctionnements et des violations des dispositions légales ou réglementaires des textes de loi, a permis de mesurer l’ampleur des dégâts commis et de situer les responsabilités.
Ce document élaboré après des enquêtes menées à la rafale et dans des conditions contraignantes a mis toute la lumière sur des zones d’ombres sur les manigances au sommet de l'Etat de celui qui a été désigné par les accusations de toutes les personnes entendues comme le commanditaire de tous les actes répréhensibles pouvant entraîner des mises en examens ou des poursuites judiciaires.
Inspiré par la prudence du caméléon, le nouveau président Ould El Ghazouani est allé lentement, avec prudence et intelligence pour atteindre son objectif. Celui de se débarrasser par cas de « force majeur indépendant de sa volonté» à la fois de son ancien ami et compagnon d'arme mais également de certains responsables qu’il avait « recyclés » surtout, pour les mettre en confiance en attendant que l’enquête tire les conclusions de ses investigations et qu’elle les renvoie elle même à ceux qui auront à charge de les débarrasser de son régime par des mises en examen.
Ould El Ghazouani qui, il y’a seulement quelques jours a adressé à Ould Abdel Aziz son prédécesseur par personne interposée (Ould Kherchi) un message pour lui dire que l’exécutif, ne s’interférera pas dans le travail de la commission d’enquête parlementaire a joué quitte et double.
Il n’a pas cherché à enfoncer son ami de longues dates, comme d’ailleurs il n’a pas cherché non plus à amortir le choc que pouvait lui faire subir une enquête dont les conclusions vont permettre de le neutraliser définitivement. Dans un film western célèbre l’acteur principal avait dit que « la vengeance est un plat qui se mange froid ».
Ould Ghazouani sans s’impliquer ni de loin ni de près dans cette affaire de chasse à l’homme, a pris sa revanche. Il s’est vengé de celui qui l’a soutenu sans le soutenir réellement, de celui qui a cherché volontairement à l’humilier publiquement par des coups bas et celui qui lui a laissé en héritage un pays en ruines.
Le nouveau président s’est vengé intelligemment en laissant Aziz face aux conséquences des actes qui caractérisent sa gestion désastreuse de la vie politique, économique et sociale d’un pays qui a été mis à sac en 10 ans par une dictature unique dans son genre et dans les annales de l’histoire de ce pays.
Aujourd’hui, 90 jours après la mise en place de la commission chargée de faire toute la lumière sur ses crimes en série, Ould Abdel Aziz, un président forgé de toutes pièces par une poignée de politiciens et des milliers de mauritaniens qui faisaient confiance à son discours rassembleur de cette année 2009, (année qui a envoyé la Mauritanie en enfer), est désormais seul face à sa triste réalité. C’est un homme traqué. Humilié. Vomis par ceux-là mêmes qui ont fait de lui, tout par le passé et un moins que rien maintenant.
Dans quelques jours, Ould El Ghazouani va respirer à pleins poumons. Les « autres », ces membres de la commission d’enquête parlementaire indépendante ont fait la sale besogne à sa place. Leurs recommandations vont lui permettre de se débarrasser de «casseroles» qu’il a traînées une année durant au sein de son gouvernement dans l’étonnement général d’une population qui le juge par ses actes, et dans l’incompréhension de partenaires surpris par son attachement à des responsables indexés dans la gabegie, le détournement, et la corruption en bande organisée.
Maintenant, si Ould Ghazouani veut accompagner le peuple mauritanien dans ses souhaits, s'il tient réellement à se désolidariser avec des responsables qu’une enquête parlementaire indépendante et crédible a identifiés comme des complices de crimes en série et s'il veut mettre tout le monde en confiance, il doit poser un acte fort.
Et cet acte pourrait être le lancement en urgence d’un appel d’offre pour la construction dans les 30 jours qui suivent d’une prison à 150 kilomètres au nord de Tichitt pour accueillir les criminels économiques qui, comme j’ai l’impression, vont se bousculer à la porte de cette maison d’arrêt qu’il serait conseillé pour des raisons objectives de construire loin de la capitale.
Des entreprises capables de construire des édifices publics en temps record existent sur le marché. Elles sont nombreuses créées de toutes pièces parfois en moins de 24 au guichet unique pour les besoins des causes sous le régime d’un homme qui avait fait de son bureau du palais présidentiel, le siège social d’une entreprise familiale spécialisée dans le courtage et le négoce d’affaires ficelées sur fonds de corruption, de trafic d’influence et de gabegie.
Dans cette prison de Tichitt, les détenus reconnus coupables de crimes économiques et de détournement de deniers publics pourront savourer solidairement le repos des années durant jusqu’à ce qu’ils restituent aux pauvres l’argent qu’avait promis de mettre à l’abri du vol, un président "très doué pour les encaissements illicites" comme disait un journaliste surpris par le carnage économique dont a été victime un pays pauvre ruiné par une poignée d’hommes dans le cercle fermé d'une secte qui pratique le vol en bande organisée.
Mohamed Chighali