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19-10-2020

05:00

Justice/cabinet N° 6/affaire N° 509 : Genèse d’une forfaiture policière

Mohamed Ahmed - Pour bien comprendre la trame des événements, il n’est pas fortuit de rappeler ici que j’avais passé la journée du jeudi 6 août 2020 chez-moi, en présence de tous les membres de la famille.

Le même jour, aux environs de 14h40, j’avais reçu un appel téléphonique de M.C, ancien voisin et ami d’enfance que j’avais perdu de vue depuis longtemps. Ce dernier m’informa qu’il vient d’arriver à Nouakchott accompagné d’un ami à lui en provenance du Nord (zone orpaillage).

Il m’a alors donné rendez-vous devant l’école turque en face de l’Ambassade des USA. Il faut dire que j’habite à 200 m de là ; et j’ai du donc marcher pour me positionner devant l’école turque en question. M.C et son ami ne tardèrent pas à arriver.

Il est important de signaler ici que cette scène a, infailliblement, été filmée aussi bien par les caméras de l’école turque que celles de l’Ambassade des USA. Ces éléments d’information et le timing seront déterminants dans le cadre de cette affaire.

Le jeudi après-midi, je suis parti à mon travail pour ne rentrer à la maison qu’à 00h, après la fin de mon service.

Le vendredi 7 août, matin, je suis sorti du domicile familiale laissant mon M.C et son ami endormi, et ce, pour aller chez le coiffeur. Aux environs de 12h, j’ai reçu un appel téléphonique de M.C qui m’a demandé de venir, car, m’a-t-il dit, son ami a disparu emportant avec lui leurs économies.

Je suis aussitôt venu. Très en colère, M.C a fait du bruit à Noghta Sakhina, devant des tas de gens, et a décidé de rendre le téléphone qu’il avait acheté jeudi soir. Entre temps, intrigués, des éléments de la police, en tenue civile, l’ont appréhendé au moment où il se dirigeait vers la voiture qu’il avait louée la nuit du vendredi. Assistant à la scène en retrait, je me suis instinctivement arrêté, et j’ai pris un taxi pour rentrer chez-moi.

Mon père est arrivé à la maison en même temps que lesdits policiers, et a demandé des explications à ces derniers. Ils lui ont expliqué que l’affaire est liée à M.C qui est un récidiviste, ont-ils dit, et qu’ils ont trouvé une arme (pistolet) dans sa voiture. Et comme j’étais en sa compagnie, je devrais les suivre. Voilà les conditions dans lesquelles j’ai été arrêté. Mon seul tort est donc d’avoir hébergé, chez-moi, un ancien ami dont je ne connaissais ni le passé lointain ni le passé récent.

Je suis resté à la police de Tevragh Zeina I pendant une semaine. Le vendredi et le samedi, il ne s’est rien passé de spécial. Mais le dimanche 9 août : coup de théâtre ! En effet, des policiers m’ont sorti de derrière les grilles, et m’ont placé entre deux détenus maliens de couleur. Alors, arriva une jeune femme masquée, accompagnée d’un policier en civil, masqué lui aussi. Elle rétorqua sans conviction : « on dirait que ce jeune homme, au milieu ressemble au taximan qui m’a détroussée, le jeudi passé ».

Ensuite, la police a sorti l’autre prévenu M.C qui était en train de dormir. Cependant, la femme a maintenu sa position. Une procédure qui est loin d’être professionnelle. Bien entendu, j’ai juré par Dieu et par tous les Saints que je n’ai jamais vu cette femme.

Je ne me rendais pas compte mais la machination policière était déjà en marche, et j’en ignorais les véritables mobiles. Tout ce que je sais est que du dimanche 9 au mercredi 12 août, les policiers ne cessèrent de me répéter « vaut mieux pour toi de trouver un arrangement avec la femme ».

Analyse du PV de M.C

Dans son PV M.C a affirmé que le pistolet était bien à lui, et que, moi-même, je n’étais même pas au courant de son existence. Il a donc confirmé que le seul lien que j’avais avec cette affaire est que je l’avais hébergé chez moi, comme l’aurait fait n’importe quel mauritanien.

Analyse du PV de la plaignante

D’après le PV de la police, la plaignante M.D.A, native de Teyarett, s’est présentée, le jeudi 6 août à 16h30 pour dire qu’elle avait pris, à 15h, un taxi devant Noghta Sakhina devant la conduire chez-elle, sans autre forme de précision. Sachant que devant le Juge d’instruction, elle a dit que le taxi devait la conduire chez-elle à Teyarett où elle réside.

Le taximan qui était enturbanné, d’après elle, l’avait déroussée au détour d’une ruelle derrière « Médina K » (traduit de l’arabe – à l’ouest de l’Ilot K) sous la menace d’un pistolet. Elle a même poussé la précision pour dire qu’à un moment le pistolet était tombé à terre, et qu’une détonation est partie. D’après le PV, la plaignante a conduit la police du forfait. Et une balle ou douille a été retrouvée calibre 8 correspondant, selon la police, au pistolet de M.C.

Cette histoire de balle, devrait être traitée avec beaucoup de recul, et une grande précaution car elle est en contradiction avec les événements susmentionnés, et ouvre des hypothèses très complexes et lourdes de conséquences. En effet, comment pourrai-je commettre l’acte dont elle m’a accusé alors qu’au moment des faits j’étais chez-moi, et je ne me suis déplacé que pour accueillir mon ancien ami ? Surtout que les caméras de l’école turque et celles de l’Ambassade des USA feront foi. Même mon téléphone pourrait contribuer à préciser ma position au moment des faits.

Et c’est là où le scenario concocté par la police et la femme tombe à l’eau ! En effet, le soi-disant acte d’agression s’étant passé, le jeudi 6 août entre 15h et 15h20 (compte tenu du trajet), coïncidait avec l’arrivée de C.M devant l’école turque. Les cameras de cette dernière et celles de l’Ambassade des USA montreront, au moment opportun, que le timing de l’acte d’agression avec le pistolet en question est quasiment impossible. Et je doute même que cet acte d’agression ait réellement eu lieu.

Et là, la fiabilité du PV établi par les éléments de la police judiciaire de Tevragh Zeina I est complètement remise en cause car l’auteur de l’acte étant forcément détenteur de l’arme en question, et ne peut donc, en aucun cas, être moi.

Comment pourrai-je commettre cet acte avec une arme que je ne détiens pas ? En plus, le timing des événements, et la déclaration de C.M, dans son PV, confirmant que c’était bien son arme, et que moi-même j’ignorais son existence ne font que corroborer mon innocence.

Comment une femme ayant vécue un tel traumatisme a-t-elle pu avoir la présence d’esprit de retenir l’endroit exact de la balle perdue ?

Et en fin, comment pourrai-je commettre un tel forfait, et monter au travail, l’après-midi même du jeudi 6 août passé, jour de l’agression ? La société dans laquelle je travaille et mes collègues de travail pourront confirmer mes dires. En plus, tout le monde le sait que je ne possède pas de voiture.

Par ailleurs, dans la déclaration de ladite femme, j’ai noté un premier mensonge. Elle a déclaré que la police lui a téléphoné, le vendredi 7 août 2020, pour la confronter aux deux prévenus, ce qui est faux. En effet, c’est le dimanche 9 août à 13h que la confrontation s’est passée comme indiqué ci-haut. Et pour la même occasion la police s’est trompée de jour, une autre raison qui vient conforter mes soupçons d’une vraisemblable machination policière pour soutirer de l’argent à un prévenu.

Comparution devant le juge d’instruction

Devant l’absence de preuve à charge dans le dossier, le Juge d’instruction a, tout de même, proposé un arrangement avec la femme en question. Ma pauvre mère, consciente des difficultés des procédures judiciaires, et voulant, à tout prix, sauver mon emploi, a accepté de payer 20.000 MRU en deux tranches, le 13 août et le 15 septembre 2020. Et ce, pour compenser l’argent et les effets se trouvant dans le sac « volé ». La femme ayant retiré sa plainte, j’ai donc été libéré, le jour même de ma première comparution devant le juge d’instruction, le 13 août dernier, sachant que je devrais me présenter à la police, tous les lundis.

Le deuxième mensonge de la femme est que dans le PV de la police comme d’ailleurs dans le retrait de la plainte, elle a donné un numéro de téléphone inactif. Et ma mère le lui a fait savoir séance tenante au moment du paiement de la seconde tranche. La femme a répondu « si, le numéro est bien correct ». Alors, ma mère, outrée lui a téléphoné. Devant le fait accompli, la femme s’est perdue en conjectures en fouillant son sac, et en marmonnant « on me l’a volé… »

La Cour d’appel met fin à ma liberté

Malheureusement pour moi, pour ma famille et pour ma carrière professionnelle, ma liberté n’a duré qu’un mois et demi. En effet, le Procureur a fait appel contre la décision du juge d’instruction qui m’avait élargi. Et le lundi 28 septembre dernier, au moment où je venais sagement signer mon acte de présence à la police de Tevragh Zeina I, on m’annonça froidement que l’appel a abouti, et que je vais être déféré, le jour même.

Mais là où le bat blesse est que pendant que je suis envahi par une grande tristesse, j’ai vu la même femme qui m’avait accusé dans les locaux de la police de Tevragh Zeina I. Pourquoi se trouve-elle à cet endroit ? Quel lien entretient-elle avec la police ? Qui est cette femme ? Était-elle de mèche avec la police pour soutirer de l’argent aux prévenus ? Cette dernière hypothèse n’est pas à écarter car plusieurs recoupements montrent que cette femme n’a que deux centres d’intérêt : Noghta Sakhina et la Police.

Et surtout pourquoi la pseudo-plainte de la femme ne semble pas figurer sur le registre de la police. Dans l’affirmative, cela veut dire que cette affaire n’avait pris corps que le dimanche 9 août 2020. Une affaire fabriquée de toute pièce. Et entre temps, le registre ne pouvait plus être exploité puisque la page du 6 août 2020 a été remplie par de vraies plaintes.

Une enquête sérieuse devrait être menée pour connaitre les véritables mobiles de cette femme. De là à l’accuser de faire du RECEL, ce qui n’est pas à exclure, il y a qu’un pas que je risque de franchir allégrement. J’estime que cette femme qui a retiré sa plainte contre de l’argent indu fait partie intégrante de cette affaire, et ne devrait pas se tirer à si bon compte.

Les magistrats doivent également sortir de leur conformisme et des sentiers battus, pour exploiter les NTIC, chaque fois que nécessaire. Ainsi, les cameras citées, et les téléphones de toutes les personnes impliquées dans cette affaire sont des pièces d’une importance capitale. Il est triste de constater que c’est moi-même qui suis obligé de faire la leçon à ceux qui sont censés distribuer de façon impartiale la justice.

Malheureusement, nombre de nos magistrats, sans sortir de leur bureau, envoient des innocents en prison en comptant sur leur infaillible « intime conviction », et en se basant sur le faciès des prévenus, ce qui est plus qu’aléatoire.

Après deux semaines de détention, et ne pouvant pas justifier mon absence, j’ai perdu mon emploi, et mon avenir de jeune s’est assombri à cause d’un concours de circonstances dont je ne maîtrise ni les tenants ni les aboutissants. Entre des policiers ripoux et des magistrats qui pratiquent avec parcimonie la présomption d’innocence, et qui ne tiennent pas compte des conséquences sociales d’une perte d’emploi en période de Covid-19, je ne faisais pas le poids.

Cependant, la vérité finira par triompher, et je poursuivrai, devant les tribunaux, cette femme et ses complices policiers. Dans mon esprit, il est clair que cette femme pratique le RECEL. Et on peut facilement deviner au bénéfice de qui ! J’ai écrit cet article, contre l’avis de mon Avocat, pour que les hautes autorités de ce pays, et l’opinion publique sachent que dans certains commissariats, il se passe des choses peu orthodoxes. Leur devise semble être : « la dignité des citoyens s’arrête aux portes des commissariats ».

En effet, dans beaucoup de commissariats, et à l’insu des Commissaires, des destins basculent à cause du comportement crapuleux de certains agents de la police judiciaire. Ces pratiques qui jettent le discrédit sur la police nationale sont en grande partie imputables au grand vide laissé par les Commissaires qui ne sont pratiquement jamais dans leur bureau.

Il est grand temps que le Ministère de l’intérieur donne un coup de balai dans la fourmilière.

Ahmed Salem

ahmedsalem.aidara@gmail.com





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