Cridem

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04-03-2022

16:40

Les citoyens réclament du "poisson mauritanien" et une pérennisation de l’approvisionnement du marché national (suite et fin)

Dr Sidi EL Moctar Taleb Hamme - Dans la première partie du présent écrit, il a été essentiellement question de rappeler brièvement l’historique des tentatives de l’Etat quant à promouvoir la consommation du poisson par les Mauritaniens à travers sa disponibilisation sur toute l’étendue du territoire national dans les conditions requises de qualité hygiénique et commerciale, et de prix.

Dans cette deuxième et dernière partie, sont faites des propositions concrètes axées sur comment offrir, aux citoyens et de manière pérenne, du poisson mauritanien ; le poisson mauritanien étant celui pêché par des navires mauritaniens, des marins mauritaniens et mis sur le marché par l’Etat ou des mareyeurs/distributeurs, eux aussi et leurs moyens de transport, mauritaniens.

Il est alors suggéré que la contribution des navires de la pêche artisanale et côtière maritime à l’approvisionnement et la pérennisation du marché national (SNDP), soit assurée d’une autre façon que dans le cas précédent des navires hauturiers.

Les propositions avancées à ce sujet, passent obligatoirement par la révision des concepts "pêche artisanale" et "pêche côtière" ainsi que par l’adéquation des produits des Chantiers Navals de Mauritanie (CNM) aux orientations et objectifs stratégiques au niveau sectoriel et national. Toutes les propositions relatives à ces questions, ont déjà été suffisamment détaillées à d’autres occasions (https://cridem.org/C_Info.php?article=750872).

Suite à l’échec répété des instruments de crédit tentés par l’Etat et par ses partenaires, et suite aussi au manque de perspectives claires pour un mécanisme de financement adapté aux conditions des pêcheurs artisans et côtiers, le seul espoir de développement de ces deux segments résiderait dans leur prise en charge par la SNDP et la SMCP comme déjà décrit dans les articles 1 et 2 intitulés « Pêche : la pêche artisanale à la croisée des chemins », publiés par Cridem les 31 Octobre et 07 Novembre 2021.

A distinguer là aussi, comme dans le cas de la pêche hauturière, les navires réputés mauritaniens alors qu’ils appartiennent généralement à des étrangers, couverts par des mauritaniens dans le cadre d’une relation symbiotique de mutualisme où l’un apporte un savoir-faire et parfois un outil de production et l’autre, des licences obtenues auprès du Ministère de tutelle sur la base de plaques d’immatriculation et de bracelets, illégalement soustraits lors des multiples opérations d’immatriculation des embarcation à un montant qui variait entre 50.000 et 300.000 UM.

La pêche continentale, est un autre créneau avec d’énormes potentialités exploitables pour la lutte contre la pauvreté et l’insécurité alimentaire. Peut-on en effet valoriser plus de 35 cours et plans d’eau permanents parmi nos zones humides en mettant l’accent sur les sites où l’Etat et ses partenaires ont déjà réalisé d’importantes infrastructures aux fins de promouvoir la pêche et l’aquaculture continentales.

Exercée actuellement à presque cent pour cent par des étrangers, la pêche continentale devra être exclusivement réservée aux citoyens mauritaniens et son produit destiné, en priorité, à assurer l’approvisionnement du marché intérieur en produit brut ou transformé traditionnellement.

Avant de penser à confier la promotion de l’industrie aquacole à une Direction générale ou à une Agence, il serait d’abord plus opportun d’envisager une telle ambition sur la base d’une même stratégie et d’un cadre normatif unique, c’est-à-dire une stratégie de développement commune et un code pour à la fois l’aquaculture marine et l’aquaculture dulcicole.

L’orientation vers des produits à grandes valeur ajoutée (conserves, plats cuisinés, produits traditionnellement transformés, etc.), devra profiter à la SNDP pour diversifier ses offres et satisfaire le goût et le besoin d’une clientèle de plus en plus nombreuse et capricieuse. Une nomenclature, des normes et un label, mauritaniens, aideront à mettre fin à une confusion et une anarchie qui continuent d’engendrer des pertes inestimables au niveau de la fiscalité, de la certification sanitaire et du rapatriement des devises. Cette orientation et ces mesures limiteront certainement la fabrication de la farine et l’huile de poisson, et soulageront des composantes de nos ressources halieutiques soumises à des pillages sans précédent par cette industrie minotière.

L’approvisionnement de manière suffisante et pérenne du marché national en poisson, requiert également des mesures plus faciles à réaliser dont les principales seraient :

(1) La création d’entrepôts dans la zone des ports de Nouadhibou, de Tanit, de N’Diago, dans l’enceinte du Marché au Poisson de Nouakchott et éventuellement dans quelques principaux points de débarquement aménagés (PDA). Installés le plus proche possible du quai et/ou du lieu de débarquement prévu, de telles infrastructures serviront aujourd’hui, à la réception et le stockage des produits cédés à l’Etat par les navires étrangers et demain, à ceux achetés ou pêchés par des outils de production, propriété de la SNDP. D’autres installations similaires, devront également être construites dans les chefs-lieux des Wilayas et des Moughataas ainsi que dans les villes densément peuplées ou là où la prévalence de la pauvreté est fortement élevée

(2) L’existence d’un parc de véhicules ayant des caractéristiques techniques prenant en compte le caractère très périssable du poisson et l’exigence d’être salubre et de bonne qualité au bout de la chaîne, le volume des quantités transportées et les distances entre les entrepôts de collecte et stockage et les points à ravitailler sur toute l’étendue du territoire.

(3) L’impulsion par la SNDP de la promotion de l’électricité partout où les infrastructures de stockage et de distribution de poisson sont présentes. Sur fonds propre ou avec l’aide de l’Etat et ses partenaires, cette société devra rapidement expérimenter l’usage de l’énergie renouvelable, éolienne ou solaire, selon les régions.

(4) La création d’un stock stratégique assez important pour couvrir les besoins probables du pays lors des années de sécheresse et de mauvaise production halieutique, pendant les périodes de soudure ou de toute autre crise liée surtout aux prix de viande ou aux phénomènes climatiques extrêmes.

(5) L’intégration du privé dans le cadre d’un partenariat public-privé. Ceci permettra à la SNDP d’avoir ses propres outils de production pour assurer l’approvisionnement en poisson, réguler ses prix sur le marché national et intervenir fortement dans les occasions politiques comme le veut la tradition.

La réalisation des objectifs escomptés derrière les réformes ci-dessus proposées, est étroitement liée à la formation d'une main-d'œuvre qualifiée suffisante capable de couvrir les besoins pour l’exploitation des différents types de nos ressources halieutiques marines et mêmes continentales, pour la maîtrise des techniques de l’élevage des organismes aquatiques (aquaculture), pour la transformation des produits de pêche, pour la construction et réparation navales. Elles dépendent également de la disponibilité et la valorisation de cadres de gestion et d’encadrement patriotes, compétents et de bonne moralité.

Par ailleurs ; j’ose interpeler, au nom de beaucoup de mes concitoyens, les pouvoirs publics pour qu’ils cherchent urgemment une alternative à la distribution du poisson provenant de navires Européens, Chinois, Turcs, Sénégalais et autres.

Attention ! Le statu quo signifierait, en langage de "Ahil Al-Charg", connu pour être facilement décodable, que la constitution d’une flotte mauritanienne avec des équipages mauritaniens n’est pas une perspective ni du court, ni du moyen terme. Ainsi, le revers de la médaille ne pourrait être qu’une volonté tacite de faire substituer, progressivement et subtilement, le peu qui reste de l’armement national par des étrangers et de ‘’faux étrangers’’ ; les moyens utilisés à cette fin étant des régimes d’accès à la ressource et des montages juridiques et para juridiques accordés aux navires et sociétés. Ce serait dommage !

Dr Sidi El Moctar TALEB HAMME

Première partie : https://cridem.org/C_Info.php?article=754191



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