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08-05-2025

19:01

“Marges de vérité”: Le sésame du conseil des ministres

La Dépêche - Il y a des soirs, dans ce pays au vent lourd, où l’on pourrait croire que le temps lui-même a capitulé. Chaque mercredi, la même scène : des jeunes aux yeux ronds d’espérance, scotchés devant le journal télévisé de la TVM, attendant que le Conseil des ministres leur tende enfin ce bout de papier qui les arracherait à l’oubli.

Ils écoutent, ils comptent, ils espèrent. Mais c’est toujours la même musique : les mêmes noms, servis, resservis, réchauffés comme un vieux thé amer dans une théière cabossée.

Ici, le pouvoir n’a pas de montre, il a un disque rayé. Ceux qui furent hier les petits marquis du sérail, les intendants des salons ministériels, les marins d’eau douce de toutes les conférences, sont là aujourd’hui, et seront encore là demain, sans même que le protocole ne s’embarrasse d’un changement d’étiquette.

On appelle cela la « continuité administrative ». Eux, ils appellent cela « le service de l’État ». Les autres, les jeunes qu’on flatte dans les discours et qu’on oublie dans les décrets, eux, ils appellent cela “poireauter sous la pluie, sans même un parapluie.”

Le mercredi, donc, devient un rituel : dans les gazra, dans les salons populaires, les oreilles se tendent quand débute la litanie des nominations. À chaque fois, c’est l’éternel retour : les mêmes patronymes, les mêmes lignées, parfois jusqu’à la même ponctuation dans l’annonce. La roue tourne, mais elle tourne sur elle-même.

Il faudrait un jour inscrire cette capacité d’hibernation politique au patrimoine immatériel du pays : une élite qui ne prend pas une ride dans les bureaux, même si le monde, lui, file à toute allure. Une génération en conserve, qui vieillit sans jamais descendre de la scène.

Et pendant ce temps, ceux qui n’ont jamais porté ni cravate raide ni costume d’apparat, attendent encore leur mercredi. Celui qui viendra peut-être, ou pas. Parce qu’ici, le futur n’est jamais qu’un vieux passé remis au goût du jour.

Chronique de Mohamed Ould Echriv Echriv





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