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Qui a condamné Mohamed Ould Abdel Aziz ? / Par Abdoulaye SY
La justice ?
Le régime actuel ?
Le peuple ? Hmm… peut-être.
Mais soyons honnêtes : Mohamed Ould Abdel Aziz n’a pas été jugé. Il a été rattrapé… par Mohamed Ould Abdel Aziz.
Car qui, mieux que son propre système — le système Aziz & Cie — pouvait lui tendre un piège aussi méticuleusement conçu ? Un piège sans échappatoire, sans complices fidèles, sans immunité protectrice. Le même système qu’il a bâti, verrouillé, bétonné, jour après jour, décret après décret.
L’ancien président, jadis maître absolu du jeu, stratège de la Constitution élastique, distributeur national de passe-droits et d’ambassades, vient d’écoper de 15 ans de prison ferme pour enrichissement illicite.
Comme si, soudain, plus personne ne volait, ne détournait ni ne pillait la pauvre Mauritanie ! Comme si l’enrichissement illicite n’était plus la norme, mais un crime rare réservé à ceux qui ont perdu l’immunité.
On dirait que cette vieille religion d’État, le pillage organisé, est désormais réservée aux élus du moment. Le patriotisme de haute lignée ne se transmet pas : il se recycle.
Dans le miroir du tribunal, ce n’est pas un simple accusé qu’on a vu. C’était le reflet d’un système, celui de 2005 reconditionné, qui a fini par sacrifier son propre architecte.
Le général devenu chef d’État, puis “ex-président mais pas retraité”, vient d’expérimenter ce que les manuels de science politique appellent le boomerang institutionnel.
Et comme tout boomerang bien lancé, il est revenu droit dans la nuque. Aziz n’a pas chuté. Il s’est effondré sur lui-même. Comme une pyramide construite à la hâte, sans base, sur le sable mouvant des privilèges et des deals secrets.
Et maintenant, enfermé entre quatre murs, loin des tapis rouges, il rumine.
« C’est moi qui ai fait tomber Maaouiya…
C’est moi qui ai fait tomber Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi…
C’est moi… »
Oui, c’était lui.
« Ce système, c’était moi. »
Et c’est ce “moi” qui l’a condamné.
Mais sérieusement… Où sont-ils passés, tous ceux qui l’adulaient hier ?
Où est l’UPR, ce parti-État qui le glorifiait comme un envoyé de Dieu républicain ?
Où sont ces griots politiques, ces troubadours à cravate et à piston, qui fondaient en larmes à la télévision pour réclamer un troisième mandat, comme s’il s’agissait de sauver une espèce en voie d’extinction ?
Silence radio.
Ils ont changé de “Dieu” politique, de discours, de costume… et parfois même de parti.
Aujourd’hui, certains se découvrent soudain républicains convaincus, champions de la transparence, défenseurs de l’État de droit.
Ils dénoncent ce qu’ils bénissaient.
Ils condamnent ce qu’ils ont servi.
Ils acclament une justice qu’ils fuyaient… et qu’ils continueront d’éviter, tant que la lumière ne s’allume pas de leur côté.
Mais au fond, le plus ironique, c’est que ni la justice, ni le peuple, ni l’opposition ne l’ont vraiment fait tomber.
C’est Mohamed Ould Abdel Aziz qui a fait tomber Mohamed Ould Abdel Aziz.
Par son mépris des institutions.
Par sa passion pour la prédation.
Par son culte du “moi”, de “mes amis”, de “ma volonté” érigée en loi.
Par cette confusion permanente entre l’État et ses envies.
Tout cela a patiemment pavé le chemin vers cette cellule…
Cellule qu’il ne peut plus repeindre en or, ni climatiser par décret.
Non, Aziz n’a pas été "trahi". Il a été parfaitement fidèle à ses propres choix.
Et aujourd’hui, il est seul.
Seul avec ses souvenirs,
Ses regrets peut-être.
Et ce silence lourd, glacial, que seuls les anciens puissants reconnaissent au premier souffle : le silence de l’oubli…
Qui sera le prochain ? Attendez, et vous verrez.
SY ABDOULAYE