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20-06-2025

23:30

Mauritanie 2025 : entre volontarisme budgétaire et impuissance structurelle

Alors que la loi de finances 2025 entre dans sa phase d’exécution, les premiers signaux interrogent. Entre ambition budgétaire et inertie institutionnelle, la Mauritanie se confronte à ses propres limites : celles d’un État qui veut, mais peine à faire.

En ce mois de juin 2025, la Mauritanie entre dans le second semestre d’un exercice décisif. Saluée comme un tournant budgétaire majeur, la loi de finances 2025 incarne une ambition claire : investir massivement, mobiliser des ressources internes et engager une transformation structurelle.

Mais entre les intentions affichées et la réalité d’exécution, un gouffre persiste. Car gouverner, ce n’est pas seulement annoncer : c’est délivrer.

Corps : Promesses budgétaires, inerties profondes

Avec un budget d’investissement financé à 78 % par des ressources nationales, le pays affiche une volonté de rompre avec la dépendance extérieure. Pourtant, les lenteurs administratives, les procédures inabouties et les appels d’offres infructueux freinent la mise en œuvre.

Le déficit s’établit à 6,37 milliards MRU, et les projets structurants peinent à décoller. Même le Code des marchés publics, outil de transparence salué en 2021, reste lettre morte sans mécanismes de sanction efficaces.

Gouvernance morcelée, pilotage en silos

Parlement peu impliqué, collectivités sous-dotées, Cour des Comptes marginalisée : la chaîne de contrôle institutionnelle est brisée. Quant aux partenaires techniques, leur coordination reste fragile. Il manque une colonne vertébrale : un pilotage républicain, ancré dans les territoires, les métiers, les quartiers.

L’or bleu du gaz, ou le mirage du progrès ?

Le projet GTA-Tortue cristallise tous les espoirs de transformation. Mais les pays riches en hydrocarbures le savent : sans gouvernance rigoureuse, une rente peut rapidement devenir un poison. C’est le risque du “syndrome hollandais” une économie dopée par la rente, mais affaiblie dans ses secteurs productifs.

Pour éviter ce piège, la Mauritanie devra instaurer un cadre ESG fort. Autrement dit, un ensemble de normes Environnementales, Sociales et de Gouvernance, qui obligent les opérateurs à respecter des critères de durabilité, de transparence et d’équité dans l’exploitation des ressources.

À cela s’ajoute la nécessité d’un Fonds souverain national, d’une fiscalité adaptée et d’une loi claire sur la gestion intergénérationnelle des revenus gaziers. Pour l’instant, ce cadre reste à construire.

Inclusion en attente, données absentes

Chômage des jeunes en hausse, SNIF peu opérationnel, santé sous-financée, éducation inégalitaire : les promesses sociales tardent. Et sans données fiables ni digitalisation efficace, l’État gouverne à l’aveugle. Aucune politique publique ne peut être évaluée sans transparence, ni pilotée sans informations actualisées.

La Mauritanie, entre posture géopolitique et exécution faible

La présidence mauritanienne du Conseil des gouverneurs de la BAD est une avancée symbolique. Mais dans les faits, les projets tardent : seulement 53 % d’exécution. Le rail Zouerate-Nouadhibou reste un actif sous-exploité. Les corridors logistiques ne deviendront vecteurs de transformation que si les capacités techniques nationales sont consolidées.

La Mauritanie ne pourra honorer ses engagements que si elle transforme ses ambitions en capacité réelle d’action. Cela suppose une réforme de la gouvernance, une justice fiscale assumée, un pilotage rigoureux et une transparence renforcée.

Un budget ne vaut que s’il restaure la confiance, pas s’il l’épuise.

Mansour LY



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