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Respect des statuts des partis : une exigence démocratique méprisée
Sy Abdoulaye -- Dans toute démocratie fondée sur l’État de droit, le respect des textes juridiques n’est pas une option : c’est une exigence de base. Mais cette exigence ne concerne pas seulement les grandes institutions de la République.
Elle commence dès la cellule fondamentale de toute vie politique organisée : le parti politique. En Mauritanie, comme ailleurs, un parti n’est pas une simple étiquette électorale ou une boutique idéologique. Il est une entité juridique dotée de statuts, de règlements et d’obligations claires, librement acceptées par ses membres.
Le statut d'un parti politique est, dans son champ d'application, l'équivalent d'une constitution : il définit l'identité, les valeurs, la ligne directrice, la structure organisationnelle et mécanismes de décision du parti. Il s'impose à tous les militants, à fortiori aux élus.
Quand au règlement intérieur, il en constitue le prolongement pratique et disciplinaire, détaillant les modalités de fonctionnement quotidien.
Ces deux textes ont une valeur normative incontestable, et ils servent de référence devant les juridictions civiles et administratives en cas de litige interne.
Pourtant, la pratique politique en Mauritanie foule aux pieds ces principes fondamentaux. De nombreux députés siégeant à l’Assemblée nationale ont été investis, élus et hissés au pouvoir au nom d’un parti politique. Mais une fois en poste, ils tournent le dos à la structure qui les a portés : ils refusent de cotiser, boudent les réunions, ignorent les lignes du parti, s’autoproclament “indépendants” tout en conservant le mandat obtenu grâce à l’étiquette qu’ils renient.
Pire encore : certains militent activement pour créer leur propre parti, parfois en pleine législature, tout en continuant à siéger sous la bannière du premier. Ce comportement est non seulement une trahison politique, mais aussi un mépris manifeste du droit.
Car la loi est claire. L'article 6 du code électoral stipule que « les candidatures sont faites au nom des partis politiques légalement reconnus. La déclaration de candidature est libellée sur papier à en-tête du parti politique. » Cela signifie que le mandat appartient politiquement au parti, pas à l’individu seul.
De plus, l'article 3 nouveau de la loi n°2012-024 sur les partis politiques précise que «nul ne peut être affilié à plus d'un seul parti politique.» Cette disposition interdit explicitement la double appartenance, y compris de manière dissimulée : il est donc juridiquement incohérent et politiquement malhonnête de créer une nouvelle formation tout en concevant les avantages et la visibilité lié à une précédente affiliation.
Le plus grave reste le silence complice des institutions. Ni le ministère de l’intérieur (autorité de tutelle des partis), ni le bureau de l'Assemblée nationale, ni les instances de contrôle électoral ne semble réagir. Ce vide réglementaire et institutionnel fragilise toute la chaîne de crédibilité démocratique.
Car si élu peut trahir librement le parti qui l'a fait être, sans en assumer les conséquences, alors le parlement deviens un marché politique désordonné, sans discipline, sans loyauté =, sans cadre.
Et si les partis eux-mêmes ne peuvent pas faire respecter leurs propres textes pourtant validés par l’État lors de leur reconnaissance officielle alors c’est la notion même de démocratie organisée qui est vidée de son sens.
Il est donc urgent d’agir. Non pour restreindre le pluralisme, mais pour restaurer la responsabilité, la rigueur et la cohérence dans le fonctionnement partisan. Cela passe par une réforme législative renforçant :
• le lien juridique entre le mandat et le parti d'investiture;
•les sanctions contre les élus transfuges;
•la reconnaissance du non-cumul d'appartenance politique réelle et juridique.
Car respecter les statuts de son propre parti, ce n'est pas une formalité. C'est le premier pas vers le respect de la constitution nationale.
Sy Abdoulaye
Secrétaire général de l'institution de l'opposition démocratique Mauritaniennes.
Suppléant du député de l’Amérique du nord