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Ce n'est pas Ali Bekar qui doit être en prison. Par Pr. ELY Mustapha
Pr. ELY Mustapha -- Les dénonciations hélas ! jugulées de la corruption, des malversations et des détournements des ressources halieutiques ...au vu et au su de tous y compris des gouvernants mauritaniens… ne portent que sur une infime partie visible de ce qui est le champ immense de lobbies internationaux à ramifications de mafias locales en connexion avec des investisseurs et armateurs étrangers pour un pillage organisé des ressources halieutiques du pays ( et pas seulement ce secteur d'ailleurs - voir mon livre blanc sur "la corruption en Mauritanie") .
Cet article prend ouvertement la défense du dénonciateur à juste titre, Ali Bekar, et contribue, au-delà des preuves, qu'il a lui-même et sa défense versées au dossier de l'affaire, à montrer qu'une justice sous pression peut cautionner l'arbitraire même lorsque les preuves ...sont évidentes, tangibles et rapportables.
Le pillage des pélagiques...
Notre pays se trouve au cœur du courant des Canaries, avec des stocks de petits pélagiques convoités. L’accord de pêche UE–Mauritanie, en vigueur du 16 novembre 2021 au 15 novembre 2026, organise l’accès des flottes européennes et prévoit une contribution annuelle totale de 60,8 millions d’euros.
La page officielle de la Commission en rappelle les dates, la nature « accord mixte », et le montant. Le règlement du Conseil 2021/2061 confirme le cadre juridique et la répartition des possibilités de pêche.
Le « pillage » s’opère par trois mécanismes documentés. D’abord, l’IUU. La FAO estime à 2,3 milliards de dollars par an, entre 2010 et 2016, les pertes pour les pays CCLME dont la Mauritanie. Cette estimation revient dans plusieurs synthèses et notes de connaissance.
Les analyses de Global Fishing Watch montrent aussi une intense activité de navires reefer et de « loitering » au large de l’Afrique de l’Ouest, un comportement associé aux transbordements en mer, qui compliquent le contrôle et favorisent les captures non déclarées. Des travaux antérieurs détaillent l’algorithme d’identification des transbordements et cartographient les ports touchés.
Ensuite, l’orientation d’une partie croissante des petits pélagiques vers les usines de farine et d’huile de poisson à Nouadhibou. Des enquêtes publiques et des rapports d’ONG décrivent une hausse rapide des capacités depuis l’octroi du statut de zone franche au port, l’essor d’unités privées, et des flux d’exportation vers l’aquaculture européenne.
Changing Markets et Greenpeace rappellent qu’en 2019 plus de 70 pour cent de l’huile de poisson exportée par la Mauritanie a pris la route de l’Union. Reuters avait déjà documenté le lien entre sardinelles et industrie FMFO en Mauritanie
La pollution...mortelle
Enfin, la pollution industrielle. Une étude de 2023 sur la baie du Lévrier à Nouadhibou mesure une contamination physico - chimique et microbiologique autour des rejets d’usines FMFO. Un article de 2024 synthétise aussi ces travaux et en cite les références. Une évaluation d’impact « droits humains » conduite en 2023 au Sénégal et en Mauritanie recueille des témoignages sur les fumées, les odeurs, et des symptômes respiratoires près des installations mauritaniennes.
Les chaînes d’export et les intérêts économiques sont identifiés. Des enquêtes récentes par DeSmog détaillent les acteurs liés aux programmes privés de « pêcheries améliorées » en Afrique de l’Ouest. Elles citent Olvea, Norsildmel et Pelagia, ainsi que des acheteurs d’aliments aquacoles comme Cargill et Skretting, qui s’approvisionnent en Mauritanie. CFFA a, de son côté, documenté le rôle d’Olvea et les flux d’huile au départ de Nouadhibou. Ces éléments éclairent le déplacement de valeur hors du pays.
Les « dénonciateurs » et lanceurs d’alerte existent, en Mauritanie et au - delà. La Fédération nationale de la pêche artisanale de Mauritanie a transmis à des réseaux régionaux des vidéos montrant du poisson frais détourné vers les usines, ce qui a déclenché des interpellations publiques auprès de la Commission européenne.
La Coalition for Fair Fisheries Arrangements, coordonnée par Béatrice Gorez, publie depuis des années des analyses sur Nouadhibou et la farine de poisson. Greenpeace Afrique et des collectifs de pêcheurs, notamment Taxawu Cayar au Sénégal, portent la contestation judiciaire et médiatique contre les usines FMFO voisines, ce qui éclaire aussi la situation mauritanienne.
Les données techniques d’effort de pêche sont accessibles et exploitables. Global Fishing Watch met à disposition une carte et des API publiques pour visualiser l’effort apparent, la présence des navires et les détections SAR.
Un travail FarFish a comparé AIS et VMS sur 2012 à 2016 pour la Mauritanie et le Sénégal. Il signale que des écarts entre signaux et obligations déclaratives peuvent indiquer des activités IUU. On peut même extraire des couches par pavillon et par engin, puis superposer la limite de ZEE mauritanienne!
Des décisions politiques récentes modifient les cibles de la filière FMFO. Depuis mai 2021, les autorités mauritaniennes interdisent l’usage de la sardinelle ronde pour la farine. Les investigations DeSmog montrent un report de l’effort vers les sardines et une progression des exportations, malgré les objectifs de réduction antérieurs.
. Les lobbies de la pêche en Mauritanie; méthodes d’influence, pressions sur les dénonciateurs Le système de lobbying s’appuie sur trois cercles. Des industriels FMFO à Nouadhibou, des négociants et transformateurs européens, et des plateformes sectorielles qui parlent au nom de la “durabilité”.
Des enquêtes nomment Olvea, Pelagia et sa filiale Norsildmel, ainsi que des acheteurs d’aliments aquacoles. Ces acteurs se positionnent comme partenaires de projets d’amélioration des pêcheries en Mauritanie, tout en s’approvisionnant en FMFO local. DeSmog a documenté ces liens, y compris des chevauchements de gouvernance entre IFFO, MarinTrust et des entreprises opérant en Mauritanie.
Le levier institutionnel se joue à Bruxelles et à Nouakchott. L’accord UE–Mauritanie, dit SFPA, offre un cadre où les positions industrielles pèsent via avis consultatifs et réunions techniques. Les textes prévoient un Comité mixte, des minutes signées, et des échanges par lettres.
Les ONG rappellent que les discussions sur les petits pélagiques se tiennent dans ces instances avec une faible transparence publique. Les notes CFFA suivent ces réunions et signalent la pression pour assouplir des mesures spatiales ou techniques.
Le levier de légitimation passe par les labels et “roundtables”. Le FIP Mauritanie sur les pêcheries de réduction sert de vitrine. Des analyses indépendantes pointent des conflits d’intérêts, une gouvernance dominée par des représentants d’entreprises, et des progrès limités sur les stocks de sardinelles. IFFO et MarinTrust contestent ces critiques, mais ne dissipent pas les doutes sur l’indépendance des comités. SFP défend le FIP et met en cause les ONG. Le débat montre une stratégie de réputation qui neutralise la contestation en la renvoyant à un “désaccord technique”.
Le levier économique combine opacité d’approvisionnement et pouvoir de marché. Des acheteurs européens confirment des achats en Mauritanie, tout en refusant de divulguer leurs fournisseurs et volumes, ce qui bloque la traçabilité publique. Danwatch a documenté ce refus, qui empêche d’attribuer précisément les flux à des usines. DeSmog a chiffré des importations Norsildmel depuis la Mauritanie sur 2017 à 2020, et rappelé que le PDG de Pelagia préside IFFO, ce qui alimente les critiques sur la concentration d’influence.
Le levier local s’appuie sur l’ancrage des usines et leurs soutiens. À Nouadhibou, des sources font état de dizaines d’unités FMFO, avec des appuis politiques et d’affaires. Des “protecteurs” locaux et des violations réglementaires sont signalés. Les demandes de fermeture ou de contrôle strict rencontrent des résistances liées aux emplois et aux rentes. ICSF et d’autres relais rapportent une colère locale face aux rejets et aux odeurs, sans réponses durables
Les méthodes des lobbies pour faire taire ou décourager les dénonciateurs, les voici:
1. Décrédibiliser. Réponses publiques d’organisations industrielles accusant les critiques de partialité ou d’erreurs, tout en conservant le contrôle des données clés. On peut citer l'exemple des communiqués IFFO ou MarinTrust qui répondent sur la forme, mais toutefois pas sur les conflits d’intérêts de gouvernance.
2. Déplacer le débat vers des arènes techniques. Réunions de Comités scientifiques et mixtes où l’accès des communautés et ONG est limité. Les conclusions sont publiées tardivement, voire résumées. Ce cadrage réduit la portée des alertes publiques venues des pêcheurs artisanaux.
3. Saturer l’espace médiatique avec des narratifs de “transition”. Annonces de plans de travail du FIP, promesses d’observateurs à bord et de traçabilité, sans livrer des séries ouvertes et auditables. Le Roundtable sur les ingrédients marins publie des feuilles de route qui renforcent l’image de dialogue, sans effets mesurables directs sur les captures détournées vers la farine.
4. Invoquer les emplois et l’investissement pour obtenir des arbitrages favorables. Les bailleurs et banques de développement décrivent des lignes de crédit et des objectifs de “valeur locale”. Dans les faits, une part importante du poisson alimente la FMFO, avec un bénéfice social contesté par la société civile. La rhétorique de l’emploi sert à marginaliser les critiques locales sur la pollution et l’accès à l’alimentaire.
5. Entretenir l’opacité des flux. Refus de divulguer les fournisseurs, transbordements ou débarquements hors Mauritanie, ce qui fragilise la vérification indépendante. Des travaux soulignent des préférences de débarquement à Las Palmas et l’usage de reefers, éléments qui compliquent le suivi citoyen.
6. Pressions indirectes dans un contexte d'espace civique restreint. La Mauritanie , comme c'est le cas actuellement de Ali Bekar, consacre la répression d’opposants et de journalistes, déjà relevée par Civicus et Amnesty. Ce climat pèse sur la liberté d’expression des communautés affectées par la FMFO, même si les cas documentés relèvent souvent de motifs politiques plus larges. Le risque d’intimidation et d’auto-censure existe pour des lanceurs d’alerte locaux. Qui alerte, et comment ils sont ciblés?
En Mauritanie, la Fédération nationale de la pêche artisanale a diffusé des vidéos montrant l’orientation de poissons frais vers les usines. Après publication, le contre-discours a insisté sur la “conformité” des usines ou a nié l’ampleur du phénomène. CFFA a relayé ces éléments et été prise à partie par des acteurs liés au FIP.
Des enseignants, pêcheurs et habitants de Nouadhibou dénoncent les rejets et la prise en main du secteur par des intérêts puissants. Le récit médiatique pro-usines met en avant l’investissement étranger et la “modernisation” du port pour relativiser ces témoignages.
Au niveau régional, Greenpeace Afrique, des collectifs de pêcheurs au Sénégal, et des médias d’enquête, comme Reuters, exposent les effets du modèle FMFO sur les sardinelles. Les réponses industrielles invoquent les “engagements de durabilité”, sans ouvrir les carnets d’achats ni les données d’usine.
Défendre Ali Bekar: les pièces à verser au dossier
Récupérer les preuves sur ces liens:
1. Gouvernance et accès. Récupérez les minutes du Comité mixte UE–Mauritanie, les avis LDAC, et les analyses AGRINFO pour dater les inflexions réglementaires, y compris le débat sur la distance à la côte pour les pélagiques. (EUR - Lex, ldac.eu, agrinfo.eu)
2. Conflits d’intérêts et communication. Récupérer les pages du Roundtable et de MarinTrust, les communiqués IFFO, et les enquêtes DeSmog et EUobserver décrivant les chevauchements d’intérêts et la communication de crise. (Global Roundtable on Marine Ingredients, SeafoodSource, DeSmog, EUobserver)
3. Flux commerciaux. S'appuyez sur Danwatch et CFFA pour identifier les acheteurs européens récurrents, les refus de divulgation, et les tendances d’importation. Associez ces données à des douanes ouvertes si disponibles. (Danwatch, cffacape.org)
4. Terrain à Nouadhibou. Recenser les plaintes publiques, les interviews de lanceurs d’alerte, et les articles qui mentionnent le nombre d’usines et leurs soutiens locaux. (ICSF)
5. Nommer les organisations qui portent la contestation, et citez leurs pièces. FNPA Mauritanie, CFFA, Greenpeace Afrique, médias d’enquête. (cffacape.org, Greenpeace, Reuters)
6. Nommer les plateformes et responsables de gouvernance sectorielle lorsqu’ils pèsent sur la régulation. IFFO, MarinTrust, Roundtable on Marine Ingredients. (SeafoodSource)
7. Apporter les faits prouvés, les positions, et les allégations.
8. Appuyer chaque nom d’entreprise par une source primaire ou une enquête. Indiquez les dates exactes.
9. Documenter les méthodes d’influence avec des exemples concrets. Refus de divulgation des fournisseurs, répliques médiatiques, cadrage technique des débats, minutes de comités, et projets de “transition” sans données ouvertes. (Danwatch, SeafoodSource, EUR - Lex) Autres pièces à verser au dossier, avec valeur probante.
1. Page officielle SFPA Mauritanie. Dates, type d’accord, contribution annuelle. Utile pour fixer les bornes temporelles et financières. Oceans and fisheries
2. AGRINFO, fiche de synthèse. Rappels réglementaires, obligations de débarquement et de transbordement, allocations. Utile pour cadrer les marges de manœuvre des flottes. AGRINFO+1
3. EUR - Lex, accord 2021. Base primaire pour citer les articles sur gouvernance, comités mixtes et obligations. EUR - Lex
4. MarinTrust, mise à jour IP Mauritanie mars 2025. Suivi des actions du FIP, liens vers « preuves ». Utile pour tester la qualité et l’ouverture des annexes. MarinTrust
5. MarinTrust, gabarits et exigences de reporting. Utile pour vérifier la conformité des livrables FIP et l’existence d’évidences publiques. MarinTrust
6. CFFA, « Certifier l’insoutenable ». Analyse critique du FIP, noms d’entreprises, filières, risques de conflits d’intérêts. Utile pour recouper le narratif industriel. capecffa.org Fair Fisheries Coalition
7. Coalition IUU Fishing, principes de transparence pour les SFPAs. Utile pour exiger la publication des comptes rendus, des données d’effort et d’exécution. iuuwatch.eu
8. Évaluation et documents parlementaires UE 2025. Contexte budgétaire et recommandations sur les accords. Utile pour rapporter les débats de fond. European Parliament
9. Convention de financement FIP–IMROP 2020. Élément probant sur les objectifs initiaux, utile pour comparer promesses et livrables. FisheryProgress
Voir le Tableau récapitulatif en fin de cet article.
Ali Bekar ne doit pas être condamné : un citoyen courageux poursuivi à tort
L’arrestation d’Ali Bekar marque une dérive grave : transformer un lanceur d’alerte en prisonnier au lieu de juger ceux qu’il expose. Ali Bekar n’a commis aucun crime. Il a simplement aidé à lever le voile sur un pillage organisé des ressources halieutiques mauritaniennes. Ses éléments - rapports de la FAO, données satellitaires, témoignages de pêcheurs - n’ont pas été examinés avec la diligence requise. Il est désormais derrière les barreaux, tandis que les véritables responsables, eux, agissent dans l’impunité.
Ali Bekar a transmis à la justice, aux ONG et à la presse une série de documents incontestables. Ceux - ci révèlent que plus de 500 000 tonnes de petits pélagiques sont détournés annuellement vers les usines de farine et d’huile de poisson.
Global Fishing Watch a identifié des transbordements illégaux dans la zone économique exclusive mauritanienne. Des études universitaires dénoncent la pollution persistante de la baie du Lévrier. Des pêcheurs artisanaux confirment que les captures sont systématiquement accaparées par ces unités industrielles. Ces données sont publiques, objectives et ignorées injustement dans le cadre de l’instruction.
Les documents retransmis désignent clairement plusieurs multinationales : Olvea,
Pelagia/Norsildmel, Cargill, Skretting et Royal Canin. Elles valident leur légitimité à l’aide d’organismes de certification comme MarinTrust ou IFFO, mais les audits internes révèlent que ces usines continuent d’exploiter des captures provenant de stocks déjà en déclin. Ce système est soutenu localement par des opérateurs portuaires, des agents du ministère des Pêches et même certains décideurs politiques, autorisant des licences hors cadre légal et verrouillant toute sanction.
La législation mauritanienne présente une protection explicite aux auteurs de dénonciations. L’article 19 de la loi n° 2016-014 sur la lutte contre la corruption stipule que les témoins, experts, victimes ou lanceurs d’alerte doivent bénéficier d’une protection spéciale. Elle réprime toute intimidation ou représailles par une peine d’un à cinq ans d’emprisonnement et une amende de 200 000 à 1 000 000 d’ouguiyas.
Cette disposition vise directement les personnes comme Ali Bekar, et ce dispositif légal doit lui être appliqué dans sa protection, au lieu de le poursuivre. Tout agissement visant à le réduire au silence constitue une violation grave de cette loi. Le droit mauritanien rivalise de clarté : la Constitution garantit la liberté d’expression (article 10) et impose la protection des ressources naturelles (article 57).
Le Code pénal exonère de responsabilité pénale quiconque agit pour prévenir un crime (article 74). La loi anticorruption non seulement protège les lanceurs d’alerte (article 19), mais punit également la non - déclaration d’infraction (article 20).
Sur le plan international, la Convention des Nations unies sur le droit de la mer impose une gestion durable des ressources halieutiques. La Charte africaine des droits de l'homme garantit un environnement sain. Enfin, la Déclaration ONU sur les défenseurs des droits humains protège explicitement ceux qui dénoncent des violations graves. En honorant ces dispositifs, Ali Bekar respecte la loi. En le poursuivant, l’État mauritanien les trahit.
L’appui de la charia islamique
En droit islamique, le principe de "Hisbah" oblige tout musulman à recommander le bien et interdire le mal (al-amr bil ma’ruf wa al-nahy ‘an al-munkar), conformément au verset :
"Que soit issue de vous une communauté qui appelle au bien, ordonne le convenable et interdit le blâmable. Ce sont eux les gagnants." (Coran 3:104).
Le Prophète (paix et bénédictions sur lui) a dit :
"Celui qui voit un mal, qu’il le change de sa main ; s’il ne peut pas, alors de sa langue ; et s’il ne peut pas, alors dans son cœur, et c’est le degré le plus faible de la foi." (Hadith authentique, Sahih Muslim).
Ali Bekar a respecté cette obligation islamique en dénonçant un préjudice grave porté à la communauté. En charia, nuire à celui qui remplit cette mission est interdit et constitue une injustice (zulm).
Les juristes musulmans reconnaissent que celui qui informe les autorités d’un crime ou d’une atteinte à l’intérêt général est un témoin véridique (shahid ‘adl), et non un délinquant. Porter atteinte à sa personne est une violation de la hurma (inviolabilité) garantie par la loi islamique. Le calife ‘Omar ibn al-Khattab disait :
"Quiconque dissimule la vérité, alors qu’elle permet de protéger la communauté, est un traître." En conséquence, emprisonner un dénonciateur revient à punir l’accomplissement d’un devoir religieux et civique, ce qui est contraire à la justice islamique.
La Mauritanie, en tant que République islamique, se fonde sur la charia comme source principale du droit (article 89 de la Constitution). Les dispositions de la loi n° 2016-014 sur la lutte contre la corruption, notamment son article 19, précité trouvent un appui direct dans les principes islamiques de protection du juste et répression du corrupteur. En outre, le droit international, notamment la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits humains, rejoint ces mêmes valeurs.
De l'instruction de l'Affaire..
L’instruction de cette affaire est entachée d’irrégularités majeures. Les éléments de défense présentés par Ali Bekar n’ont pas fait l’objet d’analyse ni de vérification. Pire encore, l’accusation repose en partie sur des acteurs directement mis en cause dans les rapports - un conflit d’intérêt flagrant. Aucune enquête indépendante n’a été ouverte sur les faits de corruption, dépassement de quotas ou détournement de captures. Le dossier se focalise sur le dénonciateur, au lieu de mettre en lumière les auteurs des infractions.
En droit mauritanien, le juge d’instruction est tenu à un devoir d’impartialité, de diligence et de respect strict de la loi. Le Code de procédure pénale impose de vérifier l’ensemble des éléments à charge et à décharge, et de garantir les droits de la défense.
La loi n° 2016- 014 sur la lutte contre la corruption précitée prévoit, à son article 19, la protection des dénonciateurs contre toute intimidation ou représailles, y compris par les autorités judiciaires. Ne pas appliquer cette protection constitue une violation directe de la loi.
Un juge qui, par négligence grave, prive un citoyen de sa liberté sans base légale engage sa responsabilité civile. L’article 1382 du Code civil mauritanien (reprenant le principe du Code civil français) dispose que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
Ainsi, si l’instruction menée contre Ali Bekar est viciée par des irrégularités manifestes, comme l’ignorance délibérée de preuves disculpatoires, le juge peut être personnellement poursuivi pour réparation du préjudice moral et matériel subi.
La législation pénale mauritanienne sanctionne les abus d’autorité. L’article 89 du Code pénal punit l’arrestation ou la détention arbitraire. L’article 101 prévoit des sanctions pour les magistrats qui violent la loi dans l’exercice de leurs fonctions.
Dans le cas d’Ali Bekar, maintenir la détention en connaissance de preuves disculpatoires pourrait constituer une détention arbitraire et un abus d’autorité, engageant la responsabilité pénale du magistrat instructeur.
Le statut de la magistrature mauritanienne impose des règles déontologiques strictes. Un juge qui outrepasse ses pouvoirs ou qui manque à son devoir d’impartialité s’expose à des sanctions disciplinaires, pouvant aller du blâme à la révocation.
Dans une affaire impliquant un lanceur d’alerte protégé par la loi, une instruction partiale ou complaisante envers les auteurs présumés du crime dénoncé constitue une faute professionnelle grave.
La relaxe immédiate s’impose.
Au regard de ces faits et de ce cadre juridique, il n’y a pas place à condamnation. Ali Bekar doit être relaxé immédiatement. Sa détention est infondée, illégale et va à l’encontre des droits nationaux et internationaux. Le tribunal a le devoir de prononcer sa libération, de restituer ses documents, et de recommander l’ouverture d’enquêtes indépendantes sur la corruption, le pillage et la pollution qu’il a courageusement dénoncés.
D'autre part au vu de la détention arbitraire et des actes de torture à documenter, Ali Bekar devrait intenter un procès contre l'Etat et demander , non seulement justice , mais une indemnisation matérielle et morale du préjudice subi.
Pr ELY Mustapha
Tableau récapitulatif :
Pièce Description Source Lien direct
Rapport FAO / CCLME Estimation des pertes annuelles de 2,3 milliards USD dues à la pêche IUU en Afrique de l’Ouest, incluant la Mauritanie FAO, CCLME https://www.fao.org
Données Global Fishing Watch Cartographie des transbordements suspects dans la ZEE mauritanienne Global Fishing Watch https://globalfishingwatch.org
Accord SFPA UE–Mauritanie 2021–2026 Texte intégral et protocoles fixant quotas, zones et obligations EUR - Lex / DG MARE https://eur - lex.europa.eu
Code de la pêche et de l’aquaculture (Loi n° 2015 - 017) Dispositions réglementant la capture, transformation et débarquement Gouvernement Mauritanie http://www.justice.gov.mr Étude scientifique sur la baie du Lévrier (2023) Analyses physico - chimiques et microbiologiques montrant une pollution industrielle Université de Nouakchott / Revues scientifiques https://www.frontiersin.org
Rapport CFFA 2023 Analyse critique du FIP Mauritanie, identification des acteurs industriels et risques de conflits d’intérêts CFFA https://www.cffacape.org
Rapport Changing Markets Impact de l’industrie de la farine de poisson sur la sécurité alimentaire Changing Markets Foundation https://changingmarkets.org
Témoignages FNPA Mauritanie Vidéos et déclarations publiques sur le détournement de sardinelles vers les usines FMFO FNPA https://cape - cffa.squarespace.com
Rapport Greenpeace Afrique Documente les effets de la pêche industrielle sur les communautés côtières Greenpeace Afrique https://www.greenpeace.org/africa
Données douanières / flux commerciaux Exportations FMFO depuis Nouadhibou vers l’Europe et l’Asie Statistiques nationales et ONG https://unctad.org