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Au Sahel, les attaques djihadistes ont presque triplé
DW -- Les attaques de groupes djihadistes ont quasiment triplé dans le Sahel entre 2019 et 2024. C'est ce que révèlent les chiffres publié par l'Acled.
Le nombre d'attaques dans la région a explosé : de 1.900 en 2019, principalement concentrées à la frontière entre le Mali et le Burkina Faso, à plus de 5.500 en 2024, et déjà 3.800 en 2025 jusqu'au 10 octobre. Soit 28.715 en presque six ans selon l'Acled, une organisation indépendante recensant les victimes de conflits dans le monde.
Au Burkina Faso, entre 60 et 70 % du territoire serait sous contrôle djihadiste, selon plusieurs études. Dans le nord et le centre du pays, des villes comme Arbinda, Solhan ou Bourzanga sont totalement isolées.
Les convois de ravitaillement sont régulièrement attaqués, plongeant les habitants dans une crise alimentaire aiguë.
Complexité de la crise
Aly Tounkara, directeur exécutif du Centre des études sécuritaires et stratégiques au Sahel, le CE3S, prévient que la crise sécuritaire devient complexe, car les groupes djihadistes, qui se déplacent désormais librement dans de vastes zones du Sahel, se redéploient vers les pays du Golfe de Guinée.
"Les groupes (jihadistes) sont dans ce projet d'expansion depuis quelques années, notamment à partir de localités anciennement connues comme des quartiers généraux de ces groupes. Ces localités sont aujourd'hui relativement désertées par les groupes radicaux violents qui se dirigent vers la Côte d'Ivoire, le Bénin et le Togo.
On oublie aussi de mentionner que la Guinée et le Sénégal sont aussi des pays qui pourraient être, dans les mois à venir, si la nébuleuse terroriste continue à se métastaser, des cibles privilégiées", analyse Aly Tounkara.
Les données de l'Acled indiquent que le conflit contre les groupes djihadistes couvre désormais plus d'un million de kilomètres carrés, le double de la superficie de l'Espagne. A cette vaste zone s'ajoute un deuxième foyer de violences à l'est du Nigeria près du lac Tchad, où opèrent Boko Haram et l'Etat islamique en Afrique de l'Ouest (Iswap).
Nouvelle dynamique sécuritaire de l'AES
Au Mali, la situation est toute aussi préoccupante qu'au Burkina Faso. Depuis septembre, les djihadistes du Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans, le Jnim, affilié à Al-Qaïda, ont instauré un blocus sur les produits pétroliers.
Résultat : une pénurie de carburant, des champs asséchés et des routes coupées. Ce groupe est le plus influent dans les deux pays et la "menace la plus importante dans le Sahel", selon l'ONU.
Toutefois, pour Abdoulmoumouni Abbas, chercheur sur la prévention de la radicalisation et l'extrémisme violent au Sahel et dans la région du Lac Tchad, la nouvelle dynamique sécuritaire des trois pays de l'Alliance des Etats du Sahel, l'AES, commence à produire quelques résultats sur le terrain.
"Pour le cas spécifique du Niger. Depuis un an, les forces de défense et de sécurité ont amené les terroristes à être dans une situation de déclin stratégique. Donc, ce n'est plus possible pour ces groupes-là, quoi qu'organisés, par exemple, d'attaquer frontalement les forces de défense et de sécurité. Et ce qui se faisait auparavant, où ils avaient la possibilité et le courage d'attaquer tout un bataillon, toute une compagnie, ils ne peuvent plus le faire", déclare Abbas.
À Macina, dans la région de Ségou, au Mali, les symboles de l'État ont disparu. Plus de déclarations de naissance, plus d'actes de mariage. Les administrateurs ont fui.
Malgré les discours des militaires au pouvoir, les djihadistes continuent de frapper fort. Et les populations, elles, appellent à l'aide pour survivre.
Saleh Mwanamilongo