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06-11-2025

05:02

Le Grand Entretien du BLOG | Avec l’ingénieur et l’entrepreneur mauritanien M. Cheikhou GANDEGA

Le Blog Ecrit Osé - Le Grand Entretien du BLOG (le GEB) vous propose l’interview ci-après accordée par l’entrepreneur et spécialiste en Mentorat M. Cheikhou GANDEGA. Natif de la localité de Baydiam dans le Guidimagha mauritanien, l’ingénieur expert en QHSE et CEO de la société GMS PARTNERS a répondu à nos questions avec bienveillance dans ce numéro du 30 octobre 2025 de la rubrique le GEB.

Le week-end dernier (25 octobre 2025), il a été décoré Médaille du Mérite lors de la Semaine de l’Afrique des Solutions tenue à la Mairie du 16e arrondissement de Paris. Une énième consécration de haut rang pour notre compatriote saluant son parcours et ses accomplissements. Félicitations et bonne continuation à lui.

Ici l’expression de notre fraternelle et citoyenne reconnaissance à son égard pour la disponibilité. Bonne lecture à tous.

● Question 1 : Bonjour monsieur Gandéga Cheikhou, merci d’avoir accepté notre interview. Pouvez-vous vous présenter sommairement à nos lecteurs ? (Parcours scolaire, académique et professionnel)

Cheikhou GANDEGA : Je m’appelle Cheikhou GANDEGA, expert en QHSE, RSE et Lean management avec plus de 12 ans d’expérience en France et à l’international.

Arrivé en France, j’ai orienté mon parcours vers le management et la performance des organisations. J’y ai obtenu une Licence en Gestion de Projets, puis un Master 1 en Management des Projets et des Organisations au Pôle Européen d’Économie et de Gestion de Strasbourg, avant de compléter mon cursus par un Master Spécialisé labellisé Grandes Écoles en management QHSE et performance industrielle à l’école d’ingénieurs CESI Campus d’Angoulême.

Fort de 12 années d’expérience au sein de grands groupes européens dans les secteurs de l’industrie, de l’énergie et des services, j’ai décidé de revenir aux sources pour mettre mon expertise au service du continent africain.

C’est ainsi qu’en 2023, j’ai fondé en Mauritanie GMS PARTNERS, un cabinet de conseil et d’ingénierie de formation présent dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre.

Pour découvrir nos expertises, consultez notre site internet :

https://gms-partners.fr

Notre mission : accompagner les entreprises et les institutions vers une performance durable, en alliant qualité, innovation et impact social.

Parallèlement, je m’engage activement dans des programmes d’employabilité et d’entrepreneuriat destinés aux jeunes et aux femmes africains, afin de favoriser leur autonomie, leur insertion professionnelle et leur contribution au développement du continent.

● Question 2 : De votre riche et inspirante expérience, quelles recettes clés en termes de détermination et de résilience pouvez-vous recommander aux jeunes apprenant.e.s (écoliers, étudiants…) et aux aspirant.e.s à l’entrepreneuriat ?

CG : Aux jeunes, je dirais ceci : Osez rêver grand, mais surtout osez croire en votre différence. Car c’est souvent ce qui vous rend unique qui deviendra votre plus grande force.

Moi aussi, je suis parti de loin. Né sous un baobab, j’ai appris très tôt que la vie ne te donne rien gratuitement. Mais j’ai compris une chose essentielle : la chance n’existe pas.

Ce qu’on appelle la chance, c’est l’opportunité qui rencontre la préparation. Alors préparez-vous. Formez-vous. Étudiez. Apprenez un métier. Car l’éducation est la clé qui ouvre toutes les portes, même celles qu’on croyait verrouillées à double tour.

Fixez-vous des objectifs clairs. Ne laissez personne vous dire que vous rêvez trop grand. Les grands rêves ne sont pas faits pour les autres — ils sont faits pour ceux qui ont le courage d’y croire. Entourez-vous de personnes meilleures que vous, de mentors, de modèles, de gens qui vous élèvent. Parce qu’on ne construit rien de solide seul.

La détermination, ce n’est pas la force d’un instant. C’est la constance dans l’effort, jour après jour, même quand personne ne vous regarde. N’ayez pas peur d’échouer : l’échec, c’est l’école de la réussite. Chaque chute vous rapproche de la victoire.

Et surtout, gardez cette flamme en vous : celle de vouloir laisser une trace, d’apporter quelque chose d’utile au monde. Rêver grand, ce n’est pas un luxe, c’est un devoir envers vous-même et envers ceux qui viendront après vous.

Croyez, travaillez, persévérez, et le monde finira par s’incliner devant vos efforts. Parce que tout est possible, à celui ou celle qui s’en donne les moyens.

● Question 3 : Après vos études et une solide expérience professionnelle en France, vous êtes revenu investir en Mauritanie et en Afrique, que donneriez-vous comme conseils cruciaux pour une meilleure réinstallation socio-professionnelle ?

CG : Je dirais qu’une réinstallation réussie en Afrique ne s’improvise pas : elle se prépare, s’adapte et s’ancre dans la réalité locale.

1️-D’abord, comprendre avant d’agir.

Trop souvent, ceux qui reviennent veulent appliquer directement les modèles européens. Or, chaque pays, chaque territoire a ses spécificités. Il faut écouter, observer, comprendre les besoins réels et les codes locaux avant de proposer des solutions. C’est cette phase d’humilité et d’apprentissage qui fait toute la différence.

2️-Ensuite, construire des partenariats solides.

La réussite ne se fait jamais seul. En Afrique, le réseau est un levier essentiel : il faut s’entourer d’acteurs de confiance, qu’ils soient institutionnels, entrepreneurs ou associatifs. La collaboration ouvre des portes et sécurise les projets.

3️– Enfin, cultiver la patience et la résilience.

Les réalités du terrain peuvent être déroutantes : lenteurs administratives, infrastructures limitées, résistances au changement… Mais c’est précisément dans ces défis que se trouvent les plus belles opportunités. Il faut garder le cap, s’adapter et persévérer. Mon conseil ultime : revenez avec vos compétences, mais surtout avec un état d’esprit de bâtisseur.

● Question 4 : le phénomène migratoire est une problématique (notamment les départs massifs et périlleux via des embarcations vers l’Europe) qui touche particulièrement la communauté soninké, avez-vous quelques pistes de réflexion à l’endroit de la population concernée et des décideurs étatiques ?

CG : Trop de familles ont pleuré des fils, des filles, des frères, partis avec l’espoir dans les yeux, et que la Méditerranée a engloutis dans le silence.

Je veux dire à la jeunesse, en particulier à celle de la vallée et du Guidimakha : l’avenir ne se trouve pas forcément ailleurs, il peut se construit ici, pas à pas, avec courage et engagement.

Nous avons trop longtemps cru que la réussite passait uniquement par l’exil. Mais aujourd’hui, le vrai courage, c’est de rester, d’apprendre, d’innover et de bâtir chez soi. Chaque village, chaque région regorge de ressources inexploitées, de talents endormis et d’opportunités à révéler. Il suffit d’y croire, de se former et de s’impliquer.

Formez-vous, cultivez la connaissance comme une arme contre la pauvreté et la résignation. L’éducation est le passeport le plus sûr vers la liberté et l’autonomie, et au-delà des études, intéressez-vous aux initiatives locales : coopératives agricoles, startups sociales, projets environnementaux, associations communautaires… C’est souvent dans ces actions de proximité que naissent les plus grandes transformations.

C’est en croyant en notre terre, en nos idées et en nos compétences que nous ferons de l’Afrique non pas un continent à quitter, mais un continent à construire.

L’État ne peut pas simplement “sensibiliser” ou “réprimer” : il doit redonner confiance. Cela passe par des politiques structurantes et non symboliques.

Créer des zones d’opportunités locales

Investir dans l’agriculture moderne, la transformation agroalimentaire, les énergies renouvelables, les métiers verts.

Favoriser des zones d’emploi rural avec un accompagnement entrepreneurial et des formations adaptées. Décentraliser les investissements pour éviter la concentration urbaine du développement.

Repenser la formation professionnelle

Aligner la formation sur les besoins réels du marché local (BTP, maintenance, TIC, agriculture intelligente, artisanat moderne).

Créer des centres de compétences régionales, accessibles, connectés, et valorisant les métiers manuels.

Impliquer la diaspora

Instaurer des fonds d’investissement de la diaspora avec garanties publiques, pour soutenir des projets créateurs d’emplois.

Faciliter le retour des compétences (programmes d’échange, mentorat, partenariats).

Lutter contre la résignation sociale

Mettre en place des campagnes nationales de valorisation du “rêve africain”, à travers les médias, les écoles, les leaders religieux et communautaires. Encourager les projets culturels et éducatifs qui redonnent confiance à la jeunesse en son identité et son territoire.

● Question 5 : La communauté soninké connaît une crise latente liée à ce qu’on appelle « l’esclavage par ascendance » et ses manifestations, quelles seraient vos recommandations susceptibles d’apporter une certaine cohésion dans l’organisation sociale sans ces tares ?

CG : Parler de « l’esclavage par ascendance » exige d’abord humilité et lucidité, car il s’agit d’une blessure ancienne, profonde, qui continue malheureusement de diviser.

Je crois sincèrement que la première étape vers la cohésion, c’est la vérité. Il faut oser regarder ce passé en face, sans haine ni déni, pour en comprendre les racines et en tirer les leçons. Tant que ce sujet restera tabou, il nourrira la méfiance et freinera l’unité au sein de nos communautés.

Ensuite, il est essentiel de reconstruire les liens sur la base du respect, de la dignité et de l’égalité. Personne ne doit être défini par son origine, son nom ou son ascendance. La valeur d’un être humain se mesure à sa conduite, à son savoir et à sa contribution à la société, pas à l’histoire de ses ancêtres.

Aux leaders communautaires, religieux et politiques, je recommande de jouer un rôle d’apaisement et d’exemplarité. Nous devons ensemble promouvoir un discours de justice sociale, de fraternité et de vivre-ensemble, et encourager le dialogue intergénérationnel pour guérir ces blessures.

En somme, il ne s’agit pas d’effacer le passé, mais de le transcender, pour bâtir une société plus juste, plus apaisée et profondément humaine. C’est ensemble, dans le respect mutuel et la reconnaissance de notre humanité commune, que nous écrirons la plus belle page de l’histoire soninké.

Réalisé par KS pour le BLOG https://ecrit-ose.blog/







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