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08-11-2025

14:44

« J’ai décidé de revenir en Mauritanie et d’investir sur fonds propres »

FINANCIAL AFRIK - Entretien avec Abou Bacry Ly, Président de GDM-AGRICONCEPT et membre du Haut Conseil de l’Investissement

Propos recueillis par Mayo Sow, Nouakchott.

« J’ai décidé de revenir en Mauritanie et d’investir sur fonds propres. » Par cette phrase assumée, Abou Bacry Ly, Président de GDM-AGRICONCEPT et membre du Haut Conseil de l’Investissement, résume un choix stratégique et personnel : transformer l’agriculture mauritanienne par l’innovation, l’agro-écologie et l’investissement privé local. 

En marge de Les Rencontres Africa, événement organisé à Nouakchott en partenariat avec Financial Afrik, celui qui a travaillé durant toute sa carrrière entre l’Afrique et l’Europe, au service de grands projets de modernisation dans les secteurs de l’agriculture, de l’industrie, des finances publiques, de la banque, des médias et de l’enseignement supérieur, conseille d’abord aux jeunes entrepreneurs de ne pas tomber dans le piège du vouloir faire tout seul. « Il faut apprendre à entreprendre ensemble ».

L’entrepreneur et et expert du digital a choisi de revenir dans son pays pour contribuer, concrètement, à la souveraineté alimentaire nationale. Son pari repose sur un projet d’envergure de 21 millions d’euros, lancé dans la vallée du fleuve Sénégal, visant à démontrer qu’une agriculture moderne, durable et compétitive est possible en Mauritanie.

À Rosso, 200 km au Sud de la capitale, Nouakchott, sur un site pilote de 155 hectares situé à 30 kilomètres de la ville, GDM-AGRICONCEPT a installé des infrastructures de nouvelle génération, dont un pivot d’irrigation de près de 500 mètres couvrant 57 hectares, mobilisant des technologies de gestion hydrique intelligente, de rotation culturale adaptée et de restauration des sols sans intrants chimiques.

Ce premier hub sert de matrice pour une montée en échelle ambitieuse, avec une deuxième phase planifiée à Keur-Macène : quatre pivots dans un premier temps, puis vingt-quatre, avec un rythme ciblé de dix à douze pivots par an. L’objectif est clair : construire une filière agricole performante, adaptée au Sahel, capable de produire localement des cultures maraîchères, fourragères et céréalières, ainsi qu’une alimentation animale aujourd’hui importée en masse alors que la Mauritanie compte près de 30 millions de têtes de bétail.

Pour Abou Bacry Ly, l’agriculture ne peut plus être pensée uniquement comme production ; elle doit devenir une industrie intégrée où se rencontrent technologie, formation, recherche, transformation et logistique. Le projet prévoit ainsi des plateformes de stockage, de froid, de conditionnement, des programmes de formation pour techniciens et ingénieurs, ainsi qu’un partenariat étroit avec les institutions de recherche afin de faire émerger une véritable agriculture de connaissance.

Au-delà de l’investissement matériel, il s’agit de bâtir une économie de compétences et de valoriser les jeunes talents. « Nous devons démontrer que la Mauritanie peut produire, transformer et exporter son expertise », insiste-t-il, convaincu que le capital humain est la première ressource agricole du pays. Le projet vise la création d’un millier d’emplois directs et indirects dans les prochaines années, tout en servant de modèle reproductible pour de jeunes agripreneurs et des PME locales.

Ce retour au pays, financé par des fonds propres, est aussi un message : l’investissement productif local peut précéder l’investissement extérieur. Dans un monde marqué par la hausse des prix agricoles, les tensions d’approvisionnement et les risques climatiques, la souveraineté alimentaire devient stratégique. La Mauritanie, comme ses voisins du Sahel, cherche à sécuriser ses chaînes de production et à réduire sa dépendance.

En contribuant à structurer une filière agro-industrielle moderne et résiliente, GDM-AGRICONCEPT s’inscrit pleinement dans cette dynamique nationale. Déterminé, Abou Bacry Ly assume un chemin exigeant : tester, produire, prouver, former, puis amplifier.

Son ambition dépasse son entreprise : elle s’inscrit dans une vision de renaissance productive portée par le retour des compétences de la diaspora et par une nouvelle génération de dirigeants qui choisissent d’investir d’abord sur eux-mêmes et sur leur pays.

Dans la vallée du fleuve, un modèle prend forme : celui d’une agriculture africaine qui conjugue innovation technologique, agro-écologie, souveraineté alimentaire et création de valeur locale. Un modèle qui rappelle que la transformation du continent commencera par des décisions individuelles courageuses — comme celle de revenir, d’investir, et de bâtir.





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