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« L’argent ne peut acheter le silence des victimes », Khally Diallo sur le dossier du passif humanitaire
TRUST MAGAZINE -
Alors que le pays célèbre chaque année sa fête nationale le 28 novembre, cette date demeure profondément marquée par les événements tragiques de 1990, lorsqu’au moins 28 soldats noirs mauritaniens ont été exécutés. Aujourd’hui encore, les victimes et leurs familles réclament justice, malgré une loi d’amnistie qui bloque toute poursuite judiciaire.
Le 28 novembre 1990 restera à jamais gravé dans la mémoire de la Mauritanie. Ce jour-là, alors qu’il n’existait ni guerre, ni invasion étrangère, ni menace sur le pays, des officiers et soldats mauritaniens ont assassiné leurs propres compatriotes en raison de leur appartenance ethnique.
Les victimes étaient des soldats noirs, tous Mauritaniens, musulmans et patriotes, exécutés froidement dans ce qui a été présenté à tort comme un acte lié au 30ᵉ anniversaire de la République islamique de Mauritanie, rappelle Khally Diallo.
Ces événements tragiques, perpétrés les 27 et 28 novembre 1990 à Inal, sont considérés par les historiens et les familles des victimes comme un massacre racial et politique, déguisé sous l’apparence de patriotisme pour intimider et terroriser une partie de la population.
Depuis ce crime d’État, une grande partie du peuple mauritanien refuse de célébrer cette date comme une fête nationale.
Selon Khally Mamadou Diallo, député et opposant, cette revendication dépasse les clivages communautaires : « Nos frères et sœurs de la communauté maure doivent comprendre que cette revendication n’est pas une affaire communautaire mais un devoir moral, religieux et national. Ce crime n’est pas celui d’une ethnie mais d’un pouvoir criminel qui a voulu institutionnaliser la haine et diviser les enfants d’un même pays. »
Le député souligne également l’importance de la mémoire et de la justice : « Réclamer justice pour les victimes d’Inal ce n’est pas semer la haine, c’est refuser le silence complice. Ceux qui demandent aux familles des martyrs de ‘tourner la page’ tout en honorant les assassins sont eux les véritables fauteurs de discorde. »
En octobre 2025, le gouvernement mauritanien a entamé le versement d’une première tranche d’indemnisation de 26 milliards d’ouguiyas (MRO) destinée aux victimes des événements de 1989, dans le cadre du règlement du passif humanitaire.
Toutefois, les familles et certains acteurs de la société civile estiment que cette mesure financière ne suffit pas : la loi d’amnistie adoptée en 1993 empêche toute poursuite judiciaire contre les auteurs présumés, et reste, selon eux, « une insulte à la justice, à l’islam et à la conscience ».
Pour Khally Mamadou Diallo, il est impératif que cette loi soit abrogée afin que les auteurs répondent de leurs crimes : « Tant que cette loi restera en vigueur, le 28 novembre ne sera pas une fête nationale mais une commémoration nationale du sang versé. L’histoire est claire, les 28 soldats mauritaniens ont été pendus pour avoir eu la mauvaise couleur de peau. Et quiconque refuse aujourd’hui de soutenir la quête de justice de leurs familles n’est pas neutre mais complice de l’oubli et allié de l’injustice. »
Le 28 novembre demeure ainsi une date symbolique en Mauritanie, oscillant entre célébration officielle et mémoire douloureuse, rappelant à chacun la nécessité de justice et de vérité pour bâtir une nation inclusive et respectueuse de ses citoyens.
Par: Grand Thiam