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20-11-2025

09:22

Emmanuel Macron en Afrique pour tourner la page des revers français au Sahel

FRANCE24 - Le président français, Emmanuel Macron, débute, jeudi, à l'île Maurice une tournée africaine qui le conduira aussi en Afrique du Sud, au Gabon et en Angola. Quatre destinations qui témoignent d'une réorientation de la diplomatie française après le retrait forcé du Sahel.

"Impulser" de nouvelles "dynamiques" sur le continent. Après plusieurs années marquées par une série de désillusions, Emmanuel Macron entend concrétiser la réorientation de sa politique africaine à travers une mini tournée qui l'emmènera, jeudi 20 novembre, à l'île Maurice puis en Afrique du Sud où se déroulera le G20, au Gabon et en Angola.

Objectif : tourner définitivement la page des coups d'État au Mali, au Burkina Faso et au Niger qui ont entériné le recul de l'influence de Paris en Afrique sur fond de montée du sentiment anti-français et d'une concurrence accrue d'acteurs russes et chinois.

À chaque étape, le président français entend concrétiser une relation renouvelée avec l'Afrique, affirme l'Élysée, à rebours de l'héritage de la France coloniale (la "Françafrique"), qu'il avait esquissée lors de son discours de Ouagadougou en 2017.

"Je suis d’une génération de Français pour qui les crimes de la colonisation européenne sont incontestables et font partie de notre histoire [...] Je suis d'une génération où on ne vient pas dire à l'Afrique ce qu'elle doit faire, quelles sont les règles de l'État de droit", avait affirmé le nouveau chef de l'État alors âgé de 39 ans, marquant une forme de rupture avec ses prédécesseurs.

Cependant, huit ans plus tard le constat est amer. Malgré un record de 40 déplacements et 26 pays africains visités, des jalons marquants de la politique mémorielle en l'Algérie, au Sénégal et au Rwanda, l'ancienne puissance coloniale et gendarme de l'Afrique a été chassée du Sahel, du Mali au Tchad. Accusée d'ingérence, la France fait face à un profond désamour populaire.

Une "forte composante économique"

Contrainte et forcée, la diplomatie française s'est donc réorientée vers les pays africains anglophones et lusophones, pays sans passif colonial avec Paris et dont les marchés intérieurs dynamiques constituent des opportunités non négligeables pour les entreprises tricolores.

Partenaire-clé de ce changement de stratégie, le Nigeria et ses 220 millions d'habitants, dont le président Bola Tinubu a été reçu en grande pompe il y a tout juste un an par Emmanuel Macron. Le pays le plus peuplé d'Afrique est devenu en 2024 le premier partenaire économique de la France en Afrique subsaharienne.

L'Élysée rappelle d'ailleurs que chaque déplacement prévu dans cette tournée africaine comporte une "forte composante économique". À commencer par l'île Maurice, l'un des pays les plus riches du continent en termes de PIB par habitant et qui bénéficie d'un taux de croissance économique de plus de 4 % en 2024.

Emmanuel Macron devait déjà s'y rendre en avril mais a repoussé sa visite en raison des obsèques du pape François. Le chef de l'État entend ainsi renforcer, avec cette première visite d'un président français depuis François Mitterrand en 1993, un partenariat déjà ancien mais un peu "distendu" ces dernières années.

Au-delà des opportunités économiques, la France cherche également à renforcer la coopération sécuritaire entre l'île et les départements français de Mayotte et de la Réunion, situés à moins d'une heure en avion.

"La France vient de subir un échec à Madagascar où le président (Andry Rajoelina) qui était proche d'Emmanuel Macron a été destitué (par des militaires, NDLR). Il y a donc un besoin de rééquilibrage" de la diplomatie française dans la région, rappelle auprès de l'AFP François Gaulme, chercheur associé à l'Institut français des relations internationales (Ifri).

Partenariat "gagnant-gagnant"

Le chef de l'État se rendra ensuite en Afrique du Sud pour une étape plus diplomatique avec une visite bilatérale et le sommet du G20, samedi et dimanche, à Johannesburg. Outre une rencontre avec le président Cyril Ramaphosa, il assistera aussi au lancement d'un conseil d'affaires franco-sud-africain sur le modèle de celui qui existe déjà au Nigeria.

Premier organisé sur le sol africain, le G20 sera marqué par l'absence de Donald Trump qui reproche à Pretoria une prétendue persécution de la minorité afrikaner, issue des premiers colons européens.

Si une poignée de main devant les photographes avec le président américain est exclue, Emmanuel Macron pourrait y croiser son homologue algérien, Abdelmadjid Tebboune. Quelques jours après la grâce accordée par Alger à l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, un entretien entre les deux présidents pourraient permettre de poursuivre le dégel entre Paris et Alger.

Puis, direction le Gabon pour "saluer le parachèvement de la transition" et "soutenir les (nouvelles) autorités", selon l'Élysée. Emmanuel Macron y rencontrera le tombeur de la dynastie des Bongo, le général Brice Clotaire Oligui Nguema, élu président en avril à l'issue d'un scrutin durant lequel les observateurs internationaux n'on constaté aucune irrégularité majeure. Dans la foulée, l'Union africaine avait annoncé la levée des sanctions contre le pays d'Afrique centrale, suspendu de ses instances après le coup d'État d'août 2023.

Lors de ce déplacement, Emmanuel Macron devrait défendre le partenariat "gagnant-gagnant" de défense entre les deux pays, renouvelé pour deux ans par le général Oligui Nguema après sa prise de pouvoir. Au cœur du dispositif, le camp de Gaulle à Libreville, dont le rôle est aujourd'hui centré sur la formation des forces de défense gabonaises.

Alors que la base de l'armée française en Côte d’Ivoire a été rétrocédée à la mi-février et que les derniers soldats français quitteront le Sénégal d’ici à la fin de l'année, le camp De Gaulle pourrait être l’une des deux seules bases permanentes de l’armée française en Afrique avec celle de Djibouti.

Sommet UA-UE

Les entreprises françaises espèrent aussi prend part à la diversification de l'économie gabonaise, notamment dans l'exploitation de minerais, encore trop centrée sur le manganèse et l'or alors que son sous-sol regorge de fer, d'uranium, de cuivre et de zinc.

Autre projet phare : la participation de l'Agence française de développement (AfD) à la réhabilitation du Transgabonais, une ligne de chemin de fer cruciale pour l'économie et le transport de personnes, qui traverse cinq des neuf provinces du pays mais nécessite d'importants investissements.

Le président français achèvera cette tournée menée au pas de course lundi en Angola, où se tiendra un sommet Union européenne-Union africaine. Cette rencontre vise à faire le point sur les progrès de la stratégie européenne "Global Gateway", lancée en 2021 pour financer des infrastructures africaines à hauteur de 150 milliards d'euros.

Parmi les chantiers prioritaires, le corridor de Lobito, destiné à relier par voie ferrée le port angolais du même nom à Kolwezi en RD Congo. Une manière d'affirmer la présence européenne en Afrique face à la Chine, l'un des principaux partenaires économiques de Luanda, et sécuriser l’accès de l'UE aux minerais critiques comme le cuivre et le cobalt, indispensables dans l’optique de la transition écologique.

Par : Grégoire SAUVAGE





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