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Contrôle au faciès en Mauritanie : Quand l’État contredit les principes du Président
Oumar El-Hadj Thiam JP -- En ce 21 novembre 2025, alors que j’effectuais le trajet entre Tintane et Nouakchott en bus, un incident au poste de gendarmerie de Tamchekett a révélé une disparité que le pays tente pourtant d’éradiquer. Le bus s’est arrêté pour un contrôle de routine. Un gendarme est monté à bord pour vérifier les identités.
Posté au fond, dans l’angle du bus, j’ai observé l’agent. Il a traversé l’allée avec une direction claire vers moi, ignorant les autres passagers qu’il croisait. Arrivé à ma hauteur, il m’a directement demandé ma carte d’identité.
J’ai interpellé le gendarme : « Pourquoi ne demandez-vous pas les autres ? Suis-je le seul visé ? » Devant mon refus de présenter mes papiers dans ce contexte, sa réponse fut inattendue : il m’a accusé d’être raciste pour avoir soulevé cette question.
Ce qui a le plus choqué était l’évidence de la disparité. Les sièges devant moi étaient occupés par des Maures blancs ; derrière moi se trouvait également un autre Maure blanc. J’ai vu l’agent se retourner au moment où il est arrivé au fond du bus, jetant un regard sur ce dernier passager avant de revenir expressément vers moi pour insister. L’évitement des autres passagers de la communauté maure blanche pour ne cibler que moi, passager noir, est le cœur de mon indignation.
En tant que citoyen mauritanien, cette expérience fut un choc. Il est paradoxal et inacceptable que l’agent d’un État censé servir l’ensemble des citoyens m’accuse de racisme alors que son action était manifestement discriminatoire.
Mon refus n’était pas un manque de respect à l’autorité, mais une protestation contre le contrôle au faciès flagrant qui venait d’être exercé. Un gendarme est là pour assurer la sécurité de tous les citoyens du pays, et non pour cibler une communauté au détriment des autres.
L’Appel aux Principes de l’État National
Cette scène contredit frontalement les engagements récents pris au plus haut niveau de l’État. Lors de sa visite dans l’Est de la Mauritanie, le Président de la République avait clairement déclaré dans son discours qu’il n’y aurait plus aucune tolérance envers toute utilisation de la tribu, de la région ou de la communauté à des fins contraires aux principes de l’État national.
Le Président avait également ajouté qu’il est interdit aux fonctionnaires et aux agents de l’État, en tant que symboles de l’État, d’organiser ou d’assister à des événements à caractère tribal ou régional, ou à des activités incompatibles avec le renforcement du concept de l’État. L’acte de ce gendarme à Tamchekett est une violation directe de ces principes.
J’ai pris la décision de porter plainte contre cet agent qui non seulement a exercé un contrôle sélectif et ciblé sur la base de l’apparence, mais qui a de surcroît inversé les rôles en m’accusant de racisme.
J’appelle les autorités mauritaniennes à prendre des mesures sévères et immédiates contre cet agent, afin de faire respecter le droit de tout citoyen à une égalité de traitement et d’envoyer un signal fort : la Mauritanie est un État pour tous ses fils et l’ère du contrôle basé sur la race ou l’appartenance communautaire doit cesser.
Oumar El-Hadj Thiam-JP