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23-11-2025

07:12

Passif Humanitaire / Appel à la raison et à la responsabilité nationale collective

LE RÉNOVATEUR QUOTIDIEN - Pour une Mémoire Juste et une Réconciliation Durable.

1. Introduction :

Le dossier du passif humanitaire-marqué par les exécutions extrajudiciaires, disparitions forcées et violations graves commises entre 1990 et 1992 contre des militaires noirs, des civils et des communautés de la vallée du fleuve-demeure l’une des blessures les plus profondes de la Mauritanie contemporaine.

Malgré plusieurs tentatives politiques, ce chapitre douloureux reste non résolu, sensible et source de divisions nationales persistantes.

Le pays avance malgré tout, mais les cicatrices restent cependant dans les esprits bien qu’invisibles physiquement : La mémoire blessée interpelle la conscience collective parce que ce Passif humanitaire, de plus de trente années, continue de hanter le présent.

2. Les premières mesures de règlement sous Mohamed Ould Abdel Aziz

Sous la magistrature de Mr Mohamed Ould Abdel Aziz, une démarche partielle de réparation avait été engagée par notamment:

Organisation de prières de l’absent, notamment à Kaédi.

Versement d’indemnités (idiyya) à de centaines de familles victimes et survivants des journées sombres de l’histoire du pays.

Reconnaissance symbolique, bien que limitée, des souffrances vécues. Aziz avait alors déclaré avoir « soldé le dossier ». Or, les associations de victimes et plusieurs acteurs de la société civile ont contesté cette affirmation, rappelant que l’argent ne remplace ni la justice ni la vérité.

3. La relance du dossier par le Président actuel

Le Président, Son Excellence Mr Mohamed Cheikh Ould Ghazouani, s’est engagé à régler ce Passif humanitaire et à remettre la question au cœur du débat national. En annonçant une enveloppe de 27 milliards d’ouguiyas pour indemniser les familles et orphelins des victimes.

Cette nouvelle initiative a suscité un double regard : pour certains, un acte de responsabilité politique, tandis que pour d’autres, c’est une répétition du passé, réduisant une problématique complexe à une nouvelle compensation financière. Elle a ravivé les débats, mais aussi les interrogations.

4. Les revendications persistantes des associations de victimes

Les associations de victimes rappellent que le passif humanitaire ne peut être réglé sans une démarche de justice transitionnelle incluant : Justice pour les crimes commis ;

Vérité complète : accès aux archives, reconnaissance officielle des responsabilités ;

Commémoration nationale pour consolider le devoir de mémoire ;

Garanties de non-répétition via des réformes institutionnelles.

Ces revendications demeurent constantes, légitimes et non satisfaites.

5. Une société divisée par l'approche identitaire

L’idée de « régler » le dossier exclusivement par l’argent divise profondément : Une partie de la population estime qu’il faut tourner la page et avancer.

Une autre considère qu’ignorer vérité et justice ne fait que prolonger les blessures. D’autres encore craignent que rouvrir ce passé ravive des tensions communautaires déjà sensibles. Le débat reste vif et sans consensus.

6. Pour une nouvelle approche sociale plus digne et la nécessité d’un courage politique

La question centrale posée aujourd’hui est simple et lourde de sens : Doit-on continuer à privilégier les indemnisations ou alors engager enfin un processus complet de justice transitionnelle ?

Des pistes crédibles pourraient être imaginées et mises en déploiement notamment par :

La création d’une Commission indépendante pour la construction d’un consensus national sincère autour de la réconciliation. Cette commission mise en place par le gouvernement pourrait être conjointement sous la tutelle des deux Ministères, de la Justice et de celui des Affaires religieuses. Elle sera composée des représentants mandataires des familles des victimes, de l’organisation des droits de l’homme, de certaines organisations de la Société civile nationale (Femmes et Hommes) qui sont choisis sur la base des critères de probité morale. Une feuille de route et des TdR précis et claire seront définis : visiter les localités des familles victimes, communiquer et sensibiliser à l’effet d’aboutir, dans l’intérêt national, notamment à:

L’instauration des journées nationales de Dialogue de Vérité–Justice–Réconciliation;

L’instauration d’une mémoire de commémoration de l’Aveu et du Pardon ;

La prise des mesures et des réformes institutionnelles idoines pour prévenir la répétition de tels évènements tout en appelant à la lucidité, à l’ouverture et au rassemblement national pour la responsabilité collective.

La réparation morale et les formes d’indemnisation, les privilèges et avantages consentis aux familles victimes (priorité à l’employabilité, octroi des terrains, à l’éducation et aux soins de santé….accès aux crédits d’investissement à des taux symboliques garantis par l’Etat etc).

La Mauritanie-au-delà du passif humanitaire-traverse une période difficile et vit des situations inédites qui se caractérisent par les faits suivants :

Les citoyens leur immense majorité, vivent difficilement sont préoccupés par le cout de la vie qui devient de plus en plus insupportable ;

Les questions sécuritaires et du banditisme dans les quartiers périphériques des grandes agglomérations urbaines ou des inquiétudes sécuritaires sont récurrentes ;

Le malaise social y est profond, souvent étouffé par le silence ;

La prise en compte des priorités d’adaptation et d’amélioration des systèmes d’alerte précoce, de renforcement de la résilience agricole, de la gestion intégrée des ressources naturelles de plus en plus rares et l’instauration d’une gouvernance environnementale véritable:

La gestion de l’eau et la restauration des terres dégradées ;

La protection des villes côtières (Nouakchott et Nouadhibou) contre les excusions marines, l’engorgement des grandes agglomérations (les chefs-lieux des wilayas du pays) par les ordures ménagères, les matières plastiques ;

La lutte contre les phénomènes d’ensablement et des érosions hydriques et éoliennes ;

La lutte contre les pratiques de surexploitation des ressources végétales forestières :

L’intensification du reboisement accompagnée par la reforestation et l’application rigoureuse de la législation et de la réglementation nationales en vigueur dans le pays.

A toutes ces situations viennent s’ajouter la destruction des infrastructures, la faiblesse des systèmes de santé et du déploiement de filets sociaux.

Ce sont là autant d’urgences et des préoccupations de taille qui invitent au rassemblement national. Elles se résument en fondamentaux vitaux avec des paramètres complexes et grande ambiguïté qui nécessitent des adaptations à tous les niveaux. Considérer que «l’adaptation n’est pas un choix  mais qu’elle est désormais, aujourd’hui plus qu’hier et davantage pour le futur, la condition de survie des populations rurales urbaines qui augmentent de plus en plus dans un environnement en prise avec les fléaux cités supra.

Face à ces défis, la parole publique doit apaiser, éclairer et rassembler, non alourdir les épreuves tout en promouvant la lucidité, l’ouverture d’esprit et un très fort rassemblement.

1. La lucidité, c’est regarder la réalité en face

Elle nécessite un courage politique et impose de refuser le déni tout en saluant la résilience admirable du peuple mauritanien. Mais reconnaître aussi qu’une résilience très prolongée dans le temps et dans l’espace risque de se transformer en résignation, prélude possible à la révolte,qui elle-même peut conduire à la répression. Ce cycle doit être conjuré, avec lucidité et responsabilité à travers l’ouverture au Dialogue sans capituler.

Il faut regarder donc les réalités en face parce que le pays ne dispose plus que d’un seul axe environnemental climatique réellement décisif pour le devenir des activités socioéconomiques et socioculturelles, qui est celui de l’adaptation». Par conséquent il serait irresponsable que les citoyens perdent de vue cet axe et de ne pas se préparer dès à présent à un scénario climatique « défavorable» auquel le pays se trouve confronte sans s’y préparer à l’instar des autres pays du continent de l’Afrique puis du monde.

2. L’ouverture au dialogue: C’est accepter de se parler et de s’écouter sans perdre la face comme dirait l’autre.

Se parler et s’écouter par « Un Dialogue inclusif » n’est ni une faiblesse, ni une capitulation en ce que l’ouverture par l’écoute de l’autre exige d’accepter la concertation constructive y compris avec ceux qui ont pris les armes. C’est une Approche sociale stratégique pour sauver des vies et de restaurer la paix. Le dialogue est une « Négociation » qui doit être méthodique, structurée autour de questions essentielles :

Que négocier ? A déterminer par des TdR claires ;

Avec qui ? Identifier tous les acteurs, parties prenantes en amont et en aval, du « Dialogue » en question Quand ? Où ? Fixer l’Agenda, la date et le lieu ;

Avec quelle équipe de négociateurs ? Les parties prenantes, principaux acteurs concernés, en amont et en aval, du processus du règlement du passif ;

Avec quels arguments ? Les thématiques en lien avec les exactions (Tortures, morts et toutes sortes d’humiliations morales et physiques…etc.)

Quelles lignes rouges ? Eviter de « soulever les démons » en s’employant l’union des cœurs pour la voie du Salut national ; les Assises nationales de 2016 l’avaient déjà recommandé par la « Prière de Kaédi ». Mais cette dernière était mal préparée. Elle a manqué de consulter d’abord les véritables victimes : veuves, enfants, héritiers, représentants légitimes mais aussi de faire recours aux bonnes volontés nationales (de médiation leaders d’opinions, des Djamaa et des personnalités de probité morale reconnue) mécanismes traditionnels et religieux de médiation spécifiques aux réalités socioculturelles ainsi qu’aux acteurs de la SCN du pays;

La prière de Kaédi, mal préparée, illustre l’importance Le dialogue doit s’accompagner de développement local tangible, et d’une action militaire réparatrice lorsque nécessaire.

Il faut aussi réchauffer l’atmosphère nationale non seulement pour restaurer la confiance entre communautés mais également pour renforcer les relations intergroupes et éviter que la notion de souveraineté ne devienne synonyme d’isolement ou de repli.

3. Le rassemblement : la voie de la grandeur nationale.

Lorsque les peuples sont éprouvés, leur force réside dans la capacité à se rassembler. Rassembler les Mauritaniens, c’est :

Assurer la justice, la cohésion et l’égalité d’accès aux services publics et aux institutions (civiles et militaires) ;

Permettre à la société civile d’exercer pleinement son rôle de vigie nationale ;

Lutter concrètement contre l’injustice, l’impunité, les discriminations, en privilégiant la compétence et la probité ;

Rappeler les fondements moraux et spirituels de notre pays, inspirés des principes de l’Islam. En rappel historique du Congrès fondateur d’Aleg (1958) de la Mauritanie, dénommée République Islamique de Mauritanie, nom donné-sur proposition-unanimement par les congressistes, par feu Cheikha Saadbou Kane, paix à son âme au Paradis Firdaws.

Libérer les détenus d’opinion ;

Faciliter le retour des exilés qui ne sont pas sous poursuites judiciaires ;

Garantir une justice impartiale à ceux qui sont poursuivis.

Une Mauritanie juste et réconciliée sortira plus grande, plus forte et durablement stabilisée. La gestion permanente de crise n’est ni une solution, ni une stratégie d’avenir.

4. Conclusion: Un appel profond, ancré dans la foi et la conviction.

Les propos qui précèdent ne sont pas de circonstance. Ils expriment des convictions fortes, guidées par les principes moraux, humains et spirituels de la Sainte Religion, l’Islam, qui est notre référence commune.

Que cet appel non seulement à la raison mais à la justice et au rassemblement ouvre la voie à une Mauritanie réconciliée. C’est ce qui permettra- avec l’apaisement-au Pays de se tourner vers l’avenir en se préparant mieux à affronter les innombrables problématiques sécuritaires, alimentaires et environnementales. Enfin nous en appelons à une responsabilité historique du pays et de ses populations, toutes composantes socioculturelles confondues, qui doivent « s’assumer » et «assumer » leurs responsabilités par leurs propres contributions, individuelles que collectives, aux fins, d’une part, de faciliter le règlement de ce Passif humanitaire qui n’a fait de très durer, d’autre part, de s’employer non seulement au dérèglement climatique mais surtout de soutenir le pays dans l’édification de capacités d’adaptation à long terme des dommages qui sont présents qui risquent d’être irréversibles dans leurs scenarios.

Par Hadya Amadou KANE

TEL: 43464628





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