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26-11-2025

15:16

Tribalisme : L’urgence déclarée face aux défis de mise en œuvre/El Wely Sidi Heiba

Weli Cheikhbouya -- Substituer la logique républicaine à la logique tribale, garantit l'égalité effective de tous les citoyens et préserve l'authenticité de la « foi » contre toutes les formes de récupération.

Nul doute que le discours du Président de la République, Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, au Hodh Charghi et la circulaire du Premier ministre, Moctar Ould Diay ont officiellement acté la reconnaissance par les plus hautes autorités de l'État des méfaits du tribalisme.

Ce phénomène, qui s'exprime à travers des pratiques sociales, politiques et administratives, engendre des injustices structurelles et instrumentalise jusqu'à la religion à des fins partisanes. Il s'appuie notamment sur l'analphabétisme et la persistance de considérations primitives de stratification de la population, exploitant les vulnérabilités pour perpétuer des rapports de domination archaïques.

Face à ce constat, l'État se trouve dans l'obligation de concevoir et de déployer une stratégie complète, articulée autour de plusieurs axes opérationnels.

La première priorité est l'édification d'un cadre juridique dissuasif et clair. Cela passe nécessairement par la criminalisation explicite des pratiques tribales dans la gestion des affaires publiques, notamment le favoritisme et le népotisme dans les nominations et l'accès aux ressources. Ce cadre doit être complété par un régime de sanctions effectives et par une protection solide des lanceurs d'alerte.

Le second impératif est la conduite d'une réforme administrative en profondeur, l'objectif étant de substituer les logiques d'allégeance clanique par le mérite et la compétence comme seuls critères légitimes. La mise en place de mécanismes de contrôle indépendants pour superviser les recrutements et les carrières, couplée à des formations continues à l'éthique et aux valeurs du service public, est essentielle pour restaurer la confiance dans les institutions.

Un troisième axe crucial concerne la lutte contre l'instrumentalisation de la religion et l'exploitation de l'analphabétisme, ce qui importe de :

· Sanctionner l'usage de discours religieux à des fins tribalistes

· Combattre l'analphabétisme par des programmes d'alphabétisation massive

· Promouvoir une lecture éclairée des textes religieux fondée sur la justice et l'égalité

· Sensibiliser les chefs religieux et communautaires à la dimension éthique de l'Islam

· Lutter contre la mentalité rétrograde et obscurantiste, ainsi que contre la culture de la superstition et toutes les formes d’incohérence, nécessite l’ancrage profond d’une éducation scientifique et civique capable d’éclairer les esprits et de redonner sens à la pensée critique. Il ne s’agit pas seulement de combattre des idées dépassées, mais de libérer le citoyen de la mentalité qui l’enchaîne, le soumet et le détourne de sa pleine humanité.

Certes, pour un peuple enchaîné par des traditions avilissantes d’un autre âge, la délivrance ne peut advenir qu’en brisant ces entraves et en réhabilitant la raison comme force première de transformation et de dignité. C’est en redonnant à chacun le pouvoir de comprendre, de questionner et de choisir que l’on construit une société vivante, capable de se renouveler et d’affronter les défis de son temps.

Car aucun progrès véritable ne peut naître dans l’opacité de l’ignorance, ni dans la soumission aux carcans hérités. C’est par l’éducation, la lucidité et la volonté collective de rompre avec l’immobilisme que s’ouvre la voie d’un avenir plus juste, plus libre et plus éclairé.

En parallèle, une stratégie préventive et éducative de long terme doit être déployée. L'école doit devenir le creuset de la citoyenneté en intégrant des programmes dédiés dès le plus jeune âge. Des campagnes de sensibilisation à l'échelle nationale, s'appuyant sur les médias publics, sont nécessaires pour opérer un changement durable des mentalités.

Enfin, l'efficacité de cette lutte dépendra de la mise en place d'un système de suivi et d'évaluation rigoureux. La création d'un observatoire indépendant chargé de mesurer l'évolution du phénomène, la production de rapports réguliers soumis au Parlement et l'évaluation externe des politiques publiques permettront de maintenir la dynamique et d'ajuster les actions engagées.

La réussite de cette entreprise de refondation repose sur une volonté politique constante et affirmée. Il s'agit ni plus ni moins de traduire dans les faits l'ambition de substituer définitivement la logique républicaine à la logique tribale, pour garantir l'égalité effective de tous les citoyens et préserver l'authenticité de la foi contre toutes les formes de récupération.



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