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27-11-2025

07:54

Le 28 novembre : l’unité de la Nation face aux tentations de division

SHEMS MAARIF - À l’heure où la Mauritanie s’apprête à célébrer, le 28 novembre 2025, le soixante-cinquième anniversaire de son accession à la souveraineté, une polémique, familière mais toujours regrettable, resurgit dans l’espace public.

Quelques voix — parmi lesquelles celles de députés que l’on sait prompts à rechercher la lumière autant que l’argument — s’emploient à contester la légitimité de cette commémoration nationale, au motif que cette date coïnciderait avec l’assassinat de militaires mauritaniens négro-mauritaniens, événements tragiques dont la douleur demeure vive et que nul n’entend nier.

Qu’on nous permette de le redire avec gravité : aucune vie mauritanienne ne devrait, jamais, être brisée par la violence, et le sang versé de nos compatriotes exige respect, reconnaissance et mémoire. Le drame humain ne se discute pas ; il s’honore, et la Nation, dans son entier, porte le deuil de chacun de ses enfants injustement fauchés.

Pour autant, prétendre que cette blessure — si profonde soit-elle — doit conduire à renoncer à la célébration de l’indépendance, c’est commettre une confusion funeste entre la mémoire des tragédies et la mémoire fondatrice. C’est substituer l’émotion à la raison, et l’instant à l’Histoire.

L’indépendance n’est pas un trophée remis à une fraction du peuple : elle est le socle même de notre existence collective. Elle nous a inscrits dans la communauté des nations libres et nous a donné, pour la première fois, la possibilité de choisir notre destin. C’est elle qui offre aujourd’hui la tribune d’où certains appellent paradoxalement à renoncer à la célébrer.

Faut-il le rappeler ? Une nation qui renonce à commémorer son acte de naissance abdique une part de sa souveraineté spirituelle. Elle se rend vulnérable au révisionnisme, au morcellement identitaire, et à la tentation de substituer des mémoires concurrentes à la mémoire commune.

Il est pour le moins préoccupant que ceux qui, par leur mandat, ont la charge d’élever le débat national, choisissent parfois d’en abaisser le niveau pour des motifs dont la transparence n’échappe à personne. On attend d’un député qu’il soit le gardien lucide de l’intérêt général, non le chef de chœur des ressentiments passagers. Appeler à déserter la fête nationale, c’est prendre le risque d’exacerber les fractures au moment précis où la République requiert unité, dignité et rassemblement.

la critique, légitime lorsqu’elle éclaire, devient funeste lorsqu’elle instrumentalise. La Mauritanie n’a nul besoin d’opposer ce qui, naturellement, s’articule : la reconnaissance sincère des douleurs passées et le salut respectueux à son indépendance. Au contraire, c’est à l’intérieur d’un cadre national assumé, solide et partagé que les blessures historiques peuvent être pensées, enseignées, réparées et transmises.

Rien n’interdit — bien au contraire — que le 28 novembre soit aussi un moment de recueillement, d’hommage et de méditation. Célébrer l’indépendance n’équivaut pas à ignorer les ombres qui jalonnent notre parcours : c’est affirmer que la Mauritanie est suffisamment mûre pour regarder son histoire droit dans les yeux sans renoncer à ce qui la fonde.

À l’occasion de ce soixante-cinquième anniversaire, notre pays a l’opportunité rare de réaffirmer son vouloir-vivre collectif. En célébrant le 28 novembre, nous ne saluons pas seulement un événement daté : nous reconnaissons la valeur de notre indépendance, la diversité de nos cultures, et la volonté — toujours renouvelée — de demeurer une nation unie malgré les épreuves.

Que les querelles accessoires s’évanouissent devant l’évidence : la Mauritanie ne se grandit qu’en se rassemblant, et c’est à l’aune de son unité que se mesure la noblesse de son avenir.

Comme le disait de Tocqueville : « Les nations ne se déchirent que lorsqu’elles oublient ce qui les fonde ; elles ne s’élèvent que lorsqu’elles se souviennent ensemble. »

Yedaly Fall





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